
Prise en charge des sinusites par les pharmaciens : les ORL dénoncent les dernières délégations de tâches
Présenté fin avril, le pacte contre les déserts médicaux de François Bayrou comporte plusieurs mesures instaurant des délégations de tâches médicales vers d'autres professions de santé. Le syndicat national des médecins spécialisés en ORL (SNORL) alerte sur les dangers de telles initiatives.

"Mettre fin sans attendre, sans discours mais par des actes, au scandale des déserts médicaux" : tel est l'objectif qu'a affiché le Premier ministre, le 25 avril dernier, lors de la présentation de son plan "de la dernière chance". Face aux difficultés d'accès aux soins que rencontrent les Français, François Bayrou a annoncé, à cette occasion, une série de mesures pour y remédier. Le chef du Gouvernement a notamment appelé à "confier de nouveaux actes à d’autres professionnels de santé". Comprendre : accentuer les délégations de tâches. Mais pour le syndicat national des médecins spécialisés en ORL (SNORL), il ne faut pas "pousser le bouchon".
Le Premier ministre entend miser davantage sur les pharmaciens d'officine, "bien répartis sur tout le territoire". Considération que la prise en charge par ces professionnels des angines et des infections urinaires est une réussite, il compte étendre le champ des pathologies pour lesquelles ils pourront délivrer des médicaments sans prescription médicale, sur la base de protocoles validés par la HAS (rhinite allergique, sinusite aiguë, plaie simple, piqure d'insecte). Cette mesure, qui n'est autre qu'une généralisation de l'expérimentation Osys, a été reprise dans la proposition de loi Mouiller, adoptée au Sénat ce mardi 13 mai.
S'agissant de la rhinite allergique saisonnière, cette proposition est "acceptable si elle se limite à un renouvellement d'ordonnance", juge le SNORL dans un communiqué de presse, car "la maladie nécessite une évaluation médicale régulière".
Le syndicat ne comprend en revanche pas la possibilité qui serait offerte aux pharmaciens d'officine de prescrire une antibiothérapie à un patient présentant des signes de sinusite aigue. "Le diagnostic de sinusite est difficile, demande une certaine expérience pour ne pas confondre avec une rhinite d'une part et pour détecter des signes de complication d'autre part", met-il en garde. Et de rappeler qu'"une sinusite aigue maxillaire non compliquée ne nécessite pas d’antibiothérapie". "Ce transfert de tâche expose à un double risque" : "des prescriptions excessives d'antibiotiques dans des cas non justifiés et des retards diagnostiques sur des complications", alerte le SNORL.
Le Gouvernement entend également libérer du temps médical en autorisant les audioprothésistes à réaliser certains actes, comme le retrait non-instrumental des bouchons de cérumen. Mesure que l'exécutif a fait passer par voie d'amendement dans la PPL Mouiller. Inquiet, le SNORL estimé impératif de "distinguer deux situations : la nécessité de retirer un bouchon à un patient connu et suivi par l'audioprothésiste et si le médecin qui a prescrit l’appareillage a bien précisé l'absence d’anomalie du conduit auditif et du tympan d'une part et l'accès direct à un audioprothésiste par un patient qui ressent son oreille bouchée et pense avoir un bouchon de cérumen de l'autre".
Pour les médecins ORL, "cette seconde situation impose un examen médical pour là encore pouvoir aboutir à un diagnostic".
La période de transition démographique peut être surmontée
"Si les mesures nécessaires n'ont pas été prises" pour anticiper les départs à la retraite prévisibles de nombreux ORL, "ce n'est pas de la responsabilité des médecins", tient à rappeler le syndicat, qui s'inquiète des dérives éventuelles qui pourraient survenir avec ces mesures. "Il ne faut donc pas les culpabiliser et il est temps de nous écouter pour prendre les décisions rapidement efficaces, qui permettront une prise en charge médicale de qualité pour les patients", lance l'organisation présidée par le Dr Nils Morel.
Pour le SNORL, cette "période de transition démographique" peut toutefois "être surmontée", "en attendant l'arrivée des futurs médecins diplômés (12000 admis en seconde année en 2025 contre 3500 par an au début des années 1990)".
L'organisation liste d'ailleurs plusieurs propositions : inciter au cumul emploi retraite, "en réduisant les charges de ces médecins et surtout en leur permettant d’améliorer leur pension retraite lors de cet exercice" ; favoriser les remplacements en libéral, en autorisant par exemple des jours de congés sans solde pour les étudiants de 3ème cycle ; développer les stages ORL pour ces mêmes étudiants ; ou encore favoriser le déploiement des assistants médicaux.
Enfin, "pour plus de sécurité pour les patients", les professionnels vers lesquels des tâches ont été transférées "devraient systématiquement demander une téléexpertise au médecin traitant ou à un médecin de la CPTS en absence de médecin traitant pour valider la prise en charge".
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