HAS

Critères pour définir la fin de vie : pas de consensus médical, pour la HAS

Saisie par le ministère de la Santé, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu ce mardi 6 mai son avis sur les notions de "pronostic vital engagé à moyen terme" et d'"affection en phase avancée ou terminale". Il devrait alimenter les prochains débats autour de la proposition de loi sur la fin de vie, qui prévoit d'ouvrir un accès à l'aide à mourir en France.

06/05/2025 Par Dre Marielle Ammouche
Fin de vie
HAS

Peut-on définir de façon certaine, avec des critères fiables, les notions de "pronostic vital engagé à moyen terme" pour un malade, ou de "phase avancée ou terminale" ? Pour la Haute Autorité de santé (HAS), cela est "impossible". Au lieu de réfléchir en termes de quantité de vie restante, l'agence sanitaire souhaite se concentrer sur sa qualité. Cette dernière avait été saisie par le ministère de la Santé sur cette question afin d’éclairer les débats autour de l’accompagnement de la fin de vie. Ces notions apparaissent, en effet, fondamentales car elles pourraient servir de critères pour déterminer les personnes susceptibles de bénéficier de l’aide à mourir.

La HAS a donc réuni un groupe de travail multidisciplinaire qui a été chargé d’analyser la littérature scientifique sur ce sujet, ainsi que les différentes législations internationales. Des auditions d’experts ont aussi été réalisées.

Il ressort de ces travaux, qu’il est impossible de définir de tels critères objectifs à l’échelle individuel. A ce jour, "il n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé 'à moyen terme', ni sur la notion de 'phase avancée' lorsqu’elles sont envisagées dans une approche individuelle", précise ainsi la HAS dans son avis, publié ce mardi 6 mai. "Nul ne peut dire : telle est l'espérance de vie d'un patient avec un certain nombre de pathologies", a déclaré à l'AFP son président, le Pr Lionel Collet, et "c'est vraiment au cas par cas qu'on doit examiner les questions".

Les différents outils d’évaluation dont disposent actuellement les professionnels de santé apparaissent d’"une fiabilité insuffisante" et comportent "un degré d’incertitude important". La HAS insiste sur le fait qu’ils ne prennent pas en compte "la singularité de la personne malade et l’éventuelle progression de la maladie ni les biais subjectifs chez la personne malade (son état émotionnel, l’appréciation de sa qualité de vie, etc.) et chez les professionnels de santé (au-delà de leur rôle de soignant)".

Cette position est, de plus, adoptée par l’ensemble des pays européens. Aucun n’a retenu de critères d’ordre temporel dans la définition du "moyen terme". "Certains, comme le Québec, y ont même renoncé après une période d’application", ajoute la HAS.

C'est la dimension subjective de la qualité de vie telle que perçue par la personne qui est à prendre en considération

Concernant plus précisément la notion de "phase avancée" ou terminale dans le cas d’une maladie incurable, "celle-ci ne renvoie pas tant à l’échéance du décès qu’à la nature de la prise en charge et donc au parcours du malade", souligne la HAS, ce mardi. D’ailleurs dans la loi Claeys-Leonetti de février 2016, ce terme de "phase avancée" est utilisé sans être défini. Pour la HAS, "la 'phase avancée' peut ainsi être définie comme l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie". 

En conclusion, l'agence considère donc comme "impossible de définir objectivement un pronostic temporel applicable à toute situation individuelle. De manière plus générale, ce travail n’a pas permis d’identifier de critère alternatif". Dans le cadre des débats actuels, la HAS insiste sur la nécessité de se concentrer sur la personne malade, en retenant "une logique d’anticipation et de prédiction de la qualité du reste à vivre, quelle que soit l’issue des débats parlementaires".

Pour Lionel Collet, "c'est la dimension subjective de la qualité de vie telle que perçue par la personne qui est à prendre en considération".

Vendredi, les députés ont approuvé en commission des Affaires sociales la proposition de loi d'Olivier Falorni (MoDem) créant un "droit à l'aide à mourir", pour permettre à des malades avec une "affection grave et incurable"  qui "engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminal" et ne supportant plus leurs souffrances, de recevoir ou de s'administrer une substance létale. La HAS montre qu'"il faut avoir encore plus de prudence sur l'aide active à mourir et ses critères" et qu'il ne faut pas "envisager un saut sociétal alors que nous n'avons pas encore développé partout en France les soins palliatifs", a, de son côté, affirmé à l'AFP le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder.

Références :

D’après la Haute Autorité de santé (7 mai). Avec AFP

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Claire FAUCHERY

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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 7 mois
Je suis définitivement consterné par les législateurs et même par leurs « conseillers ». Pour la législation: tant que ces gens confondront (volontairement ?!) les statistiques et les probabilités, soit par ignorance soit pour masquer une idéologie rien ne pourra avancer. Les pays qui ont adopté une loi sur la fin de vie cohérente l’ont bien compris comme le suggère l’HAS dans son avis, (ré)affirmant qu'il est impossible de prévoir les dates et durées d'un pronostic individuel. Mais pour l’HAS le constat n’est pas forcément meilleur: prétendre dans ces conditions que le projet n’étant pas mûr, il est urgent de différer, est un manque de courage et un encouragement à ne pas prendre de décision. Alors je sais bien que « statistiquement » cela ne représente que peu de malades. Je sais bien aussi qu’il faut éviter les dérives. Je sais encore qu’on doit accepter les clauses de conscience de ceux des médecins (sincères) dont les convictions s’opposent à « donner la mort » même si c’est s’opposer, in fine, à soulager le patient. Je regrette aussi que le comité d’éthique soit si discret. Mais peut être n'est ce qu'un effet "loupe" médiatique. Je déplore qu’on continue à opposer les soins palliatifs et l’aide active à mourir qui n’est finalement qu’un prolongement « utile » à la palette des soins et à la sérénité de ceux qui craignent de ne pas pouvoir « mourir dans la dignité » pour avoir choisi le moyen, le lieu et le moment. Beaucoup de guillemets dans mon propos. Le rejet des directives anticipées, même réitérées au prétexte qu’elles ne seraient pas un dialogue continu, ce qui est manifestement impossible en (toute?) fin de vie de maladies neuro-dégénératives par exemple montre bien qu’un certain nombre de médecins y sont réfractaires comme ils sont résolus à être « décideurs » dans ce domaine comme ils le sont légitimement dans l’arrêt des traitements « déraisonnables » ou la sédation profonde façon Léonetti Claeys. C’est bien dommage que cette belle loi soit finalement un blocage pour un certain nombre de personnes qui y voient le maximum acceptable pour leurs convictions idéologiques et pour d’autres des avancées pas à pas dans un contexte budgétaire contraint: la bonne excuse quand on n’a rien fait depuis des lustres!
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 5 mois
Le problème c'est que les soins palliatifs coûtent très chers à la société, et il serait plus aisé de trouver une alternative qui pour certains médecins, c'est mon cas, ne sont pas réellement satisfaisantes
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14,8 k points
Résistant
Chirurgie générale
il y a 6 mois
il y en a 1,parfaitement technocratique: "quand çà coûte trop cher à la sécu" donc même les enfants vont y passer! "responsable,mais pas coupable"
 
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