Rémunération sur objectifs, surveillance de la cadence... La nouvelle loi qui révolte les médecins québécois
L'adoption d'une loi réformant le système de rémunération des praticiens et instaurant une surveillance de leur exercice suscite la colère des médecins au Québec. Leurs représentants craignent des départs massifs vers les autres provinces du Canada.
La guerre est déclarée entre les médecins et le gouvernement au Québec. Samedi 25 octobre, une loi portée par le ministre de la Santé de la province, Christian Dubé, a été adoptée. Alors que 1,5 million de Québécois n'ont pas de médecin traitant – dit "de famille" -, ce texte veut améliorer l'accès aux soins en réformant en profondeur le système de santé.
Du côté des médecins, cette loi ne passe pas. Pour cause : elle modifie en profondeur leur exercice, ainsi que leur rémunération. La loi prévoit, en effet, une transformation du système de rémunération des médecins de famille. Désormais, ils seront payés "en fonction de trois composantes", explique Le Journal de Montréal, avec une partie de rémunération par capitation, à l'acte et selon un tarif horaire.
De plus, 15% de la rémunération de ces médecins sera retenue, précise Le Devoir. Les deux tiers de cette somme seront liés à l'atteinte de "cibles" – soit des objectifs de performance -, déterminées à l'échelle locale, régionale nationale. Le tiers restant sera redistribué entre les médecins d'un même groupe de médecine de famille* selon leurs priorités, détaillent nos confrères.
Cadence
Autre mesure contestée : le loi prévoit des amendes pour les actions de protestation "concertées" de trois médecins ou plus susceptibles de nuire aux soins, comme des départs coordonnés. Les contrevenants s’exposent à des amendes jusqu'à 20 000 $ par jour, souligne Le Devoir.
La loi adoptée prévoit aussi une surveillance individuelle des médecins, avec des inspections et des sanctions pour les médecins jugés moins assidus. Le gouvernement pourra nommer un responsable pour surveiller leur cadence et établir des horaires. Il sera également chargé de "dénoncer les manquements", le cas échéant, précisent nos confrères du Journal de Québec.
Avec cette réforme, le gouvernement de la province entend permettre d'ici à 2027 à tous les Québécois d'être pris en charge par un médecin de famille ou un autre professionnel de santé, en particulier une infirmière praticienne spécialisée (IPS).
De nombreux départs de médecins
"Certaines dispositions reliées à la surveillance, aux sanctions et à la liberté d'expression nous inquiètent pour le climat de collaboration nécessaire au sein du réseau de la santé", a réagi sur ses réseaux sociaux le Collège des médecins du Québec, après l'adoption de la loi.
Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) estime, lui, que "la réforme actuelle n'améliora pas l'accès" aux soins, mais qu'elle "va le détériorer". Le Dr Marc-André Amyot craint que le vote de cette loi n'incite les praticiens à quitter la province.
La colère est telle que des médecins réfléchiraient à quitter la province. Selon La Presse et Le Devoir, en quelques jours, plus de 60 médecins ont envoyé une demande d'exercice auprès du Collège des médecins et chirurgiens de la province de l'Ontario. Du côté du Nouveau-Brunswick, autre province canadienne, les demandes de permis de pratique de médecins québécois sont dix fois plus nombreuses en octobre que les mois précédents.
Alors que des négociations doivent encore avoir lieu avec le gouvernement, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) prévient : "Il va falloir qu'il y ait des garanties." "Ils sont allés loin, là […] Il va falloir qu'ils soient sérieux, qu'ils nous proposent des choses et qu'il y ait des préliminaires avant qu'on se mettre à table", a déclaré le Dr Vincent Oliva mardi lors d'un point presse, cité par Radio Canada.
*Les GMF sont des regroupements de médecins traitants et d'autres professionnels de santé qui travaillent en collaboration.
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