Justice

Décès de Naomi Musenga : 12 mois avec sursis pour l'opératrice du Samu

Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet, qui avait demandé 10 mois avec sursis. L'opératrice du Samu qui avait raillé fin 2017 au téléphone Naomi Musenga, jeune femme de 22 ans décédée peu après, a été reconnue coupable de non-assistance à personne en danger et condamnée à 12 mois de prison avec sursis ce jeudi 4 juillet par le tribunal correctionnel de Strasbourg. 

05/07/2024 Par Sandy Bonin
Justice

Quand on écoute la bande sonore de l'échange entre Naomi Musenga et l'opératrice du Samu, "on ne peut qu'être choqué du manque d'empathie total, du mépris même, de l'opératrice à l'égard de celle qui allait décéder quelques heures plus tard", avait déclaré la procureure, Agnès Robine, à l'entame de son réquisitoire, réclamant une "sanction de principe, claire, pour rappeler la loi et le devoir d'humanité de chacun des citoyens".

Déplorant un "comportement moralement et humainement inadapté", Agnès Robine a insisté sur les "graves négligences" commises par Corinne M., la régulatrice, qui disposait pourtant d'une "solide expérience" professionnelle depuis huit ans qu'elle exerçait à ce poste, après avoir été ambulancière.

"A aucun moment elle n'essaie de savoir ce que Mme Musenga a comme symptômes, alors qu'elle lui dit qu'elle va mourir", souligne-t-elle. "Je ne peux pas vous aider parce que je ne sais pas ce que vous avez", a-t-elle extrait de l'enregistrement de la conversation entre la jeune femme souffrante et l'opératrice. "Cette phrase fait froid dans le dos", a déploré la procureure : "C'était l'essence même de sa mission que de poser les questions aux appelants."

A la barre, Corinne M. a décrit l'accumulation d'appels, à traiter "très vite", les décisions d'orientation à prendre en quelques "fractions de seconde". Elle a aussi évoqué le souvenir d'un médecin qui l'avait "pourrie, humiliée devant les collègues" parce qu'elle avait "passé un appel qui ne lui avait pas plu".

La procureure a écarté certaines circonstances atténuantes avancées par la prévenue, rappelant que le jour des faits les conditions d'exercice étaient "normales", et qu'aucune  démarche pour changer de service n'avait été présenté pour soutenir l'idée que Corinne M. n'était "pas en état de travailler".

Au moment de son décès, Naomi Musenga avait un enfant âgé de 18 mois. Marie Juras, avocate de l'ancien compagnon de Naomi Musenga, a souligné que son client était "venu chercher des réponses". "Un jour, sa fille lui posera des questions, elle entendra cet appel audio et il sera seul en face d'elle pour lui répondre."

Thomas Callen, avocat de Corinne M., a plaidé la relaxe, estimant que même si sa cliente avait manifesté un "manque d'empathie" et un "défaut d'humanité", elle n'avait pas "la conscience d'un péril" pour la vie de son interlocutrice.

Finalement, le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet, qui avait demandé 10 mois avec sursis. Corinne M. a été condamnée à 12 mois de prison avec sursis. L'opératrice âgée de 60 ans, est également condamnée à verser 15 000 euros à la famille de Naomi Musenga au titre des frais d'avocats. Elle a dix jours pour faire appel. "10 jours à espérer qu'on ne fera pas subir une nouvelle épreuve à cette famille", a souligné l'avocat de la famille, Jean-Christophe Coubris. 

"Dès lors que la décision sera définitive", l'avocat compte saisir le tribunal administratif. "Pour nous, ça fait partie du combat et il me semble que ça aura un sens de faire aussi condamner l'hôpital qui était l'employeur de cette opératrice."

La mère de la victime, Honorine Musenga, a fait part de son "soulagement" que la responsabilité de l'opératrice soit reconnue et que celle-ci ait exprimé des excuses. "Aujourd'hui c'est ce qui nous permet, nous, je pense, d'avancer", a dit sa fille Louange. "Je pense que ça prouve aussi qu'il y a des failles dans le système médical aujourd'hui et qu'il faut les traiter", a ajouté Louange Musenga. "Il me semble que jamais, jusqu'à aujourd'hui, une opératrice du Samu n'avait été condamnée devant un tribunal correctionnel", a aussi réagi Maître Coubris, soulignant la "décision équilibrée" du tribunal.

[Avec AFP] 

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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358 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 1 an
La procureure Agnès Robine n'a évidemment aucune idée de l'exercice de la médecine hors de la présence physique du patient. Elle n'a pas plus la notion que toute pathologie grave peut à son début se présenter comme une banalité ( une méningite cérébrospinale au tout début peut simuler une grippe, une grossesse extra utérine débutante peut évoquer une simple fatigue etc...) Quant à l'interrogatoire, la procureure n'a aucune idée de la difficulté de faire accoucher des réponses pertinentes et utiles au diagnostic en quelques minutes. La procureure prend sûrement du paracétamol sans savoir qu'une surdose peut déclencher une nécrose hépatique etc...Enfin elle mène un combat inégal car elle arrive après coup et elle, comme tout le monde au café du commerce sait ce qu'il aurait fallu faire. Il vaut mieux faire l'ENM que Médecine, le juge se trompe souvent mais ne risque rien pour sa petite personne, sa carrière est assurée. Quant à l'empathie des juges on voit surtout soit de l'idéologie soit l'auto- gratification à bas prix d'être du bon côté.
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2,6 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 1 an
" elle n'avait pas la conscience d'un péril " ou -comme on dit quand on a 6 ans- " j'l'ai pas fait exprès !". En plus de 40 ans d'expertises ou de recours sur des dossiers de responsabilité médicale, j'ai vu les arguments des avocats évoluer avec un certain bonheur (pour les présumés responsables en tout cas.). Après des années à se casser la tête (experts, magistrats) sur les notions d'imputabilité et/ou de causalité) il suffisait d'affirmer que le chirurgien (maladroit) n'était pas entré dans la salle d'opération avec la volonté de louper son opération...
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Une fois que la suite est connue, c’est tellement plus simple! Je fais de la régulation, une fois par mois, le soir de 20:00 à 00:00. J’ai des collègues qui font des « nuits profondes » de 20:00 à 08:00 le lendemain. La moyenne d’âge des régulateurs libéraux est sup à 60 ans ( j’en ai 65). Je connais cette « PARM »(personnel administratif de régulation médicale ….avant on disait « secrétaire »). Des appels comme celui ci il y en a à la pelle selon les jours. Entre les enfants qui appellent : »docteur venir, maman malade », les « syndromes méditerranéens », ceux qui, mécontents d’une première régulation ( il faut se déplacer chez le docteur, non nous n’envoyons pas d’ambulance, etc…) appellent les pompiers, puis nous rappellent jusqu’à ce qu’une équipe médicale se déplace pour constater qu´il n’y a rien . Bref, certains soirs jusqu’à 50 appels, les dimanche jusqu’â 150. La fatigue, l’usure, l’habitude, …on fini par se dire qu’on maitrise, qu’on sait y faire. Et puis voilà , une jeune « gémissante », un contexte de gastro-entérite, qui précise ( prémonitoire!) « qu’elle va mourir »…..et la PARM qui lâche cette phrase reprise en boucle, que beaucoup d’entre nous auraient pû prononcer. Dans les jours qui ont suivis, le standard a eu droit à des appels d’insultes, de menaces. Il me semble que la PARM incriminée a été l’objet de menaces graves. Et puis le déchainement médiatique ….Musenga c’est encore plus vendeur que Dupont, non ( heureusement qu’il n’y a eu aucune allusion à connotation ethnique de la part de la PARM!) Au total, j’aimerai bien que la juge vienne passer un petite semaine au centre de régulation, juste pour se faire une idée. Elle comprendrait peut être , pourquoi nous avons de plus en plus de mal à recruter des PARM, des médecins régulateurs, des médecins de garde. Et comme dirait Jean Dufour, si les juges devaient payer leurs fautes ….(Outreau)
 
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