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Moins de médecins, moins de lits … Ce rapport "rétablit la vérité" sur les urgences

Samu-Urgences de France a publié ce mardi 17 septembre sa troisième enquête annuelle sur la situation estivale des urgences. Il émane de ce sondage un terrible constat : celui d’une "dégradation majeure" du fonctionnement de ces services, alerte le syndicat qui appelle les pouvoirs publics à réagir.  

17/09/2024 Par Louise Claereboudt
Urgences
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"Le fonctionnement en mode dégradé de nos structures de médecine d’urgence est devenu ‘habituel’ : moins de médecins présents pour accueillir un nombre de patients toujours plus important, moins de médecins dans nos Smur, moins de lits pour hospitaliser les patients à partir des services d’urgences... La conséquence sur la qualité et la sécurité des soins pour les patients est bien évidemment majeure, en corrélation avec la dégradation des conditions de travail et l’épuisement des professionnels", écrit Samu-Urgences de France (SUdF) en introduction de sa troisième enquête sur la situation estivale des urgences, publiée ce mardi 17 septembre. 

Le 20 août dernier, dans un entretien à Ouest-France, le ministre démissionnaire de la Santé déclarait que les tensions à l’hôpital n’avaient pas été "aussi fortes" cet été "qu’au cours de celui de 2022", mentionnant une cinquantaine d’établissements en difficulté à cause du manque de personnels. Aussitôt, les praticiens hospitaliers avaient pointé du doigt "la mauvaise foi" de Frédéric Valletoux et le "mépris affiché du Gouvernement". "Le constat des praticiens de nos syndicats est lui sans appel : la situation sanitaire de notre pays poursuit sa dégradation programmée !", avait ainsi répondu Action Praticiens Hôpital (APH) dans un communiqué. 

Ex-président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux soulignait également dans la presse régionale l’importance des mesures issues de la mission flash sur les urgences, et de la réforme des autorités de médecine d’urgence de décembre 2023. "[Elles] portent leurs fruits, glissait-il à nos confrères. Les revalorisations des gardes de nuit et des heures travaillées les dimanches et les jours fériés […] ont été pérennisées. On constate ainsi qu'il est plus facile de recruter des personnels supplémentaires durant cet été.

Loin de "l’euphorie" ministérielle, l’intersyndicale APH tirait, elle, la sonnette d’alarme et appelait à mettre en place un "plan santé" ainsi qu’un "plan de prévention" afin que "la santé de nos concitoyens redevienne une priorité nationale".  

"La sécurité sanitaire de la population face à l’urgence vitale ne peut plus être assurée partout en France"

Ce mardi, Samu-Urgences de France reprend cette alerte à son compte. Le syndicat signale en effet que le résultat de son bilan estival est "criant". Pas moins de 453 médecins urgentistes ont renseigné le formulaire de l’enquête, ce qui représente 331 établissements sièges de structures d’urgences (environ 48% de la totalité des SU de France). Il découle de ce sondage "une dégradation majeure du fonctionnement des services d’urgences, allant à l’encontre de la communication ministérielle". Parmi les 331 établissements représentés dans l’enquête, 202 services d’urgences ont déclaré avoir fermé au moins une ligne médicale, soit 61% des SU répondants. Et parmi eux, 18% ont dû fermer plusieurs lignes. L’an dernier, 57% des SU avaient été contraints de fermer une ligne médicale.

Ces fermetures ont concerné une majorité de départements avec, tout de même, des fermetures plus importantes dans l’est, dans le nord ou encore dans le sud-est du pays. Elles étaient pour 41% continues, 37% fréquentes, et 21% ponctuelles. 

Crédit : Samu-Urgences France, Bilan des structures de médecine d’urgences - été 2024

"Si la situation a été moins catastrophique qu’attendu, c’est au prix d’un nombre considérable d’heures de temps additionnel, tient par ailleurs à souligner le principal syndicat d’urgentistes. Faute d’avoir pu recruter des médecins en nombre, ce sont les médecins de nos structures qui ont consenti à exploser leur quota horaire pour maintenir à bout de bras et de force le système." 

Plus de 220 Smur ont également répondu à cette enquête (51% des Smur de France). Au total, 127 Smur ont fermé au moins une fois une ligne durant l’été, ce qui représente 174 lignes Smur qui ont été fermées, dont 48 fermetures fréquentes ou continues. L’an dernier, 166 fermetures avaient été comptabilisées. "Parmi les répondants, 101 n’ont qu’une seule ligne Smur dont 10% d’entre eux ont dû fermer cette ligne, laissant le secteur sans aucune réponse Smur pour répondre à l’urgence vitale de ces territoires", indique le rapport. 

"C’est une ligne rouge qu’il avait toujours été convenu de ne pas franchir, y compris au sein du ministère. La sécurité sanitaire de la population face à l’urgence vitale ne peut donc plus être assurée partout en France", signale SUdF. "Ce point doit être géré sans délai par les tutelles de manière à rétablir un maillage Smur opérationnel permettant de rétablir une équité d’accès aux soins pour l’urgence vitale." 

"Cet été nous avons franchi un nouveau stade dans l’inacceptable"

Les services d’urgences ont, en outre, eu davantage de mal à trouver des lits en aval pour hospitaliser leurs patients cet été par rapport aux années précédentes. 23% des établissements étudiés dans cette enquête ont ainsi indiqué avoir fermé des lits de réanimation de manière durable cet été, en plus des fermetures estivales habituelles. "Ces fermetures représentent au total près de 270 lits de réanimation fermés dans 56 établissements", peut-on lire. Et 65% des établissements ont fermé des lits de médecine ou de chirurgie (MCO) de manière durable cet été (en plus des fermetures estivales habituelles programmées).

"Ce sont plus de 1 500 lits supplémentaires qui ont été fermés dans les établissements participant à cette enquête, alors même que l’activité ne connait pas de baisse dans le SU durant la période estivale, avec un besoin de lits d’hospitalisation qui reste stable", s’indigne le syndicat, pour qui "les prétendues leçons de la pandémie Covid sur la nécessité d’un nombre de places en réanimation et en soins intensifs sont déjà oubliées par les tutelles et le Gouvernement". Conséquence de ces fermetures de lits : le nombre de patients contraints de patienter – parfois des jours – sur des brancards n’a cessé d’augmenter, avec des conséquences délétères ; "augmentation de la morbi-mortalité pour les patients, épuisement et démotivation pour les équipes d’urgentistes." 

"Cet été nous avons franchi un nouveau stade dans l’inacceptable", dénonce SUdF. Face à ce constat alarmant, le syndicat énumère plusieurs priorités à mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge des patients et maintenir les équipes. S’agissant de l’aval – enjeu majeur pour les soignants, Samu-Urgences de France appelle à "interdire définitivement la possibilité d’hospitaliser un patient dans un couloir" en dédiant une place au non-programmé, ou encore en affichant un indicateur lit brancard quotidien. Il milite également pour la fin du financement incitatif dédié à l’amélioration de la gestion des lits. "À la place, il est crucial d'intégrer l'indicateur lit-brancard dans les indicateurs de financement des activités de qualité afin de passer à un financement basé sur les résultats."

Autre priorité identifiée : "arrêter définitivement le fonctionnement dégradé des structures d’urgences." Pour cela, il apparaît nécessaire de réviser le maillage territorial des urgences. Pour le syndicat, "il n’est plus viable de maintenir tous les services d’urgences actuellement autorisés par les ARS selon les modalités d’organisation actuelle". Certains pourraient évoluer en antennes de médecine d’urgence, par exemple. SUdF suggère aussi de créer des centres de soins primaires et appelle à généraliser progressivement la régulation médicale d’accès aux urgences "par les Samu-SAS". La proposition du sénateur-médecin Bernard Jomier d’instaurer un ratio patients/soignés est également plébiscitée. 

Enfin, SUdF défend le rétablissement d’un maillage Smur opérationnel "permettant de rétablir une équité d’accès aux soins urgents".  

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Claire FAUCHERY

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
L'époque a changé, les patients ne sont pas des clients mais des consommateurs, comme les autres, j'insiste vraiment comme les autres. On leur donne des questionnaires de satisfaction, ils mettent des étoiles sur google, envoient des courriers de mécontentement à la direction. Mais aussi ils nous agressent, nous insultent, nous frappent, nous harcèlent. Bienvenue en 2024. Pendant ce temps la rémunération des soignants continue de décrocher et de se rapprocher inexorablement du SMIC au fil des années. Les politiques amnésiques passent leur temps à expliquer que les médecins sont responsables de la complexité d'accès aux soins (ils s'occuperaient eux-mêmes de leurs enfants à ce qu'il paraît!), et abreuvent les médias de propositions de contrainte et de réduction de budget, tout en continuant d'arroser la population de nouveaux remboursements, de nouvelle aide pour X ou Y, en expliquant que le trou de la secu est causé par les trop nombreux arrêts de travail prescrits par les médecins (encore eux!) Rien ne va plus, rien n'ira plus sans révolution/rébellion.
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 an
Enfin une consoeur qui admet l'idée d'une sur-consommation de temps de soin possiblement en relation directe avec la faiblesse de son coût pour le client (soit tiers-payant intégral "ALD", soit trop bon remboursement complémentaire); vous faites donc ressortir que c'est le procédé-même de l' ASSURANCE qui a fini par induire ce type de comportement inflationniste de la clientèle: "je paye (ou on me confisque obligatoirement) une cotisation limitée (même si elle est importante), ce qui me donne droit à une consommation potentiellement et tendanciellement illimitée", . . . . . . . . . . . . tant que l'assureur n'interpose aucun frein personnel ou collectif à ma consommation. La seule alternative à ce dispositif asymétrique (non proportionné) de l' ASSURANCE d'un droit illimité pour une contrainte limitée, sera justement de rétablir une proportion contractuelle entre la cotisation et le débit de prestation pour l'ordonnateur de la dépense (LE PATIENT). Précisons bien au passage que nos actes ne comportent plus des "ordonnances", mais simplement des "prescriptions" qui laissent au patient la liberté d'y consentir de façon éclairée (y compris sur les moyens financiers que la prescription implique). Convenons que nos prescriptions seraient probablement moins dispendieuses si les limites financières du patient venaient moduler nos choix stratégiques. Tant que les citoyens, les usagers, les soignants, les administrateurs et autres autorités en matière de politique de financement des soins n'auront pas voulu franchir ce seuil de l'individualisation d'un budget annuel de soin (ça s'appelle un compte-épargne-santé-social PERSONNEL), l'explosion inflationniste de la demande et celle du déficit budgétaire santé-social continuera de produire les mêmes effets de décadence sanitaire et sociale. Une fois franchi ce seuil, il conviendra de proportionner chaque compte-épargne personnel au potentiel évolutif de santé de l'individu et de faire abonder son compte par mieux portants ou plus fortunés que lui, mais toujours dans les bornes d'une solvabilité commune. Charge à l'Etat providence d'intervenir en assureur complémentaire selon les moyens que lui permettra le niveau d'imposition directe des citoyens-usagers-contribuables-solidaires dans les cas de dépassement budgétaires individuels pour cause de sinistralité dûment homologuée par l'impartialité d'un conseil médical "insitutionnel" . Qu'en pensez-vous ?
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10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 an
Que dire de nouveau? La mauvaise foi du ministre? L'insuffisance de moyens? la pénurie de médecins? Les solutions hors sol comme les diminutions attendues des vacations intérimaires? Alors on peut se voiler la face? Revoir le maillage territorial? Multiplier les appels au 15 et augmenter le temps du "décrocher"? Lutter contre l'absentéisme en stigmatisant les arrêts de travail? Fustiger telle catégorie de médecins sur la permanence des soins? dénoncer les impatients, les mécontents, les violents? Redire que cela fait des dizaines d'années que le compte n'y est pas ne suffit plus et redire qu'il faut des années pour former, investir, rouvrir des lits, embaucher des soignants et revaloriser leurs actions psychologiquement autant que financièrement........... Être courageux, convaincant, déterminé et lucide.
 
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