"Je mène une vie d’ermite" : Confiné dans son cabinet depuis deux mois, un médecin généraliste témoigne

07/05/2020 Par L. C.
Témoignage

A 64 ans, le Dr Jean-Luc Thoreton, médecin généraliste à Cannes, a fait le choix de se confiner au sein de son cabinet dès la mi-mars pour protéger son entourage. Pour Egora, le praticien raconte son quotidien bouleversé par l’épidémie de Covid-19.   Cela fait maintenant près de huit ans que le Dr Jean-Luc Thoreton exerce à Cannes, mais jamais il n’avait imaginé que sa pratique prendrait un tel tournant. A la mi-mars, le généraliste a pris la décision de se confiner au sein de son cabinet, situé à une dizaine de minutes à pied de son domicile. “Ça devenait beaucoup trop compliqué avec ma femme et mes enfants dans l’appartement, se souvient le praticien de 64 ans. Plutôt que d’attendre de tomber malade, on s’est dit avec ma famille qu’il ne fallait pas prendre le risque que je devienne un porteur sain et que je ramène ce virus à la maison.” Quelques jours après l’annonce d’Emmanuel Macron, mi-mars, Jean-Luc Thoreton est donc parti avec un simple duvet sous le bras vers une nouvelle aventure, une “vie d’ermite”. “Au début, je dormais sur la table d’examen, ce qui était franchement à risque”, se rappelle-t-il, en riant. Petit à petit, et au rythme du bouche à oreille, ses patients lui ont amené de quoi rendre son quotidien plus léger : cafetière, four à micro-ondes, matelas… “Depuis une quinzaine de jours, je dors sur deux matelas d’une personne posés dans ma salle d’attente. Quand je consulte au cabinet, je les mets dans un coin”, décrit-il.

 

  Sacrifié Ces consultations, elles aussi, ont changé. D’abord, elles commencent un peu plus tard, vers 9 h, “pour avoir le temps de ranger mes matelas et mon attirail”, explique Jean-Luc Thoreton qui consacre ses après-midis à la téléconsultation même s’il a pu constater un retour des patients...

au cabinet depuis une semaine environ. S’il voit moins de suspects Covid, le généraliste n’en demeure pas moins en rogne vis-à-vis des autorités. “Ils nous ont fait croire qu’on n’avait pas besoin de masques”, s’indigne-t-il qui déplore le manque de clarté et l’hypocrisie des gouvernants au regard des pénuries.  Le Dr Thoreton a la nette impression d’avoir été sacrifié par l’État qui n’a pas pris en compte le fait que les acteurs de terrain prennent en charge la majorité des cas. Pour ne pas se retrouver sans protection, le praticien a donc décidé de rationner son stock : il s’accorde un FFP2 par jour et, au besoin, met deux masques chirurgicaux l’un sur l’autre. “La grande majorité des médecins qui sont morts aujourd’hui, c’est parce qu’à un moment donné, ils ont été obligés de travailler sans protection”, constate le praticien, ému aux larmes. “On veut bien se sacrifier mais on refuse qu’on nous sacrifie”, s’indigne-t-il.

  “Je me suis sacrifié pour mon boulot” Fort heureusement, le praticien s’accroche grâce à la solidarité qui l’entoure. “Cela fait chaud au coeur.  Ça fait 35 ans que je suis médecin généraliste, j’ai toujours beaucoup donné à mes patients, je me suis sacrifié pour mon boulot, je trouve ça très chaud cet amour qu’on me renvoie, ça fait du bien”, reconnaît Jean-Luc Thoreton, aujourd’hui apaisé. “Là je sais que je sers à quelque chose”, confie le médecin qui reconnaît pourtant être un “sujet à risque”...

à cause de problèmes cardiaques. Par ailleurs, le généraliste s’arrange pour voir sa famille deux trois fois par semaine. “Pour donner mon linge sale déjà”, plaisante Jean-Luc Thoreton. Dimanche dernier, son épouse et ses enfants ont débarrassé leur garage et installé deux tables pour pouvoir y dîner et ont convié le praticien qui a pu partager un repas avec sa famille… Toujours en respectant une certaine distance, bien sûr. Mais cela ne remplace pas les petits moments “affectueux, les câlins, les bisous”. “Quand j’approche de ma femme, elle hurle”, raconte-t-il, confiant tout de même que “si je joue les gros bras, parfois, c’est dur”.

Malgré l’annonce du déconfinement, qui débutera ce lundi 11 mai, le généraliste ne compte pas reprendre le chemin de sa maison. “Tant que je vois des cas, je ferai attention, insiste le généraliste. Peut-être qu’à un moment, je pourrai refaire ce que je faisais au départ c’est-à-dire : chambre à part, je rentre chez moi, je me déchausse, je me déshabille, je prends ma douche et je prends des vêtements neufs.”

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