Patiente Témoin de Jéhovah transfusée contre son gré : le Conseil d'État juge l'hôpital fautif
Dans une décision datée de jeudi 27 novembre, le Conseil d'État a confirmé le caractère fautif d'une transfusion sanguine réalisée en 2016 sur une patiente, membre des Témoins de Jéhovah, qui s'y était opposée et a condamné le CHU à l'indemniser au titre du préjudice moral subi.
Devant subir une cholécystectomie le 29 février 2016, cette patiente alors âgée de 37 ans avait manifesté, à l'oral et par écrit, son refus d'être transfusée en raison de ses convictions religieuses, en tant que membre des Témoins de Jéhovah. Mais au cours de l'intervention, l'artère iliaque droite a été accidentellement perforée, provoquant une grave hémorragie. La transfusion autologue, à laquelle la patiente ne s'était pas opposée, ne suffisant pas à la maitriser, les médecins ont décidé de procéder à une première transfusion sanguine. Une deuxième transfusion a été réalisée le lendemain en réanimation, alors que la patiente n'avait pas repris connaissance.
Mais c'est la troisième transfusion, réalisée le 2 mars, qui a valu au CHU de Bordeaux d'être condamné par la cour administrative d'appel le 20 octobre 2022. A son réveil, le 1er mars, la patiente avait en effet réaffirmé à plusieurs reprises son opposition à la transfusion, malgré une anémie compliquée de graves troubles cardiaques. Alors que le pronostic vital de la patiente était engagé à court terme, les médecins ont décidé de passer outre son refus : lui administrant une sédation, ils ont procédé, à son insu, à une transfusion dont la patiente n'a pris connaissance qu'à sa sortie d'hôpital, en consultant son dossier médical.
La cour d'appel a estimé que, s'agissant des deux premières transfusions, "le contexte dans lequel la patiente avait exprimé" son refus "ne lui permettait pas d'envisager effectivement la réalisation d'un risque mortel d'hémorragie requérant une transfusion urgente en cours d'intervention". En effet, l'opération qu'elle s'apprêtait à subir était "ordinaire", le risque de perforation de l'artère iliaque –"dont elle n'avait pas été informée"- était "connu, mais rare" et "une assurance lui avait été donnée qu'elle pourrait bénéficier, en cas de besoin, d'un dispositif de transfusion autologue". En revanche, pour la troisième transfusion, elle avait manifesté son refus de manière "catégorique" après avoir bien été "informée de manière circonstanciée".
Le Conseil d'Etat considère donc qu'en "jugeant que, dans de telles circonstances, cette transfusion présentait, alors même qu'elle visait à sauver la vie d'une patiente se trouvant dans une situation d'urgence vitale, un caractère fautif", la juridiction d'appel "a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit".
"En l’état du droit, les médecins nous semblent donc commettre une faute, fût-ce par humanité ou par conviction personnelle, lorsqu’ils passent outre le refus exprimé, de façon libre et éclairé par le patient à un acte médical que son état de santé nécessite", a soulevé le rapporteur public, dans ses conclusions.
Le Conseil d'Etat considère toutefois que la cour d'appel a fait une erreur en reconnaissant un préjudice indemnisable au titre des troubles dans les conditions d'existence. Au titre du préjudice moral subi, le CHU de Bordeaux est néanmoins condamné à verser 4000 euros à la patiente.
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