
Une journée dans la peau d'un médecin généraliste : MG France dégaine une enquête sur les soins non programmés
Le généraliste était et reste "celui qui prend en charge les pathologies chroniques et les pathologies aigues". Alors qu'émerge aux quatre coins de la France des centres de soins non programmés, qui apportent une réponse immédiate à une demande urgente, MG France a tenu à réaffirmer le rôle majeur des médecins traitants dans ce domaine. Lors d'un colloque, ce jeudi 23 janvier, le syndicat a présenté les résultats d'une enquête inédite montrant que les médecins traitants consacrent en moyenne 50% de leur activité quotidienne à la prise en charge de ces soins aigus et non prévus.

Ce sont des chiffres qui n'étonneront pas les principaux concernés mais qui, pour MG France, méritent d'être affichés noir sur blanc. Car "les politiques et les médias n'ont pas forcément de vision sur notre travail", a expliqué sa présidente, la Dre Agnès Giannotti ce jeudi, lors d'un colloque organisé à La Défense (Puteaux). Chaque jour, les médecins généralistes traitants consacrent 50% de leur activité à la prise en charge des soins non programmés. "C'est-à-dire que sur le million de consultations que les médecins traitants réalisent chaque jour, 500 000 sont non programmées." C'est en tout cas ce que révèle une enquête flash réalisée par le syndicat sur la journée du 10 décembre 2024, auprès de 48 médecins généralistes traitants volontaires, et dont les résultats ont été dévoilés ce jeudi.
Les médecins ayant participé à cette étude ont accepté de documenter leur activité de médecine générale et de renseigner une kyrielle d'informations sur leurs consultations effectuées dans la journée : durée de consultation, thématique, nombre de motifs pris en charge, âge du ou des patients... Objectif : décrire ce que font concrètement les médecins généralistes traitants dans leur journée, alors que ces derniers ont récemment essuyé de "vives attaques" pointant notamment "nos insuffisances réelles ou supposées" dans un contexte de démographie médicale en berne, a expliqué le Dr Yohan Saynac, vice-président du syndicat.
Au total, 1137 consultations ont ainsi été passées au crible, soit environ 23 consultations par médecin répondant. Les deux tiers des généralistes dits "expérimentateurs" exerçaient en milieu urbain, une grande majorité dans le cadre d'un exercice coordonné (25 d'entre eux travaillent au sein d'une maison de santé pluriprofessionnelle), et les trois quarts des répondants comptabilisaient plus de 1000 patients médecin traitant. Une majorité des médecins interrogés avaient plus de 40 ans.
Concernant les patients, 56% étaient des femmes, et l'âge moyen des patients ayant consulté le 10 décembre était de 50 ans. 10% étaient bénéficiaires de la C2S, 1% de l'AME. En outre, un tiers des patients vus ce jour-là avaient une maladie chronique reconnue (ALD).

L'enquête montre qu'une consultation sur deux "n'était pas prévue la veille", a précisé Yohan Saynac. En moyenne, durant ces consultations non programmées, deux motifs différents ont été abordés, contre 2,4 pour une consultation programmée. Et la consultation durait 16,4 minutes en moyenne – un peu moins longtemps que pour une consultation programmée (18,1 minutes).
Il est fréquent qu'on transforme une simple demande de consultation urgente pour répondre à un véritable besoin de santé
Le premier motif de rendez-vous était d'ordre ORL ou respiratoire : "Ce qui n'est pas très surprenant en hiver." Le deuxième motif de recours à une consultation de soin non programmé était le renouvellement de traitement chronique, le troisième concernait la gastroentérologie.
Bien que le motif initial ait été le plus souvent aigu, dans 49,3% des cas le sujet des pathologies chroniques a été abordé lors de ces consultations SNP, et "dans 25% des cas, le médecin a amorcé des démarches de prévention" (addictions, dépistages...). "Il est fréquent qu'on transforme une simple demande de consultation urgente pour répondre à un véritable besoin [de santé] dont le patient n'avait pas lui-même conscience. Ce sont des situations que l'on vit tous", a confirmé le Dr Bijane Oroudji, trésorier adjoint du syndicat. Installé depuis 2007 à Saint-Ouen-l'Aumône, dans le Val-d'Oise, il réserve chaque jour 8 à 10 créneaux pour des prises de rendez-vous le jour-même.

"Il y a pour moi une opposition artificielle entre médecine de l'aigu et du chronique, a estimé le Dr Saynac, reprenant ainsi l'intitulé du colloque organisé ce jeudi. Quand on voit que dans les consultations non programmées, on parle de prévention, et dans un cas sur deux on va traiter un problème d'ordre chronique en même temps… Ce sont deux médecines très intriquées." A contrario, "on fait aussi du soin non programmé dans les consultations de suivi qui ont été réservées, bookées, depuis longtemps", a souligné la Dre Valérie Duthil, médecin généraliste à Saint-Georges-d'Oléron.
Vers une financiarisation des soins primaires ?
"A mon sens, le débat autour des soins non programmés est une construction", a ainsi jugé le Dr Saynac. "C'est l'offre qui a produit ce raisonnement-là, mais est-ce que ça fait sens en médecine générale ? Il n'y a probablement aucun sens à scinder ces deux choses en médecine générale."
Un avis que partage sa consœur, la Dre Margot Bayart : "Le médecin généraliste a toujours été celui qui prenait en charge de façon simultanée les pathologies chroniques et les pathologies aigues. On a besoin de réaffirmer cela." Il est, pour la première vice-présidente du syndicat, "délétère" de scinder "aigu" et "chronique", car cela "crée des effets de niche et désorganise le système".
Dans le viseur du syndicat : le fleurissement des centres de soins non programmés, qui apportent une réponse immédiate à un problème aigu, mais où le suivi au long cours du patient est absent. "Ces structures attirent les médecins, cela va créer un déséquilibre de l'offre de soins", a alerté la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France, pour qui, derrière ces centres de SNP, "il y a la financiarisation."
"La réelle plus-value" de la prise en charge des soins urgents par les médecins traitants, "c'est qu'on connaît nos patients, on adapte la situation avec toute l'antériorité qu'on a", a défendu Bijane Oroudji. "Ce n'est pas facile d'intercaler les urgences dans l'activité programmée, a ajouté le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat. Mais on a un historique qui nous permet d'éviter les mauvaises décisions."
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