
Devant l'Ordre, le médecin mis en cause a le droit de se taire
Lorsqu’il comparaît devant la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, le médecin doit nécessairement être informé du droit qu’il a de se taire, a récemment établi le Conseil d'Etat. Cette garantie constitutionnelle vise à prévenir que les propos tenus par le médecin lors d’une instance disciplinaire ne contribuent pas à sa propre incrimination notamment lorsqu’il répond aux questions posées par les membres de la chambre disciplinaire.

Le droit de se taire est un principe constitutionnel que le Conseil constitutionnel a lui-même dégagé de l’article 9 de la Déclaration des droits de 1789* (qui garantit notamment la présomption d’innocence) et du principe qui en résulte selon lequel nul n’est tenu de s’accuser.
Le juge constitutionnel avait initialement cantonné l’application de ce principe à la procédure pénale (en appliquant, par exemple, aux mesures de garde à vue). Toutefois, plusieurs décisions très récentes du 8 décembre 2023, 26 juin 2024 et du 4 octobre 2024 ont étendu l’application du droit de se taire à l’ensemble des sanctions ayant un caractère disciplinaire. Il s’agissait là d’une avancée majeure, ayant considérablement renforcé les droits des personnes faisant l’objet de poursuites disciplinaires.
Assez logiquement, le Conseil d’Etat a fait sienne la jurisprudence du Conseil constitutionnel en jugeant, dans une décision de principe du 19 décembre 2024, que cette exigence doit être rigoureusement respectée par les juridictions disciplinaires ordinales (Conseil d’Etat, Section, M. S., n° 490952).
Ainsi, une personne faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne peut être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’elle ait été préalablement informée du droit qu’elle a de se taire. Ce droit doit lui être notifié aussi bien lors de son audition au cours de l’instruction que lors de sa comparution devant la juridiction disciplinaire étant précisé qu’elle doit à nouveau être avisée de ce droit en cas d’appel. La méconnaissance de cette garantie est lourdement sanctionnée puisqu’elle entache d’irrégularité la procédure.
Deux décisions annulées pour non-respect de la procédure
Dans la lignée de cette jurisprudence, le Conseil d’Etat a reconnu tout récemment l’application du droit de se taire à la procédure disciplinaire des médecins (voir les arrêts du 25 février 2025, n° 491214 et du 22 mai 2025, n° 494096). Dans ces deux affaires, les sanctions contestées ont été annulées au motif que les deux médecins poursuivis n’avaient pas été informés du droit qu’ils avaient de garder le silence par la chambre disciplinaire alors qu’ils avaient tenu des propos lors de l’audience.
Le droit de se taire constitue ainsi une garantie procédurale fondamentale qui doit faire l’objet d’une protection effective tout au long de la procédure disciplinaire. Au stade contentieux, son invocation peut constituer un solide argument pour démontrer l’irrégularité d’une procédure disciplinaire.
*Cet article prévoit que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
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