"En santé comme ailleurs, la France préfère souvent l’incantation à la réforme"
En santé comme ailleurs, la France préfère souvent l’incantation à la réforme. On convoque la solidarité territoriale, générationnelle, la responsabilité des patients ou celle des prescripteurs, comme si ces concepts pouvaient suffire à panser nos plaies. Mais au lieu de partir d’un diagnostic lucide pour appliquer des traitements douloureux mais efficaces, on se contente de slogans. Chacun s’abrite derrière des concepts creux, mais sur le terrain, c’est la fatigue, la désillusion et parfois la colère qui dictent la loi.
La réalité est implacable : tout craque à la fois, l’hôpital, la ville, la santé mentale et le poids croissant des maladies chroniques.
Plutôt que de nommer les problèmes, nos dirigeants déplacent la charge sur le terrain. Pourtant, l’histoire enseigne que la vérité est toujours plus féconde que le déni. Comme le rappelle Franz-Olivier Giesbert dans son « Histoire intime de la Ve République », quand De Gaulle demanda à Jacques Rueff et Antoine Pinay de réformer l’économie, les mesures furent rudes mais assumées, rapides et claires. C’est à ce prix que l’on sort des impasses.
Prenons la fameuse « solidarité territoriale ». L’État rêve d’obliger des médecins déjà débordés à aller boucher les trous dans les déserts, en habillant cette contrainte du vernis de la solidarité. C’est oublier que celle-ci ne se décrète pas : elle se choisit. Oui, des médecins peuvent aller soigner là où on manque cruellement de bras, mais à condition qu’on leur offre des moyens crédibles : logement, soutien logistique, reconnaissance. La vraie solidarité exige une politique d’aménagement du territoire, pas des injonctions irréalistes.
Autre illustration : la quatrième année de médecine générale. Présentée comme une avancée, elle se retrouve piégée par un mode de rémunération incompréhensible qui la condamne à l’échec avant même d’avoir commencé. Encore une fois, le discours sur la solidarité masque mal un bricolage qui ne convainc ni les internes ni les maîtres de stage.
Faut-il pour autant désespérer ? Non. Sur le terrain, nous savons que l’action collective change les choses, même modestement. Les CPTS en sont la preuve : un groupe de prévention qui voit le jour, une filière de soins qui se structure, la téléexpertise qui prend corps, des infirmières qui assurent le lien avec l’hôpital pour préparer les sorties. Tout cela ne règle pas la crise, mais construit pas à pas une solidarité de proximité.
La méthode Coué, moquée jadis en France, a inspiré la psychologie positive anglo-saxonne. Dans nos territoires, nous en faisons chaque jour l’expérience : l’optimisme, le volontarisme et la résilience ne s’imposent pas d’en haut, ils se choisissent. Et même si cela ne tient parfois qu’à un fil, ces petites victoires tissent encore l’espoir.
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