Secteur 2 pour exercer dans un désert : les jeunes médecins disent "Non merci"

15/02/2018 Par Sandy Berrebi-Bonin
Démographie médicale

Et si le Graal tant convoité des généralistes était tombé en désuétude ? Alors que le Conseil national de l'Ordre des médecins vient de lancer l'idée qu'exercer deux ans dans un désert pour les jeunes fraîchement diplômés pourrait mener à l'ouverture du secteur 2, les principaux concernés disent "non merci".

  C'est lors d'un point presse "informel" que l'Ordre a lâché ce qui semblait être une petite bombe. Un concept d'assistant territorial, savant mélange de SASPAS*, et de médecin adjoint sur le modèle des assistants hospitaliers ouvrant des droits au secteur 2. L'idée semble novatrice. Moins d'une journée après son annonce, elle vient de faire plouf.   "Un concept un peu fumeux"   "C'est un concept un peu fumeux, tacle d'emblée Yannick Schmitt, vice-président de ReAGJIR. Mettre en carotte le secteur 2 est une mauvaise chose. On a plutôt tendance à dire que ça n'est pas sur le secteur 2 que les généralistes doivent se battre. C'est vraiment étrange comme manière de penser. La logique voudrait plutôt qu'on aille vers une réduction du secteur 2."  

  Si le secteur 2 faisait rêver les généralistes il y a quelques années, on peut dire qu'une page est tournée. "Le secteur 2 ne nous intéresse pas plus que ça. Même la plupart des chefs de cliniques en médecine générale qui pourraient y avoir accès choisissent de rester en secteur 1. L'idée serait plutôt de le transformer en un secteur 1 unique en prenant compte des spécificités géographiques", commente Maxence Pithon, président du syndicat d'internes en médecine générale ISNAR-IMG.  

"5 ans de latence"

  Ces réactions sceptiques auraient sans doute pu être évitées si l'Ordre avait consulté les jeunes, ce qui ne semble pas avoir été fait. Du moins ni l'ISNAR-IMG, ni ReAGJIR. "Je viens de découvrir cette annonce de l'Ordre. C'est décevant de découvrir les choses comme ça alors que nous avons une commission jeune au sein de l'Ordre. J'ai discuté avec le Dr Bouet il y a un mois, il ne m'a parlé de ce projet", s'agace le Dr Yannick Schmitt.  

  Au sein du Conseil national de l'Ordre des médecins, tout est parti d'un constat. Après la validation de leur DES, les jeunes médecins vivent 5 ans de latence avant de s'installer. Une période, où les 8 000 diplômés qui sortent chaque année remplacent mais aussi se questionnent sur leur futur mode d'exercice. Dans l'idée de professionnaliser au plus tôt les futurs médecins, l'Ordre a donc imaginé le concept d'assistant territorial.  

Deux ans dans une zone sous-dense

 

"Ce statut serait le miroir en libéral de ce qui se fait à l'hôpital. Pendant une période de deux ans, les jeunes bénéficieraient de droits sociaux, de droits à la formation et des avantages conventionnels du secteur 2 ", explique le conseiller ordinal François Arnault. En contrepartie, les jeunes diplômés volontaires exerceraient au moins deux ans dans une zone sous-dense sous la supervision d'un maître de stage expérimenté. "Nous souhaitons utiliser cette période de recherche pour donner une réponse en matière d'accès aux soins", explique le Dr Arnault. "Il s'agirait d'une situation de compagnonnage. Cette expérience serait valorisée professionnellement", abonde le Dr Patrick Bouet, président du conseil national de l'Ordre des médecins. Les assistants territoriaux seraient rémunérés en partie par rétrocession d'actes comme c'est le cas pour les médecins adjoints mais aussi par l'Etat imagine le CNOM. "Il s'agit d'une mission de service public qu'il appartient à l'Etat de rémunérer", estime le Dr Bouet.  

  "Il s'agit d'une proposition hybride, mélange de SASPAS et de PTMG qui est une bonne idée. Si cela permet d'avoir plus de personnel soignant et des avantages sociaux, c'est très bien", décrypte le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Lui aussi reste toutefois sceptique sur la carotte du secteur 2. "Si le statut est pensé pour améliorer le statut de jeune diplômé et surtout la protection sociale et la rémunération, pourquoi pas", veut croire Maxence Pithon. "C'est bien de penser à la protection sociale du médecin mais j'attends de voir comment faire de l'entre deux. Soit on est libéral, soit-on ne l'est pas", commente dubitatif le Dr Schmitt. Si ce concept n'en est encore qu'au stade de l'idée, l'Ordre se dit déjà prêt à faire évoluer la réglementation ordinale pour permettre sa mise en place. L'article 85 et la règlementation sur l'activité multisite du code de déontologie pourraient ainsi évoluer via un décret en conseil d'Etat. * Stage Ambulatoire en Soins Primaires en Autonomie Supervisée

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