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"Pour que cesse enfin ce colonialisme moderne" : les médecins étrangers manifestent à Paris

Les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont appelés à manifester dans les rues de la capitale, ce mercredi 12 février, pour protester contre les résultats des dernières épreuves de vérification des connaissances (EVC). 

12/02/2025 Par Louise Claereboudt
Padhue
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Le cortège s'élancera de Matignon à 14 heures, direction le ministère de la Santé. Les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont appelés à défiler ce mercredi 12 février dans les rues de la capitale pour protester contre les résultats des dernières épreuves de vérification des connaissances. Ces EVC, auxquelles il faut obtenir plus de 6/20, doivent encadrer l'intégration des médecins étrangers dans les hôpitaux français, depuis la fin du régime dérogatoire fin décembre 2023.

S'ils sont admis, ces praticiens doivent effectuer un stage de consolidation des compétences (PCC) de deux ans dans un terrain de stage attribué. Ce n'est qu'à l'issue de cette période qu'ils peuvent formuler une demande d'autorisation d'exercice auprès du Centre national de gestion (CNG). Publiés le 31 janvier dernier, les résultats des EVC ont été vivement contestés du fait du faible nombre de lauréats retenus.

En 2024, 10 000 candidats ont participé au concours, dont 7 000 déjà présents sur le territoire, selon l'Union fédérale des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT, qui soutient le mouvement. Sur les 4 000 postes ouverts en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique, seuls 3800 ont finalement été admis : dont 3235 sur "liste principale" et 638 sur "liste complémentaire". "Cette liste complémentaire n'a aucune valeur juridique, elle ne donne aucune garantie", a pointé la Dre Kahina Hireche-Ziani, porte-parole de SOS Padhue, demandant "que l'ensemble des postes ouverts soient effectivement pourvus".

Pour certaines spécialités, le nombre de lauréats est, en outre, "très inférieur au nombre de postes ouverts", a alerté l'UFMICT-CGT dans un communiqué. "À titre d’exemple, le ratio entre le nombre de lauréats et le nombre de postes ouverts est de 39% en anesthésie-réanimation [et de] 18% en psychiatrie", s'alarmait également la Fédération des praticiens de santé (FPS), dans un communiqué diffusé après l'annonce des résultats, jugeant la situation "préoccupante". D'autant que "les spécialités les plus en tension en France sont celles où le taux de réussite est le plus bas".

"De nombreux Padhue, ayant obtenu des notes supérieures à la moyenne, ont été arbitrairement recalés en raison d’une suppression injustifiée de postes par le jury", a dénoncé le Dr Abdelhalim Bensaidi, vice-président de l'association Ipadecc – à l'initiation du mouvement, dans un post LinkedIn. Ce dernier accuse l'administration "[d'autoriser] le jury à supprimer des postes de manière opaque" ou encore de "[modifier] la barre d’admissibilité de manière variable selon les spécialités, compromettant l’équité du concours et l’égalité des chances entre candidats".

"Quand un chirurgien cardiaque est admis avec 9,5 de moyenne et un réanimateur avec 8,9 de moyenne, alors qu’un médecin généraliste avec 11,9 de moyenne et un chirurgien avec 13 de moyenne sont recalés, il est légitime de s’interroger sur l’équité et la transparence des résultats", a encore fustigé le praticien attaché en diabétologie. Alors que "la liste complémentaire devrait être utilisée uniquement lorsque la liste principale est épuisée", "dans de nombreuses spécialités, la liste principale n’a pas été entièrement utilisée", a-t-il ajouté.

 

Un nouveau modèle d'évaluation ?

Appelant à réfléchir à un "modèle d'évaluation plus adapté", la Fédération des praticiens de santé (FPS) juge plus pertinent "de mettre en place une procédure tenant compte des acquis professionnels et de l'expérience médicale des candidats". L'Ipadecc réclame quant à elle une titularisation "sur dossier". "Des réformes concrètes pour la régularisation des Padhue doivent être réalisées", a déclaré Dre Kahina Hireche-Ziani, porte-parole de SOS Padhue, dans un post LinkedIn. "Nous sommes déterminés à faire rapidement et efficacement changer les choses pour que cesse enfin ce colonialisme moderne de la matière grise hors Union Européenne."

Actuellement, les médecins étrangers malheureux au concours n'ont qu'une solution : un statut "temporaire" valable 13 mois, renouvelable une fois, "rémunéré 1800 nets mensuels, une humiliation", a-t-elle dénoncé auprès de l'AFP. Certains "continuent de travailler sous des statuts éteints, illégaux", pour 1500 euros nets. "Pour payer leur loyer, ils enchaînent les gardes", ajoute-t-elle, pointant "une exploitation, rentable pour le système".

Le 5 février, le ministre de la Santé Yannick Neuder a dit souhaiter "aller plus loin et simplifier la procédure en place dans la perspective des épreuves de 2025 afin de tenir compte de l’engagement des Padhue dans les établissements français", et affiché son intention "de faire évoluer" les EVC "pour permettre d’amplifier le nombre de praticiens que nous pourrons accueillir dans nos établissements".

Des "concertations seront rapidement menées avec les parties prenantes afin de réformer le concours des EVC pour les épreuves de 2025 en créant notamment une voie interne simplifiée pour les candidats exerçant déjà dans un établissement de santé en France", a-t-il promis.

Une chose est sûre, à défaut d'évolution de la situation, les syndicats et associations renforceront leurs actions. Des Padhue se disent déjà prêts à entamer une "grève de la faim", a prévenu le Dr Abdelhalim Bensaidi.

[avec AFP]

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Claire FAUCHERY

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112 points
Médecine générale
il y a 10 mois
Donc 50 ans de numerus clausus (avec d'autres facteurs apparus pendant cette période il est vrai) soigneusement maintenu par nos politiciens avec un certain acharnement pour ne pas vouloir voir la réalité aboutissent à "l'importation" de médecins formés à l'étranger dont on veut quand même s'assurer "qu'ils ont le niveau" et lorsque ce n'est pas le cas pour une grande part d'entre eux, ils se victimisent en se disant "colonisés" ... Donc on a sacrifié pendant des dizaines d'années notre jeunesse (mettons les 20 à 30 premiers juste sous la barre d'admission) pour les remplacer par des médecins qui n'ont pas bénéficié de l'excellentissime formation française ... et qui n'ont semble-t-il pas tout à fait le "niveau souhaité".... Effectivement ces médecins qui viennent d'autres pays doivent manquer à leurs pays et à leurs populations ... Se poser aussi la question de savoir pourquoi il faut faire de si longues études de médecine en France alors qu'on peut aussi être médecin en en faisant 30 % en moins (en durée ...). Je ne comprends plus rien à mon pays.
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6,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Il serait intéressant de savoir ce qui attire ainsi les PADHUE à venir exercer en France. Quelles sont leurs motivations. Car vu leur nombre, malgré la faible rémunération, paradoxalement, il y viennent quand même ! J'ai travaillé un certain temps comme praticien attaché contractuel spécialiste en Médecine Légale et, tout en faisant le même travail que mes confrères praticiens hospitaliers, je n'était guère mieux payé qu'un PADHUE ! Raison pour laquelle j'ai laissé tomber ce poste pour me consacrer totalement à la médecine libérale. De plus, cet attrait n'a-t-il pas un effet pervers en privant certains pays de leurs médecins ?
Photo de profil de ROMAIN L
17,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Cette comparaison avec le colonialisme me hérisse les poils, et ce seul argument me suffit à trouver leurs revendications illégitimes. Le respect de la France est un préalable fondamental à qui veut espérer s'y intégrer. S'ils ne sont pas contents, ils dégagent.
 
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