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"À la manière du shoot, c'est rapide et addictif" : pourquoi les jeunes sont dépendants à TikTok

Dans son rapport remis le 11 septembre dernier, la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok chez les mineurs alerte sur les dangers de la plateforme, tant sur le plan physique que psychique.

23/09/2025 Par Mathilde Gendron
E-santé
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"Le pire des réseaux sociaux." C’est ainsi que Laura Miller, députée Ensemble pour la République et rapporteure de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, décrit la plateforme. A l'issue de six mois de travaux, la commission a remis son rapport jeudi 11 septembre.

Le document alerte sur "un océan de contenus néfastes" qui "met en danger les utilisateurs" en "glorifiant le suicide et l’automutilation". La "violence y est souvent décomplexée", avec des insultes, des "images crues et morbides de violences physiques", du racisme, de l'antisémitisme et des challenge prônant par exemple la maigreur.

"Les réseaux sociaux posent tous aujourd’hui les mêmes problèmes non-éthiques, mais TikTok est particulièrement efficace pour capter et retenir l’attention des usagers", précise la Dre Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste, auditionnée par la commission d’enquête. "L’objectif est de maintenir les usagers en ligne le plus longtemps possible, le plus souvent possible et de leur faire faire des achats", ajoute-t-elle.

Egalement auditionné, le Pr Amine Benyamina, psychiatre et addictologue, pointe deux éléments qui font de TikTok un réseau social qui rend particulièrement dépendant : "La puissance de son algorithme qui cible très clairement les personnes et les choses qui leur plaisent, et la fugacité du contenu. À la manière du shoot, c’est rapide et addictif."

Si l'utilisation des réseaux sociaux a "des effets positifs comme la connexion sociale", ils "amplifient [aussi] les vulnérabilités individuelles, perturbent les processus biologiques et émotionnels, notamment le sommeil et l’humeur, et renforcent des dynamiques sociales délétères telles que la comparaison sociale", indique la Dre Sylvie Dieu-Osika, pédiatre. "La comparaison sociale permanente, facilitée par le caractère visuel et quantifiable des interactions sur les réseaux sociaux, a des répercussions importantes sur l’estime de soi et le bien-être mental", précise-t-ilD’autant qu'il existe une "vulnérabilité psychologique accrue à la préadolescence et à l’adolescence".

Un "amplificateur des troubles" existants 

Cette surconsommation par les jeunes provoque ainsi des "effets délétères métaboliques, somatiques mais aussi psychiatriques et psychologiques", continue le Dr Benyamina, en citant l’anxiété, la dépression, les insomnies, les difficultés d'adaptation relationnelle ou environnementale. En plus de favoriser l’émergence des troubles psychiques, TikTok est aussi un "amplificateur des troubles [déjà existants] chez les utilisateurs les plus vulnérables", alerte le rapport.

Il existe aussi des effets sur la santé physique. "Les activités sur les réseaux sont une source de sédentarité, qui est un facteur de risque cardio-vasculaire (risque d’infarctus, d’AVC, de surpoids...). Lorsque ces activités empiètent ou interrompent les heures de sommeil, cela compromet sa qualité", poursuit la Dre Servane Mouton. Ainsi, les personnes peuvent ressentir des difficultés d’"apprentissage, en particulier sur la mémorisation et la concentration". L’activité sur écran peut aussi provoquer des problèmes de la "vision, comme la myopie"

Pour le psychiatre Amine Benyamina, TikTok n'est pas une addiction sur le plan scientifique. "Ce n’est pas classé comme tel au niveau des classifications internationales." Mais le rapport indique également un manque d’études sur le sujet dans la littérature scientifique. Le Pr Benyamina confie cependant recevoir "beaucoup de jeunes qui consomment et sont dépendants des réseaux sociaux et de TikTok en particulier, dans son service". Il propose des programmes de prises en charge spécialement pour eux.

Pour la Dre Mouton, il faut former les soignants (généralistes, psychiatres et pédiatres), car "aujourd’hui, il n’y a pas de formation structurée autour de l’usage de l’écran". Dans son rapport, la commission formule sept recommandations à l’attention des professionnels de santé :

- renforcer le dispositif des signaleurs de confiance, comme Addictions France ; 
- intégrer au carnet de santé un message destiné aux parents sur l’utilisation des réseaux sociaux ; 
- utiliser les consultations et les actions de prévention organisées par les services et centres de protection maternelle et infantile (PMI) ;
- renforcer les moyens consacrés au repérage des troubles psychiques chez les mineurs ;
- étendre les mesures du dispositif Santé Psy Étudiants aux mineurs et accroître le nombre de psychologues conventionnés ;
- mettre en place des formations régulières à destination des professionnels liés à l’enfance, pour les sensibiliser et les outiller sur les usages numériques des mineurs et leurs effets sur la santé mentale ;
- définir un cadre national clair régissant l’usage des écrans par les mineurs hospitalisés, pour limiter l’exposition à des contenus et des usages susceptibles d’aggraver leur état psychique. 

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Claire FAUCHERY

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