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Les médecins ont-ils le droit d'imposer un seul motif par consultation ? La réponse de l'Ordre

Est-il possible d'imposer aux patients un motif par consultation ? Alors que le débat agite les médecins sur les réseaux sociaux ou sur Egora, le Dr René-Pierre Labarrière, président de la section exercice professionnel au Conseil national de l'Ordre des médecins, recadre les praticiens et rappelle les règles de bonne pratique. 

08/06/2025 Par Sandy Bonin
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Régulièrement confrontés au phénomène de "la liste de courses" et face aux difficultés d'accès aux soins, de plus en plus de médecins généralistes limitent leurs consultations à un seul motif. Une pratique qui fait débat dans les groupes de médecins sur les réseaux sociaux. Interrogés sur le sujet, les lecteurs d'Egora se sont également montrés divisés. Sur les 531 professionnels de santé qui se sont exprimés sur notre plateforme de débats, 50% sont favorables à cette règle "d'un motif par rendez-vous", estimant que cette pratique est nécessaire pour assurer une meilleure qualité des soins face à la pénurie de médecins et à l'actuelle tarification des consultations. L'autre moitié s'indigne d'une méthode qui "rabaisse la médecine" alors que souvent "l'essentiel peut être dit à la poignée de la porte".

Interrogé sur ce sujet par Egora, le Dr René-Pierre Labarrière, président de la section exercice professionnel du Conseil national de l'Ordre des médecins rappelle que, d'après le code de déontologie, "les médecins doivent consacrer le temps nécessaire" à leur patient et que la médecine n'est pas un commerce. "Demander aux patients de ne venir qu'avec un seul motif n'est pas possible", tranche donc le conseiller ordinal. "S'il s'agit d'une demande très complète qui va demander un temps important, le médecin est libre de dire au patient qu'il sera nécessaire de se revoir", nuance toutefois le généraliste installé à Annecy. De même pour un acte technique comme un frottis ou une demande complexe, il peut également être envisagé de revoir le patient pour prendre le temps et éventuellement faire un examen approfondi, explique-t-il. "Ce qui n'est pas possible, c'est de dire de manière préalable : un motif une consultation et donc une facturation", précise le Dr Labarrière.

On ne peut pas cloisonner l'interrogatoire ni la demande du patient

"Le contenu de la consultation n'a jamais été défini dans la convention parce qu'il y aurait trop de choses à mettre dedans. C'est au médecin d'apprécier l'utilité et la pertinence de tel ou tel examen clinique ou complémentaire à réaliser en plus. C'est une responsabilité professionnelle", pointe le conseiller ordinal. "Le deuxième motif de consultation est peut-être indépendant du premier mais il peut rentrer dans le cadre du premier symptôme. On ne peut pas cloisonner l'interrogatoire ni la demande du patient", insiste-t-il.

Si le généraliste est amené à revoir le patient à la suite de la première consultation, il ne pourra facturer qu'en cas de "nouvel acte médical avec un interrogatoire, un examen clinique, éventuellement des examens complémentaires", poursuit le conseiller ordinal. S'il ne s'agit que de réponses à des questions posées lors du premier rendez-vous, "ça ne sera pas possible". 

Mais alors comment éviter le phénomène de la liste de courses, avec des patients qui arrivent avec plusieurs motifs de rendez-vous et une salle d'attente pleine à craquer ? "Il y a une éducation aussi à faire auprès du patient. Il faut que ce dernier comprenne que le temps est compté et qu'il faut être précis sur ce qu'on demande", répond le Dr Labarrière, qui estime que ce n'est pas une raison pour donner le droit au médecin "de saucissonner sa consultation et de faire autant de motifs que d'actes différents".

"Je sais bien qu'il y a des hypochondriaques, des gens qui sont inquiets, qui ont des tas de questions à poser. Mais si les gens viennent avec une liste de courses, c'est qu'ils ont des questions et leurs questions sont toujours fondées. Le malade s'imagine immédiatement le pire et c'est justement le rôle du médecin d'expliquer et de rassurer", estime René-Pierre Labarrière.

Pour le conseiller ordinal, cette pratique d'un motif pour une consultation résulte sans doute "d'un problème sur la nomenclature". "Il y a un travail syndical à faire avec l'Assurance maladie pour essayer effectivement de mettre en œuvre des consultations complexes ou multipathologiques qui permettraient de dégager du temps", juge le conseiller ordinal, qui constate que les consultations sont de plus en plus complexes et polypathologiques.

Si un médecin affiche donc dans sa salle d'attente qu'il impose aux patients un motif par consultation, il risque un rappel à l'Ordre de la part de son conseil départemental. S'il s'obstine, une procédure disciplinaire peut alors être engagée. Les sanctions encourues sont l'avertissement, le blâme ou encore l'interdiction temporaire d'exercer.  

 
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