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Que risque un médecin en insuffisance professionnelle ou souffrant de troubles psychiques ?

En cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereuse la poursuite de l’exercice, un médecin peut être suspendu totalement, alors qu’en cas d’insuffisance professionnelle cette suspension peut être totale ou partielle.

18/05/2025 Par Nicolas Loubry
Déontologie
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Aux termes de l’article R.4124-3 du Code de la santé publique, dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la médecine, une suspension temporaire du droit d’exercer peut-être prononcée par le Conseil régional de l’Ordre pour une période déterminée, qui peut être renouvelée. Le médecin qui a fait l’objet d’une mesure de suspension ne peut reprendre son exercice sans que le Conseil régional ait fait procéder à une nouvelle expertise, dans les deux mois qui précèdent l’expiration de la période de suspension. Cette suspension, même si elle est temporaire, est totale : un médecin doit ainsi disposer de toutes ses capacités physiques et intellectuelles pour pouvoir exercer sereinement, en toute sécurité.

Lorsqu’il s’agit d’une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la médecine, la suspension temporaire du droit d’exercer est également prononcée par le Conseil régional de l’Ordre pour une période déterminée, qui peut, là encore, être éventuellement renouvelée. Cette suspension peut être totale ou partielle. La décision de suspension, qu’elle soit prise par le Conseil régional ou en appel, par le Conseil national de l’Ordre, définit les obligations de formation à la charge du médecin sanctionné qui ne pourra reprendre son activité qu’après avoir justifié auprès de l’Ordre qu’il a bien rempli ces obligations. Toutefois, cette suspension d’exercice peut être partielle, comme l’a rappelé le Conseil national de l’Ordre, dans une décision du 7 novembre 2024, ayant autorisé un médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie à conserver une activité de consultation dans sa spécialité pendant sa période de suspension d’une durée de six mois pendant laquelle il ne pourrait opérer. Mais comme l’a jugé le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 21 janvier 2025, si l’Ordre peut prononcer la suspension temporaire, totale ou partielle, d’un médecin en cas d’insuffisance professionnelle, c’est à la condition de s’appuyer sur des éléments concrets tirés de son exercice, ne pouvant pas se déduire de son absence d’activité. Le Conseil d’Etat a ainsi annulé une décision du Conseil national de l’Ordre qui avait suspendu une médecin, d’origine italienne, du droit d’exercer la médecine générale pour une durée d’un an, à l’exception d’une activité d’allergologie, au motif qu’elle n’avait pas eu une formation initiale en médecine générale ni de pratique professionnelle récente en France, notamment pour la prise en charge en ambulatoire des patients et des enfants. Des arguments balayés par le Conseil d’Etat alors que les experts avaient évalué ses connaissances et relevé que, même si elle n’avait pas eu une pratique professionnelle récente en médecine générale dans notre pays, elle possédait de solides connaissances et des compétences qu’elle avait mises à jour et était consciente de ses limites. Dans un autre arrêt du Conseil d’Etat, du 13 avril 2023, la juridiction administrative a, cette fois, donné raison à l’Ordre pour n’avoir pas limité une mesure de suspension prise à l’encontre d’un médecin généraliste, pour insuffisance professionnelle, à une partie de son activité, au motif que les nombreuses lacunes dans ses connaissances médicales rendaient dangereux l’exercice de la médecine générale, dans toutes ses composantes.

Face à un médecin « dangereux », par ses troubles du comportement ou par son incompétence notoire, l’Ordre se doit de préserver la sécurité des patients. Suspendre partiellement un médecin, en cas d’insuffisance professionnelle, alors que ses compétences sont fragilisées et ses connaissances trop anciennes, peut se révéler contre productif et dangereux : pour lui au regard de sa responsabilité et pour ses patients. 

 
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