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"L'accès aux soins partout, pour tous, est un beau mensonge" : une ancienne miss et jeune médecin écrit aux députés

Après avoir bouclé un tour de France des déserts médicaux avec son compagnon kinésithérapeute, Anaïs Werestchack, miss Auvergne 2021 et médecin généraliste, a pris la plume pour s'adresser aux députés. Selon elle, contraindre la liberté d'installation serait "inefficace", mais surtout contre-productif. 

17/01/2025 Par Sandy Bonin
Démographie médicale
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"Si je vous écris aujourd’hui, c'est dans l'espoir de faire entendre mes mots à ceux qui, confortablement installés à l’Assemblée, prennent des décisions nous concernant, nous médecins, acteurs d'un système de soins en péril et victimes tout comme nos patients, des nombreuses années de politiques désastreuses responsables de la situation actuelle", écrit Anaïs Werestchack, miss Auvergne 2021 et médecin généraliste, dans une lettre ouverte à destination de l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale.

Accompagnée par son compagnon kinésithérapeute, la jeune femme de 27 ans vient de boucler un tour de France des déserts médicaux. "Il est nécessaire que je vous dise tout haut ce qui se passe aujourd’hui en France à quelques kilomètres seulement parfois de chez vous", explique la praticienne, qui a également publié sa lettre dans une vidéo postée sur Instagram.

"Ici, chaque journée s’enchaîne à un rythme qui ne me laisse ni le temps de déjeuner convenablement, ni celui d’aller aux WC, insuffisamment celui de dormir et encore moins d'avoir une vie de couple ou de famille. Six médecins couvraient il y a encore quelques années ce territoire de 652 km2, comptant plus de 6 000 habitants, mais aujourd'hui je suis seule, remplaçant durant 15 jours un médecin qui devrait déjà être en retraite. La journée n'a pas commencé que mon planning est déjà saturé, les demandes de consultations en urgence elles, ne cessent d'affluer. Mais comment accepter ? Comment accepter de refuser de soigner des patients qui devront se rendre - s’ils le peuvent - aux urgences les plus proches de chez eux, parfois à plus d’une heure de route, déjà complètement saturées, dans un hôpital qu’il projette d’ailleurs d’ici 2025, de fermer", déplore la jeune femme, qui compte s'installer dans un désert médical.

 

"Ce patient pourrait être vous"

"L'accès aux soins partout, pour tous, est un beau mensonge. La perte de chance pour les patients de ce territoire est une réalité que les plus âgés ont malheureusement et injustement fini par accepter : 'On n’a pas le choix', 'advienne que pourra', 'on aura bien vécu'... Leurs mots me glacent le sang", ajoute la jeune femme pour mettre les politiques face à la réalité. "Ce patient pourrait être votre parent ou votre grand-parent, ce patient pourrait être vous", leur dit-elle. 

 

 

Une lettre qui s’impose à l’heure où la seule réponse à la désertification médicale proposée par le Gouvernement est l’obligation d’installation, commente la généraliste. "Alors même qu’une hémorragie de médecins déplaquent et que d’autres se tournent vers le secteur 3 - déjà plus de 1 000 à ce jour - ; alors même que 40% des étudiants en médecine présentent des symptômes dépressifs, et que le risque suicidaire des internes est trois fois plus élevé que celui de la population générale ; pensez-vous sincèrement qu’une telle mesure soit une solution à la désertification médicale ? Pensez-vous vraiment qu’un médecin aussi passionné et dévoué qu’il soit accepte et soit capable d’exercer dans la durée dans les conditions que je viens de vous exposer ?", s'agace-t-elle. 

 

"Est-ce donc si difficile d'épauler vos médecins ?"

Si cette mesure venait à être adoptée, elle aurait de lourdes conséquences, estime l'ancienne Miss : "Non seulement elle serait inefficace, mais elle serait surtout contre-productive et entraînerait in fine une diminution du nombre de médecins sur le territoire." "Est-ce donc si difficile d’épauler vos médecins, d’encourager vos étudiants et d’écouter vos soignants ? Est-ce si compliqué d’interroger les principaux concernés pour travailler ensemble sur des solutions efficaces et pérennes ? Si vous continuez d’imposer vos propres règles sans prendre en compte les besoins et demandes de ceux qui sont au front, à terme, je vous vous l’assurer, il ne restera plus personne pour vous soigner", pointe-t-elle alors.

"Les solutions existent, mais il est grand temps que les politiciens écoutent les professionnels de santé présents sur le terrain, bien plus à même de savoir ce qui serait susceptible de fonctionner", conclut la praticienne.  

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de CHAMBON dominique
4,2 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 11 mois
Chère Consoeur, J’étais déjà impressionné par votre  « tour de France » de remplacement qui me rappelait celui qu’a fait mon cousin Compagnon du Devoir. Votre démarche légitime totalement à mes yeux l’apostrophe au gouvernement que constitue votre lettre. Je ne doute pas que la forme que vous lui donnez atteindra plus sûrement son auditoire que toutes les paroles qu’ont pu prononcer nos syndicats félons depuis des décennies d’avalement de couleuvres. Vos paroles ont les accents de vérité qui devraient nous donner la force de mener un combat juste contre des technocrates sourds qui rendent nos voix inaudibles. Car enfin, je vous cite, «il est grand temps que les politiciens écoutent les professionnels de santé présents sur le terrain, bien plus à même de savoir ce qui serait susceptible de fonctionner". Sinon, ce combat contre les médecins - qui est aussi un combat contre la médecine et les patients - risque de cesser faute de « séditieux » à combattre. Vous venez de monter en grade: de Miss Auvergne, vous voilà Miss France! Avec nos très sincères remerciements!
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597 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 11 mois
Scandaleux. Mais très juste. Les vieux se résignent, dit-elle Moi qui ai exercé pendant plus de 60 ans dans des conditions très difficile. Surcharge de travail pire qu'actuellement, ne serait-ce qu'à cause d'un manque de médecins déjà flagrant avec des journées de12, 14, parfois 24 h (oui) Mais en prenant toutes les gardes. Et sans JAMAIS refuser une seule Urgence ( Je l’écris encore avec une majuscule, l'urgence est restée sacrée ! ) Et l'impression au fil des années que le généraliste qui a toujours été ( répétez après moi ).....le pilier de la médecine, se faisait bouffer lentement par l’administration et perdait sa motivation. Si bien que maintenant, la principale motivation est parfois l'argent (voir les choix de spécialités) Hé bien, moi, qui ai travaillé dans ces conditions, connaissant encore un certain nombre de Confrère avec qui j'ai échangé et travaillé, moi aussi je me résigne et quand je suis malade, me dis, si je perds un œil, une jambe ou la vie faute d'un rendez-Vous, je suis vieux, inutile, j'ai vécu, c'est donc normal. Et c'est bien triste, les temps ont changé mais je n'en fais pas une maladie..... Exemple personnel, mais aussi exemples familiaux pour des affections graves voire mortelles. A notre époque, on ne survit plus, ça coute trop cher.
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958 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 11 mois
Chère consœur, Bravo pour votre action et votre lettre. Mais que peut-on espérer de gens qui ne viennent voir le monde de la Santé que pour une belle photo à mettre sur leur compte insta ou Facebook? Rien. Ces même personnes seront pris en charge, si malheur leurs arrive, par les pontes des chu car ils sont élus donc décisionnaires des subventions des uns et des autres. Bref, beaucoup de paroles ou de gesticulations sans réellement venir au contact des VRAIS ACTEURS DE TERRAIN. Le monde est dirigé par l'image, le paraître et non plus par la raison et le courage politique. Merci d'avoir fait ce tour de France de la réalité.
 
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