
Délais d'accès aux dermatos : "Le dépistage de masse sature les consultations"
Alors que les besoins en dermatologie augmentent, le délai d’obtention d’un rendez-vous chez un dermatologue s’allonge. Ce constat, qui alarme la profession, a été abordé lors des premiers Etats généraux de la dermatologie qui se sont tenus le 3 avril au ministère de la Santé.

Plusieurs facteurs ont eu pour conséquence d'accroître les besoins en dermatologie. L’incidence des maladies de peau a progressé, notamment avec le vieillissement de la population et un environnement favorisant les allergies. C’est le cas de certaines dermatoses, mais également des cancers cutanés qui ont triplé en 30 ans. La demande d’accès aux thérapies innovantes s’est amplifiée. La sensibilisation au risque de cancer cutané, les réseaux sociaux et l'image de soi ont également renforcé le souhait de consulter.
L’étude "Objectif peau", éditée par la Société française en dermatologie (2016) et menée auprès d’un échantillon de 20 000 sujets représentatifs avait montré qu’1/3 des adultes déclaraient avoir eu dans l'année au moins une maladie ou un problème de peau, et qu’1/5 avait consulté au cours de la dernière année un dermatologue.
En parallèle, selon la classification commune des actes médicaux (CCAM), entre 2014 et 2022, le nombre de consultations de dermatologie médicale est passé de 7,2 millions à 5 millions, soit une baisse de 31% en relation avec la diminution du nombre de dermatologues (-22%) et de consultations annuelles par praticien (-10,4%). Ainsi, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees, 2018), le délai pour obtenir une consultation chez un dermatologue était en moyenne de 60 jours, voire pour 10% de la population, de 126 jours.
Une répartition inégale sur le territoire
Avec 2 880 dermatologues exerçant en France (Cnom 2024) et une densité moyenne en France de 3,6 dermatologues pour 100 000 habitants, l’accès aux soins dermatologiques est rendu difficile. Certaines régions connaissent une baisse sensible du nombre de dermatologues comme l’Ain ou l’Aube (-70%). D’autres comme la Bretagne ou l'Ile-de-France, subissent une mauvaise répartition géographique des praticiens. Ainsi, pour consulter un spécialiste dans certaines zones rurales, les patients doivent parcourir plus d’une centaine de kilomètres. En cause également, le vieillissement de la profession (40% des dermatologues ont plus de 60 ans) et les départs à la retraite qui ne sont pas tous remplacés.
"Plus de 6 000 pathologies ou problèmes de peau sont recensés dans notre spécialité. Que cela soit en structures hospitalières ou en cabinets libéraux, nous devons prendre en charge la dermatologie, de la pédiatrie jusqu'au grand âge, qu’il s’agisse de phanères, de muqueuses, d’infections cutanées, de dermatoses inflammatoires chroniques, de maladies systémiques à l'expression cutanée, de réactions allergiques… Mais aussi des cancers cutanés (90% de carcinomes) représentant 1/3 de l'ensemble des cancers en France. Nous sommes ainsi confrontés aussi bien à des motifs de consultation 'banals' que 'dramatiques'. Les tâches et les petites marques rouges sur la peau sont des sources de fortes demandes de la part de la population. Bien qu’il faille en tenir compte, nous allons devoir prioriser les consultations !", indique la Pre Marie-Aleth Richard, chef du département de dermato-oncologie, CHU de Marseille - Hôpital de la Timone.
Nous gérons une inquiétude croissante de la population française vis-à-vis des lésions
"Notre mission est de faire le tri entre ce qui est bénin ou malin. Mais la problématique n'est pas simplement celle du dépistage, elle est aussi celle de la prévention. Nous gérons une inquiétude croissante de la population française vis-à-vis des lésions. Ainsi, nous nous questionnons sur les limites du dépistage précoce de masse des cancers cutanés en France. En effet, l'excès de diagnostic n'est pas loin. Les stratégies de dépistage de masse génèrent de l’inquiétude et saturent les consultations", alerte la spécialiste.
L’accès à la téléexpertise crée une demande supplémentaire. "Ce besoin des patients, souvent ressenti comme urgent, pour se faire dépister ou répondre à leurs angoisses face à une tâche noire, accroît la demande en dermatologie. Ceux ne pouvant obtenir un rendez-vous rapidement ont recours à la téléexpertise. Certains multiplient les consultations pour un même problème médical puisqu’il n'existe pas de limite à l’accès aux médecins. Cela conduit à un nomadisme médical et derrière, une problématique majeure qui est celle du renoncement aux soins, faute de rendez-vous, pour près de la moitié des patients", regrette la Pre Richard.
Références :
D’après les États généraux de la dermatologie (3 avril)
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