C’est à Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, que le Pr Benoit Véber, président de la conférence des doyens de médecine, Philippe El Saïr président de la conférence des directeurs généraux de CHU et Rémi Salomon président de la conférence des présidents de CME de CHU ont présenté, ce jeudi 14 décembre, leur travail. A l’occasion des 18e assises hospitalo-universitaires, qui se tiennent à Versailles jusqu’à vendredi 15 décembre, les représentants des trois instances ont en effet dévoilé leur “plateforme de solutions pour l’hôpital de demain”.
Au travers de 10 grandes propositions, “volontairement peu nombreuses”, ils espèrent “ relancer le modèle hospitalo-universitaire français, idéalement pour au moins une génération, dans un monde aux défis inédits”. Dans leur rapport, ils dressent d’abord un constat “d'essoufflement” du système qui s’est accru au fur et à mesure que les effectifs ont augmenté. “Les effectifs étudiants et internes ont doublé, avec des taux d’encadrement des étudiants et des internes qui se sont dégradés. Or ce rapport précède le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus qui a encore augmenté significativement le nombre d’étudiants”, alertent-ils.
Rappelant que la réforme Debré de 1958 a hissé “la médecine française à son plus haut niveau”, ils soulignent aussi que la mission de soin est aujourd’hui “bousculée par les difficultés croissantes de notre système de santé à s’adapter au vieillissement de la population, au poids croissant des maladies chroniques et au poids de la précarité”. La mission de recherche, elle, “résiste”, saluent-ils, “tout en faisant face à une concurrence mondiale sans précédent”.
Enfin, les indices “convergents d’une perte d'attractivité” est “bien réelle”, selon eux. “Dans les années 1990, et encore dans les années 2000, aucun médecin n’aurait imaginé refuser une carrière hospitalo-universitaire. Aujourd’hui, les PU-PH doivent rivaliser d’arguments pour parvenir à persuader les jeunes médecins à faire le choix d’une carrière hospitalo-universitaire ; choix qui doit résister à un parcours long, exigeant et incertain qui constitue une épreuve familiale. D’autant plus que ce parcours se construit au moment où les projets familiaux se concrétisent, ce qui est plus lourd encore à porter lorsque les nominations se féminisent”, poursuivent-ils. “Certains CNU alertent clairement désormais sur le fait qu’ils n’ont plus l’assurance de nommer les éléments les plus brillants de leur génération, même s’ils parviennent encore à trouver des candidats. La situation de faiblesse d’un nombre important de CHU sur leur territoire, dans des disciplines médicales et chirurgicales considérées comme matricielles il y a vingt ou trente ans, vient conforter malheureusement ce signal d’alerte.”
10 propositions en trois axes
C’est pourquoi, le plan des Doyens, de la conférence des directeurs généraux de CHU et de la conférence des présidents de CME de CHU a été découpé en trois grands axes : l’adaptation des conditions d’exercice aux jeunes médecins, la modernisation et la revalorisation des statuts des hospitalo-universitaires (HU) ainsi que la préservation du temps de l’enseignement et de la recherche.
Dans le premier axe, ils proposent d’abord de contractualiser au niveau du service sur la durée de la carrière l’exercice de la triple mission des HU, qui constitue “le coeur” de leur travail. “Les modalités d’exercice de cette triple mission n’ont jamais été déclinées de manière précise dans les textes, par crainte de rigidifier un mode d’exercice”, indiquait un rapport de l’Igas en 2021. “Il convient donc de concilier la liberté offerte par le statut HU et un exercice de clarification. Dans un contexte où l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle a tendance à s’inverser, l’exercice simultanée des trois missions se retourne désormais contre l’attractivité hospitalo-universitaire”, écrivent-ils. “Pour gagner en attractivité, il faut concrètement faire ‘baisser le niveau de pression’, c’est-à-dire de contraintes, notamment sur les plus jeunes, en protégeant le temps universitaire”, plaident les trois instances.
Ce contrat serait par définition évolutif dans le temps. Les CNU, qui évaluent actuellement la triple mission, devront prendre en compte ce contrat afin de ne pas bloquer les promotions et les avancements de carrière, est-il précisé.
Le rapport préconise ensuite de favoriser des formations au management et à la gestion de projets, qui seraient “graduées en abordant d’abord la gestion des conflits, l’animation de réunion, puis dans un deuxième temps la gestion d’équipe et le management de projets”.
Le deuxième axe sur la modernisation et la revalorisation des HU préconise d’abord une rénovation du statut de chef de clinique des universités-assistants des hôpitaux (ou chef de clinique assistant) qui souffre d’une “vétusté notable”. “Les enquêtes menées par la conférence des doyens de médecine sur 2022 et 2023 montre qu’environ 5 à 6% des postes ne sont plus pourvus depuis deux ans. Pour certaines disciplines, cela correspond véritablement à un début d’apoptose car l’absence de relai après les départs à la retraite des HU qui sont en fin de carrière, signifie l’impossibilité d’enseigner ces disciplines”, est-il précisé. En complément, il convient d’ouvrir une concertation sur la modernisation et la revalorisation des statuts HU, considèrent-ils, inquiet notamment par la baisse importante du pouvoir d’achat depuis les années 90
Les droits des HU devraient notamment être “harmonisés avec ceux des praticiens hospitaliers notamment dans les domaines suivants : harmoniser les règles de reprise d’ancienneté sur la base de celles existantes pour les PH ; ramener les obligations de service à 10 demi-journées par semaine ; accès au temps de travail additionnel ouvrir la possibilité d’exercice à mi-temps ; faciliter l’exercice à temps partiel des HU ; harmoniser la durée des congés”, citent-ils.
Accentuer les moyens sur la formation des étudiants
La cinquième mesure du rapport propose la création de 1 000 postes de HU titulaires sur cinq ans. Entre 2005 et 2015, le nombre d’étudiants formés a doublé et le taux d’encadrement des HU s’est fortement dégradée.
“Pour se donner les moyens de nos ambitions, il est devenu indispensable d’augmenter, dans des proportions suffisantes, le nombre de postes hospitalo-universitaires”, appellent-ils, alors que la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C), les évolutions de la docimologie, l’apprentissage par la simulation, les Ecos et les modalités d’enseignement par petits groupes “sont consommateurs de temps universitaires” ou que le temps de travail des HU juniors s’est réduit.
Les Doyens, la conférence des directeurs généraux de CHU et la conférence des présidents de CME de CHU proposent ensuite de permettre aux collectivités territoriales de financer des postes HU titulaires et de décliner un modèle d'universalisation des territoires. “La lutte contre les déserts médicaux fait partie de la responsabilité des pôles hospitalo-universitaires. L’UFR santé, avec le vaisseau amiral de la formation qu’est le CHU, a pour vocation de former les professionnels de santé en adéquation avec les besoins de son territoire et en interprofessionnalité”, assurent-ils. De plus, le “défi de formation, qu’il convient de relever, se complexifie avec l’augmentation importante du nombre d’étudiants à former” et “l’intégration universitaire des professions paramédicales complexifie encore ce défi”, rappellent les instances. “Le plafond des capacités de formation doit donc être repoussé en maintenant le compagnonnage essentiel à la transmission des compétences”, estiment-ils. Selon eux, “la recherche de terrain de stages formateurs associée à l’objectif d’irrigation territoriale nécessite de disposer de relais ou d’antennes universitaires réparties sur la subdivision de chaque CHU.”
Ils proposent par ailleurs d’ouvrir des Pass/LAS délocalisés dans une ville disposant d’une infrastructure universitaire, mais pas d’une UFR santé, qui permettrait de donner accès aux études médicales “à des jeunes qui n’ont pas encore l’autonomie et la maturité pour quitter leur environnement familial”.
Enfin, sur la recherche, ils proposent de créer une “cohérence et une dynamique nouvelle par un accord-cadre national et des contrats de site sur la recherche en santé”, de “généraliser un intéressement par service à la croissance des crédits recherche” et d’assouplir les conditions réglementaires d’entrée d’un CHU au capital d’une startup.
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