"J'aurais préféré ne pas savoir" : ce patient qui cachait un terrible secret

16/08/2023 Par Dr Michel Morz
Témoignage
"C'était un patient âgé, bizarre, polypathologique, douloureux. Il était las de la vie." Jusqu'au bout, le Dr Michel Morz, médecin en Suisse, a accompagné ce patient, qu'il avait fini par apprécier "malgré son caractère". Jusqu'à ce qu'il découvre une part sombre de sa personnalité. Cet été, Egora publie les histoires de ces patients que vous n'oublierez jamais.

  "C'est un peu étrange. Ce patient qui m'a marqué, c'est un patient âgé, bizarre, polypathologique, douloureux. Il vivait chez lui, avait un discours légèrement paranoïaque - mais plutôt type méfiant de tout que complotiste. Je suspectais un problème gérontopsychiatrique léger. Chez moi, il était toujours respectueux et on pouvait discuter de tout.

Il était las de la vie. Il ne voulait pas d'acharnement. Il avait une drôle de masse sur le torse et il ne voulait pas la faire enlever. J'ai proposé de le faire, il a accepté : un carcinome. Ce jour-là, je lui ai sauvé un peu la vie.   "Il voulait partir" Mais il était las. Alors il a fini par faire appel à Exit, cette association agréée qui gère le suicide assisté en Suisse. Il voulait partir, je ne voyais pas d'objection. Il a donc pris rendez-vous pour qu'ils viennent l'aider à partir. J'avais bloqué le créneau pour être à ses côtés. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut être présent pour le décès d'un patient… Le matin même, il annule : il ne se sent pas prêt. Et quelques semaines plus tard, il refait une demande. Une date est de nouveau agendée. De nouveau, il annule au dernier moment. Et rebelote une troisième fois. Cette fois, il nous dit qu'il a entendu une voix qui lui demandait de ne pas le faire. L'équipe s'est quand même déplacée, et a demandé un placement sous contrainte en psychiatrie gérontologique. Et à sa sortie, le patient a accepté d'être placé en maison de retraite. Il venait toujours en consultation, il se plaignait un jour de la nourriture, une fois des infirmières, etc. Et de mois en mois, son état de santé s'est dégradé. Finalement, il est mort d'une insuffisance rénale terminale, refusant hospitalisation ou dialyse ; je gérais moi-même les antalgiques et les hypnotiques pour l'apaiser.

Je suis repassé quelques temps plus tard dans la maison de retraite pour un autre patient. L'infirmière m'a interpelé : 'On a vidé sa chambre. On a trouvé des cahiers remplis d'histoires qu'il avait écrites… des histoires à caractère pédophile'. Comment un patient qu'on avait suivi et apprécié malgré son caractère est descendu d'un coup dans mon estime. Il aurait mieux valu ne pas savoir."

Faut-il mettre fin à la possibilité pour un médecin retraité de prescrire pour lui-même ou pour ses proches ?

Albert Dezetter

Albert Dezetter

Non

A partir du moment où il entretient ses capacités professionnelles, le médecin âgé conservera sa capacité à prescrire pour lui-mêm... Lire plus

8 commentaires
12 débatteurs en ligne12 en ligne
Photo de profil de Romain L
14,2 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Ce récit m'inspire 2 interrogations : - Doit-on vraiment permettre l'euthanasie lorsque la problématique prédominante semble relever de la psychiatrie ou de la démence ? - Doit on vraiment traiter le pédophile abstinent avec mépris, ou ne mérite-t-il pas plutôt de l'empathie et de la compassion ?
Photo de profil de Suzanne 42
577 points
Débatteur Passionné
Médecine du travail
il y a 1 an
Secret "terrible" pour le journaliste rédacteur, assurément pas pour le pédophile en question ! Décidément tous les mêmes ou presque. Aucun problème pour nier autrui, mais nettement moins de résolution quand il s’agit de se nier soi-même. Puisse cette histoire très représentative de la pédophilie ordinaire nous prémunir tous un peu plus.
Photo de profil de Pierre-Henri Bredontiot
36 points
Médecine générale
il y a 1 an
La plupart des gens, la plupart des médecins, préfèrent ne pas savoir. D'où l'intérêt du terme complotiste, qui permet d'échapper à toute discussion: on ne discute pas avec le diable. Pourtant le complotisme est une vertu, c'est celle de l'homme libre.
 
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