"On ne pouvait pas sauver tout le monde" : ce jour où un urgentiste a retrouvé le sens de son métier
Médecin au Samu depuis trois ans, il pensait avoir fait le tour des situations critiques. Chez cet urgentiste, la routine prend le pas et le doute s'installe. Jusqu’à cette intervention, un jour de mai. Un témoignage de lecteur recueilli dans le cadre de notre série d'été "Le jour où j'ai été fier d'être médecin".
"J'étais médecin urgentiste depuis 3 ans dans une grande ville du sud de la France. Après un début de carrière mouvementé au Samu, la routine a fini par s'installer. Je prenais mes gardes avec assurance. J'avais fait le tour des principales situations critiques, telles que les infarctus, les AVC. En dehors des douleurs thoraciques avec leur cortège diagnostique qui me passionnaient toujours par leur complexité, tout le reste semblait être une routine bien codifiée. Paradoxalement, la situation la plus grave était finalement la moins angoissante. L'arrêt cardiorespiratoire n'avait plus de secret pour moi, je connaissais mes algorithmes décisionnels de façon sous-corticale.
La plupart de ces situations gravissimes se soldaient hélas par un décès et cela était pour moi une frustration car j'avais choisi ce métier pour sauver des vies. Il fallait donc s’accommoder du fait que l'on ne pouvait pas sauver tout le monde, et je commençais à me poser des questions sur l’intérêt de mon investissement personnel, et celui de la société qui mettait des moyens considérables pour que l'on puisse ramener si peu de personnes à la vie.
Ce n'est pas le succès de cette intervention qui nous a marqués, mais la reconnaissance infinie d'une épouse et d'un fils
C'était sans compter sur un appel de ma régulation, un beau jour du mois de mai, en rentrant à notre base avec mon équipe, composée d'un chauffeur ambulancier et d'un infirmier anesthésiste. Nous avions fini de transporter un patient critique au CHU lorsque, sur le chemin du retour, nous avons été sollicités par l'opérateur du Samu pour intervenir au domicile d'un patient de 50 ans souffrant d'une douleur thoracique, proche de notre position.
A peine arrivés, alors que je commence mon interrogatoire, le patient perd connaissance, et ne présente plus d'activité cardiaque. Nous réalisons alors une réanimation avec un premier choc électrique qui échoue à entraîner le cœur, et un deuxième dans la foulée qui fait repartir la pompe cardiaque.
Le patient reprend connaissance, nous l'extubons, et il respire désormais normalement. L'analyse de notre ECG initial avant la perte de connaissance montrait clairement un syndrome coronarien aigu qui n'était plus présent sur les tracés suivants, témoignant d'une re-perméation probable d'une coronaire.
Ce n'est pas le succès de cette intervention qui nous a marqués, mais la reconnaissance infinie d'une épouse et d'un fils qui, ce jour-là, avaient vu partir puis revenir à la vie un père et un époux grâce au concours d'une équipe médicale qui se trouvait fortuitement à quelques pas de leur domicile.
Cette situation n'était pas notre quotidien, mais suffisait amplement à donner du sens à notre engagement. Pour la vie."
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