Pharmaciens sanctionnés pour avoir dispensé des médicaments à l'unité : des "hors la loi" ?
Un couple de pharmaciens, exerçant dans deux officines de Corrèze, a écopé de six mois d'interdiction d'exercice, dont deux mois ferme, pour avoir dispensé des médicaments afin de lutter contre le gaspillage et l'automédication. Dans un édito, Karen Ramsay, rédactrice en chef du pôle magazines, réagit à cette sanction, jugée injuste par de nombreux soignants.
Hors la loi ?
"Six mois d’interdiction d’exercice dont quatre avec sursis. La sanction est sévère pour ce couple de pharmaciens – à la vie comme à l’officine – installé en Nouvelle Aquitaine, à qui le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens reproche d’avoir dispensé des médicaments à l’unité. Sévère, disproportionnée et injuste, clament de nombreux professionnels de santé sur les réseaux sociaux, qui assurent qu’au vu de la pénurie constante de certains médicaments, la démarche relève du "bon sens". Une pétition, lancée en soutien à "Eliza Castagné, Antoine Prioux, et leur engagement pour la santé publique", a récolté près de 8200 signatures…
Resituons le contexte. 2019, pénurie d’un dérivé de cortisone. Les deux pharmaciens, familiers des modalités de prescription des généralistes, décident de remettre aux patients le nombre exact de cachets indiqué sur l’ordonnance, pour pouvoir en faire profiter le plus grand nombre (et sans jamais s’enrichir – c’est important de le rappeler). Un an plus tard, ils élargissent la démarche à certains antibiotiques, anxiolytiques, antalgiques opioïdes… Ils se savent en dehors des clous mais en sont convaincus : la dispensation à l’unité permet de lutter, et efficacement, contre la surconsommation de médicaments, les carences répétées en officine, le gaspillage à fort risque écologique… Hors du cadre réglementaire, certes, mais dans un souci de répondre aux pénuries de médicaments, d’éviter les boîtes à moitié entamées qui finissent à la poubelle, de lutter contre la surprescription, de faire preuve d’une certaine éthique...
Chaque année, un Français gaspillerait en moyenne 1,5 kg de médicament
On le sait, les défis sur le médicament ne manquent pas. Et pour y faire face, il faut, dès maintenant, lancer ce débat sur la dispensation à l’unité des médicaments, évidemment, dans un cadre sécuritaire, dans une logique de pertinence, dans une démarche d’écoresponsabilité. Chaque année, un Français gaspillerait en moyenne 1,5 kg de médicament (selon l’Ircam), ce qui représenterait quelque 123 millions d’euros par mois. De quoi interroger, dans le contexte économique actuel. Certains ont osé bousculer les règles par souci d’innovation, ayons le courage d’en tirer les (bonnes) leçons."
La sélection de la rédaction