"Mes collègues ont retrouvé le sourire" : après avoir quitté le public, cet urgentiste redonne sa chance à l’hôpital

13/07/2023 Par M.G.
Témoignage
En juin 2022, Egora recueillait le témoignage du Dr Charles Jeleff, urgentiste à l’hôpital de Cherbourg (Manche). Devant les conditions de travail détériorées et le départ de plusieurs de ses collègues, il avait fini par "abandonner" l’établissement public pour rejoindre une clinique privée, juste avant l’été. Mais depuis le 1er juillet dernier, conscient des efforts mis en place par la direction du centre hospitalier, il a finalement repris un temps partiel à l’hôpital. Il explique à Egora pourquoi il a changé d'avis. 

 

Crédit : Charles Jeleff

Il y a un peu plus d’un an, Egora échangeait avec le Dr Charles Jeleff, urgentiste. Il venait tout juste de quitter l’hôpital de Cherbourg (Manche), lassé par le retard quotidien dans la prise en charge des patients, les conditions de travail “terribles” et les départs de ses collègues, rarement remplacés. L’urgentiste de bientôt 62 ans avait alors pris une disponibilité pour partir rejoindre le secteur privé, à la polyclinique de Compiègne. Mais depuis quelques temps, l’idée lui est venue de retourner exercer à Cherbourg. “Je savais que ça s’était amélioré aux urgences”, explique-t-il, sûr de lui. En effet, le Dr Jeleff est toujours en contact avec ses anciens collègues. “Je ne suis pas parti fâché avec eux et j’ai surtout ma compagne qui travaille toujours à l’hôpital de Cherbourg”, raconte-t-il. Malgré quelques “hésitations”, l’urgentiste s'est décidé à redonner une chance à l’hôpital public où il avait exercé pendant plus de dix ans. Il continue d’exercer en libéral à la polyclinique Saint-Côme de Compiègne mais vient de signer un temps partiel d’environ “24 heures par semaine” en tant que praticien hospitalier à l’hôpital de Cherbourg. 

Ce samedi 1er juillet, il fait son grand retour aux urgences publiques, en reprenant exactement le même poste qu’il exerçait un an plus tôt. “C’est passé à une vitesse, j’ai retrouvé mes marques rapidement”, confie-t-il. Après un “super accueil” de la part de ses collègues, il s’aperçoit d’un premier changement. “On était plus nombreux, il y avait aussi plus d’internes”, affirme l’urgentiste. Pour sa reprise, il s’occupe du secteur long, trois internes et un médecin travaillent à ses côtés. Avant, seuls deux internes et un médecin étaient présents. “Il y a beaucoup de moyens qui ont été développés financièrement pour recruter plus de médecins”, avance-t-il. Lui, attendait avec impatience l’application de la loi Rist, concernant le plafonnement de la rémunération des intérimaires. “C’était la fuite en avant, il y avait un marché de l’intérim. Pour trouver des médecins, il fallait aligner deux voire trois fois le prix de ce que pouvait coûter un médecin titulaire”, se souvient l’urgentiste. “On pousse au crime, la plupart des jeunes médecins allaient en intérim parce que financièrement c’était plus intéressant”, confie l’urgentiste.  

 

"La tendance s’est inversée"

Depuis, le 3 avril dernier et l'entrée en vigueur de la loi Rist, l’urgentiste a “l’impression que la tendance s’est inversée”. “La direction a fait le travail qu’il fallait, c'est-à-dire de présenter le meilleur qu’elle puisse pour attirer des médecins et ça marche”, reconnaît-il. Parmi les solutions trouvées : “proposer des postes contractuels officiels avec une rémunération intéressante qui n’est pas celle du plafonnement de la loi Rist”. Avec un effectif augmenté, c’est toute l’ambiance du service qui change. “Quand vous commencez une journée et que vous savez que vous allez être plus nombreux pour assumer, on ne ressent pas l'appréhension initiale de la prise de garde”, confie-t-il. 

La direction a aussi rendu le métier plus attractif, notamment en reprenant des projets, dont un qui avait été abandonné quelques années plus tôt. “Comme Cherbourg est une presqu'île entourée d’eau, un de mes collègues voulait participer à la création d’un Smur maritime, grâce à la médicalisation de l’hélicoptère de la marine”, informe l’urgentiste. Aujourd’hui, ce projet a été relancé et verra le jour prochainement. “Pour un jeune médecin urgentiste, c’est palpitant de pouvoir faire du secours maritime”, reconnaît-il, convaincu. Avant son départ, le Dr Jeleff se souvient de son collègue à l’initiative du projet : “Il était en dépression, il avait des envies de quitter la région. Aujourd’hui, ce n’est plus le même, c’est ce qui m’a frappé.” 

 

"Il y a plus de points positifs que négatifs"

En plus des embauches et des projets, il y a aussi eu une nouvelle organisation au sein du service. “Tout le monde tourne sur l'ensemble des postes, la charge est vraiment répartie et c’est une très bonne chose”, avance-t-il. Pour le Dr Jeleff, si ces changements ont vu le jour ce n’est pas uniquement dû à la direction, c’est aussi grâce à l'actuel chef de service des urgences. “C’est un jeune urgentiste très impliqué, il a réussi à négocier avec la direction”, affirme le Dr Jeleff. Et cela a eu des conséquences sur son service. “J’ai revu mes collègues 14 mois après, ils ont retrouvé le sourire”, admet-il.  

Un autre point a également fait pencher la balance. L’urgentiste reconnaît que l’hôpital lui “manquait beaucoup”, notamment le “côté formation” et le “contact avec les plus jeunes”. “J’ai eu la chance de bénéficier d’une formation continue pendant 35 ans avec des spécialistes, des collègues... Je me rends compte à quel point quand on a eu une carrière comme ça, on a acquis un savoir-faire et je trouve ça tellement triste de pas pouvoir en faire bénéficier les plus jeunes”, estime-t-il. A la clinique, il reconnaît travailler “un peu plus seul”, alors cette absence de temps d’échange commençait vraiment à lui peser, tout comme le fait de ne plus se sentir “comme à la maison à l’hôpital”. “Quand j’allais voir mes anciens collègues ou ma compagne à l’hôpital de Cherbourg, je me sentais comme un étranger, ça m’a perturbé”, estime le Dr Jeleff.  

Pour l’heure le Dr Jeleff reste motivé pour exercer à l’hôpital de Cherbourg, même s’il est conscient de certains “points noirs inhérents à tous les établissements”. “Il n’y a rien qui est parfait, mais il y a plus de points positifs que négatifs en reprenant ce travail et largement !”, déclare-t-il. “Quand l’espoir reprend sur les projets, les projets d’embauche, vous sentez une dynamique et pas la même peine que vous aviez auparavant”, assure-t-il. Mais il veut rester prudent, “il ne faut pas baisser la garde, parce qu’il ne faut pas grand chose pour que ça se dégrade à nouveau. Il faut être vigilant en permanence”, admet-il. Aucun de ses anciens collègues, partis en même temps que lui de l’hôpital de Cherbourg n’est revenu sur du long terme comme lui. Mais l’urgentiste est quant à lui convaincu, il envisage même de faire un cumul emploi-retraite au sein de l’établissement public. 

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