"Je ne peux plus me taire" : ce médecin filme son service pour alerter sur la saturation des urgences

02/06/2023 Par Mathilde Gendron
Pour tirer la sonnette d'alarme sur la situation aux urgences, le Dr Sébastien Harscoat, urgentiste au CHRU de Strasbourg, a filmé son service chaque jour pendant un mois. Ses images ont été relayées dans le magazine Complément d’enquête, diffusé sur France 2, jeudi 1er juin. 
 

Tous les jours pendant un mois, le Dr Sébastien Harscoat, urgentiste au CHRU de Strasbourg, a filmé son service. Il a remis les images au magazine Complément d’enquête, qui les a diffusées ce jeudi 1er juin sur France 2. Malgré la possibilité de perdre son travail, le médecin a tenu à montrer les conditions difficiles dans lesquelles lui, son équipe et les Samu travaillent. “Je ne peux pas rester sans rien faire (...) ça donne le sentiment de complicité. Même si je dois en perdre mon poste, je ne peux plus me taire, ce n'est pas possible”, livre le médecin. Dans son service, ainsi qu’au Samu, huit médecins ont déjà démissionné. “Très clairement on ne peut pas assurer la sécurité des patients”, déplore-t-il. 

Sur les images, son service est au bord de l’implosion. “J’ai grosso modo trois patients qui sont au déchoquage”, relève l’urgentiste. Parmi eux, une “patiente qui crache du sang”, une autre qui “a trois grammes d’hémoglobine dans le sang” et une dernière en “insuffisance rénale aiguë”. Tous ces cas sont des “urgences majeures”, précise-t-il. Dans le service des urgences, plus aucun lit n’est disponible, et sept patients sont encore dans des ambulances en attente qu’une place se libère. “On ne va pas pouvoir s’en sortir, donc j’ai dit au Samu que je ne prenais plus de patients”, explique-t-il dans sa vidéo.  

"On est dans cette situation, un peu, de catastrophe, de guerre, continuellement”, alerte le médecin. Certains de ses patients restent des heures entières sur des brancards, voire des jours. “Le dernier, il est resté sept jours sur un brancard”, assure-t-il. Dans ces conditions extrêmes et par manque de temps et d’effectif, le médecin reconnaît mentir à ses propres patients. “Souvent je vois un patient, je l’évalue rapidement et je lui dis ‘à tout à l’heure’. Et quand je ferme la porte, je sais que je suis en train de lui mentir. Je ne suis même pas sûr que je vais pouvoir aller le revoir”, confesse-t-il. 

“La vraie question qu’il faut poser c’est : 'est-ce qu’on peut aller dans un service d’urgence aujourd’hui, en France, sans prendre de risque ?’”, s’interroge l’urgentiste. “Bien sûr qu’il y a des risques, continuellement. Il n’y a aucune certitude qu’à un moment donné, vous allez vous en sortir indemne. En tout cas moi je ne peux pas dire aujourd’hui dans mon quotidien ‘ah mais venez aux urgences, tout se passera bien, vous êtes sûr que vous allez être bien pris en charge’ C’est un mensonge !”, affirme-t-il, tout en soulignant les efforts que les personnes présentes dans le service des urgences et le Samu fournissent. 

[Avec Franceinfo

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Michel Pailleux

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