Maladie d’Alzheimer : se préparer à l’arrivée des premiers anticorps anti-amyloïde

12/01/2024
Neurologie
L’octroi d’AMM européenne aux premiers anticorps monoclonaux indiqués dans les formes débutantes de la maladie d’Alzheimer, - notamment le lécanémab (Leqembi) déjà approuvé aux Etats-Unis - , est attendu dans les prochains mois. Cela pose la question des conditions d’utilisation de ces médicaments et, notamment, de leurs restrictions d’emploi. 

 

Le Pr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris) rappelle à ce sujet les critères de sélection des patients inclus dans les essais cliniques, comme un MMSE compris entre 22 et 30 pour le lécanémab et entre 20 et 28 pour le donanémab, ainsi qu’une amylopathie prouvée (LCR, TEP amyloïde) et aussi les divers critères d’exclusion, parmi lesquels de nombreux types de lésions à l’IRM (microsaignements, microangiopathie cérébrale sévère, état multilacunaire, infarctus cérébral récent…) et un suivi impossible par ce type d’imagerie. Le spécialiste pointe également la survenue possible d’Aria (Amyloid Related Emaging Abnormalities) de type E (oedèmes) ou H (microhémorragie), visibles à l’IRM, heureusement accompagnés rarement (0,6%) de symptômes cliniques. D’autres points à prendre en compte sont représentés par davantage d’ARIA-H chez les sujets homozygotes ApoE4-E4, un risque majoré de macro-hémorragies cérébrales chez des patients sous anticoagulant et les hypertensions artérielles mal contrôlées (en France, seulement un hypertendu sur quatre est convenablement contrôlé). 

Au total, la proportion de patients éligibles apparaît actuellement faible, souligne le Pr Hanon : 12% selon une étude italienne et 8% d’après une étude américaine. 

"Dans ce contexte, il va falloir étayer les conditions médicales justifiant les contre-indications et savoir expliquer aux patients et à leur entourage les restrictions d’indication de ces produits", souligne le Pr David Wallon (Centre mémoire de ressources et de recherche de Rouen). "Cela implique notamment une meilleure compréhension de la maladie et de ses différents stades par tous les acteurs, ainsi que de poser les limites des interventions thérapeutiques", poursuit ce dernier. 

 

Le défi du diagnostic précoce 

"Ralentir d’environ 30% l’évolution d’une maladie d’Alzheimer par des anticorps anti-amyloïde administrés à un stade clinique précoce est un résultat inespéré", souligne la Dre Claire Paquet (hôpital Lariboisière, Paris). "Pour autant, une seule molécule ne saurait traiter une pathologie qui évolue silencieusement une vingtaine d’années avant l’apparition des premiers symptômes."

S’agissant des Aria, le Dre Paquet invite à n’en pas surestimer le risque, tout en les surveillant bien sûr, en appelant également à lever l’ambiguïté entre les images IRM d’Aria et leur traduction clinique. 

Parmi les défis identifiés par le médecin, le premier est représenté par le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer, dans lequel les médecins traitants sont appelés à jouer un grand rôle, souligne-t-elle, suivi par la gestion du nombre de patients demandeurs, en n’oubliant pas que les troubles de la mémoire ne se résument pas à la maladie d’Alzheimer et incluent aussi notamment la dépression, l’insomnie, les apnées du sommeil, l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale ou encore l’alcoolisme. De ce point de vue, l’avènement des biomarqueurs sanguins devraient changer les choses. 

D’autre part, le suivi IRM devra aussi être rationnalisé. 

"La disponibilité des premiers anticorps anti-amyloïde devrait s’accompagner d’un certain temps de démarrage, mettant d’abord à contribution les centres experts, puis les 450 consultations mémoire couvrant le territoire français, ce qui nous permettra de nous organiser afin de pouvoir traiter par la suite un grand nombre de patients", conclut le Dre Paquet. 

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Claire FAUCHERY

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5 débatteurs en ligne5 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 ans
Et pan sur la tête des spécialiste en médecine générale, on peut lire : « en France, seulement un hypertendu sur quatre est convenablement contrôlé. », une raison de plus pour les transformer en médecins traitants, et de distribuer aux IPA la surveillance de nos hypertendus. D’ailleurs, l’auteure le dit bien : « les médecins traitants sont appelés à jouer un grand rôle » ; pas les généralistes. Avec Alzheimer, nous entrons de plein pied dans les pathologies hypercomplexes multifactorielles tant génétiques, qu’épigénétiques ou environnementales, afin de pouvoir les traiter correctement. Si les béta-amyloïdes semblent être un élément central, il s’agit encore d’une hypothèse, forte seulement sur un seul essai clinique parmi tous les échecs. Alors donner une AMM à une molécule « thérapeutique » réservée à seulement quelques élus triés sur le volet, pour faire des essais au coût astronomique, veut simplement vouloir dire faire payer par les caisses d’assurance maladie – donc dans notre enveloppe globale - ce qui devrait être du seul champs du budget de la recherche, privée ou publique. On a déjà eu un précédent éloquent avec la rivastigmine et analogues il y a quelques années…. En plus, il s’agit non seulement de traiter des gens qui ne sont pas cliniquement malades, ou si peu…. mais aussi des gens sélectionnés par un/des algorithmes multifactoriels non encore validés, ayant des plaques amyloïdes, en sachant que 70 % des gens qui en ont ne seront jamais malades de cette affection, multifactoriellité oblige. C’est pour cela que d’autres voies parallèles sont aussi étudiées.
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 ans
Il me semble pourtant que la piste de la substance amyloïde était remise en cause.
 
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