deux médecins condamnés à de la prison avec sursis dans l'affaire Priscilla Dray

Amputée des quatre membres après une IVG : prison avec sursis pour les médecins

Deux médecins du CHU de Bordeaux ont été condamnés, ce lundi 14 avril, à de la prison avec sursis pour "blessures involontaires" sur Priscilla Dray, aujourd'hui âgée de 49 ans. Victime d'un choc septique après une IVG en juillet 2011, elle avait dû être amputée des quatre membres. 

16/04/2025 Par Louise Claereboudt
deux médecins condamnés à de la prison avec sursis dans l'affaire Priscilla Dray

Le 22 juillet 2011, Priscilla Dray subit une interruption volontaire de grossesse (IVG). Le lendemain, la jeune femme, âgée de 35 ans, se rend à aux urgences gynécologues du CHU de Bordeaux. Elle présente de la fièvre et plusieurs signes d'infection. Elle est prise en charge par un interne qui l'examine, et finit par joindre un médecin senior. Après un bref appel, ce dernier juge l'état de la patiente satisfaisant et ne lui prescrit pas d'antibiotiques, relate France 3 Nouvelle Aquitaine. Il recommande le retrait du stérilet posé la veille et la renvoie chez elle. 

L'état de la trentenaire se dégrade néanmoins au fil des heures. Et le lendemain, elle se rend chez son généraliste au Cap ferret, qui prend la décision de la renvoyer au CHU de Bordeaux en lui fournissant une lettre pour les urgentistes préconisant des antibiotiques. Priscilla Dray sera admise à 12h, ce dimanche-là, aux urgences gynécologiques. Elle sera encore prise en charge par un interne, en contact avec un autre médecin senior. L'interne aurait toutefois omis d'informer son supérieur de l'existence d'un courrier d'adressage et du gonflement d'un des doigts de la patiente. Des antibiotiques ne lui seront administrés qu'à 17 heures. 

A minuit, la trentenaire est transférée au service "déchocage" des urgences en raison de sa détresse respiratoire. "Dans la nuit du 24 au 25 juillet, ses chances de survie sont alors estimées à 5%", rapportent nos confrères de France 3. Victime d'un choc septique, elle sera finalement transférée en réanimation quelques jours plus tard. Elle subira, le 25 août, une amputation des deux jambes, de l'avant-bras droit et de la main gauche. S'ensuivront de multiples opérations et greffes.

"Si on ne peut pas avoir confiance en son interne, alors il y a un dysfonctionnement de l'hôpital"

Quatorze ans après les faits, les deux médecins, jugés pour avoir "par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement, causé volontairement ou involontairement une incapacité supérieure à trois mois", ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Le premier a écopé d'une peine de six mois de prison avec sursis et 8 000 euros d'amende. Le tribunal a retenu plusieurs fautes, notamment de ne pas avoir réalisé l'examen lui-même, de ne pas avoir prescrit de traitement antibiotique "de manière probabiliste", d'avoir autorisé la sortie de la patiente et d'avoir prescrit des anti-inflammatoires.

Le second médecin mis en cause a écopé d'une peine plus lourde : 9 mois de prison avec sursis et 8000 euros d'amende. Il lui est également reproché de ne pas avoir réalisé l'examen lui-même, et de ne pas avoir contrôlé ce que faisait l'interne. "Si on ne peut pas avoir confiance en son interne, alors il y a un dysfonctionnement de l'hôpital", a réagi son avocat, Me Bernard Bénaïm. Le tribunal a aussi jugé que le médecin avait commis une erreur en ne s'assurant pas que l'anesthésiste, à qui il avait fini par adresser la patiente, était disponible. Conséquence : la prise en charge de cette dernière avait été considérablement retardée.

Selon France 3, le médecin "ne l'a pas non plus renvoyée vers un service de réanimation et de déchocage dans les temps".

Également mis en cause durant l'instruction par la patiente et sa famille, le CHU a quant à lui été relaxé. 

Les deux médecins ont dix jours à compter de la décision pour faire appel. 

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Michel Rivoal
10,8 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 8 mois
Toujours difficile de donner un avis très pertinent sur une histoire qui a duré près de 15 ans résumée en quelques lignes, même en consultant les articles des journaux de l'époque. Pour autant on peut penser que si la patiente est gravement mutilée, les médecins et le CHU s'en tirent bien. Les complications de la chirurgie pelvienne existent et sont potentiellement graves. Si les internes ont globalement fait leur travail (du moins le premier) on ne peut pas en dire autant des médecins séniors qui ne se sont pas déplacés pour examiner la patiente. Ce n'est pas une question de confiance vis à vis des juniors, c'est un problème d'expérience et de responsabilité. Bon réflexe que de faire retirer le stérilet mais ça prouve que la suspicion d'infection n'était pas écartée et dans ce cas la prescription d'anti inflammatoires n'est pas concevable. la seconde séquence est encore plus critiquable: le retour de la patiente et la lettre d'accompagnement du médecin traitant (mais on n'en connait pas le contenu) devait absolument donner l'alerte et justifier le déplacement du sénior. Prendre connaissance du dossier et de l'histoire et je ne vois pas comment à ce stade les paramètres biologiques pouvaient laisser ignorer un sepsis sévère et faire différer prélèvements et antibiothérapie. Celle ci devait démarrer avant réception des examens bactériologiques: c'est à dire pas seulement la prescription mais vérifier son administration immédiate. Pour le CHU, je sais bien que c'était en 2011 mais accréditation et même certification étaient déjà de mise. La prévention des risques faisait partie du programme et les "mesures barrières" devaient exister. Elles n'ont manifestement pas fonctionné , les relais de responsabilité sont inexistants, les décisions tardives, les alertes du plateau technique (biologie) ont elles été données? Si oui, elles n'ont pas été suivies. En cas de procédure d'appel, il est loin d'être évident que les peines ne soient pas aggravées et au moins conformes aux réquisitions. Je serai curieux de savoir comment et à quel niveau cette patiente sera ou a été indemnisée compte tenu de son handicap, sa chirurgie réparatrice et le "precium doloris".
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2