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Dermatite atopique : nouvelles recommandations françaises pour les formes modérées à sévères

Les innovations thérapeutiques ont depuis 2018 considérablement changé la donne.

17/01/2025 Par Dre Brigitte Blond
Dermatologie
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La dernière conférence française de consensus concernant la dermatite atopique (DA) datait de 2004… les recommandations européennes de 2022 (basées sur une littérature de 2020). Une mise à jour des stratégies de prise en charge adaptées à l’environnement réglementaire français sur cette pathologie devenait donc indispensable.

Sur la prise en charge globale et les facteurs favorisants, il en ressort qu’il convient d’éviter les vêtements irritants (la laine en particulier) ainsi que le tabagisme actif et passif. Les adoucisseurs d’eau n’ont pas d’efficacité. L’activité physique ne doit pas être limitée. Un régime alimentaire spécifique préventif et un bilan allergologique ne sont pas indiqués (excepté en cas de réaction immédiate, moins de 2 heures, après l’ingestion d’un aliment). Un avis allergologique doit être demandé en cas d’aggravation dans les six à quarante-huit heures après une prise alimentaire – d’une DA modérée à sévère résistant à un traitement bien conduit. La diversification alimentaire doit débuter dès l’âge de 4 mois, comme pour tous les enfants. Probiotiques, compléments alimentaires, antioxydants et vitamine D ne sont pas recommandés ; les huiles de bourrache et d’onagre sont inefficaces.

Lors de la première consultation, un score DFI (Dermatitis Family Impact) est proposé – qui sera disponible dans la boîte à outils du site de la SFD –ainsi qu’un programme d’éducation thérapeutique, et une éventuelle corticophobie sera dépistée. Si la DA persiste en dépit de cet accompagnement, des traitements topiques peuvent être proposés, et en particulier des dermocorticoïdes (DC) forts pour le corps, modérés pour le visage, à raison d’une application par jour jusqu’à décroissance des lésions (sans décroissance de la dose). 

En cas de poussées fréquentes, un traitement proactif, soit des DC deux fois par semaine sur les zones « sensibles », est recommandé après rémission de la poussée. Sur les zones à risque d’atrophie avec les DC (paupières, région ano-génitale ou creux poplité par exemple), du tacrolimus (un inhibiteur de calcineurine, est préconisé. En adjuvant, on peut utiliser des émollients (lait l’été, baume l’hiver), mais jamais d’antiseptique et des produits lavants à un pH de 5-6 (bain ou douche tiède, de courte durée). En cas d’impétiginisation localisée, les antiseptiques ne sont pas recommandés, mais un antibiotique topique (mupirocine) en cure courte. Peuvent aussi être utilisés des antibiotiques per os en cure courte si les lésions d’impétigo sont étendues, tout en poursuivant les anti-inflammatoires topiques (excepté en cas d’infection virale herpétique).

Les traitements généraux sont indiqués quand les scores de DA (Scorad, EASI ou IGA de prurit) le justifient. Le choix du score de sévérité est laissé au médecin, ou lorsque la quantité de DC pour atteindre le contrôle de la DA est supérieure à quatre tubes de 30 g de DC fort par mois.

La ciclosporine reste une option pour une durée limitée, à dose élevée pour débuter (4 à 5 mg/kg/j), en sous-cutanée, associée à une surveillance cutanée et hépatique. Trois biothérapies – qui ciblent la voie Th2 – peuvent être proposées, le dupilumab, le lébrikizumab et le tralokinumab, sans hiérarchie entre elles, notamment en fonction du phénotype de DA, le seul critère étant celui de l’efficacité (mesurée sur l’absence d’érythème, une peau lisse et la disparition du prurit). Elles n’obligent ni à un bilan préthérapeutique ni à une surveillance biologique. En deuxième intention après la ciclosporine et en cas d’atteinte de la tête et du cou, un inhibiteur de JAK peut être utilisé, sur prescription hospitalière, en l’absence d’alternative thérapeutique et en tenant compte des précautions d’emploi, âge, tabagisme, antécédents vasculaires veineux. « Il est nécessaire que biologique ou JAKi soit remboursé dès la première ligne », estime la Pre Marie-Sylvie Doutre, dermatologue au CHU de Bordeaux et présidente du groupe de travail pour les recommandations de la Société française de dermatologie. Les experts proposent un allègement thérapeutique en cas de rémission complète ou quasi complète : ciclosporine sur un an au plus dès la rémission, espacement des injections pour les biologiques, hors dupilumab, après seize semaines de traitement, décroissance pour le méthotrexate, demi-dose pour les JAKi et espacement des injections pour le dupilumab après six mois de rémission.

Enfin, des populations particulières sont décrites : femme ou homme en désir d’enfant, femme enceinte ou allaitante. Ainsi, en cas de grossesse sont recommandés des émollients (voire des enveloppements humides) ainsi que des DC à activité modérée ou forte selon les zones atteintes, et un inhibiteur de calcineurine sur les zones de peau fine. En revanche, les anti-H1 ne sont pas recommandés car peu efficaces. On peut aussi prescrire une photothérapie UVB à spectre étroit, éventuellement de la ciclosporine, mais pas de JAKi ni de biothérapies (faute de recommandations possibles) et bien sûr pas de corticoïdes systémiques.

Pour les personnes âgées, pas de ciclosporine, mais une biothérapie en première intention, puis le méthotrexate à la dose minimale efficace (hors AMM), puis un JAKi à mi-dose.

Et, enfin, pour les enfants à partir de 6 mois, le choix des molécules est plus restreint en France : une biothérapie (dupilumab) ou un JAKi (baricitinib).

* Recommandations à venir sur https://centredepreuves.sfdermato.org/ 

Références :

Journées dermatologiques de Paris de la Société française de dermatologie (Paris, 3 au 7 décembre 2024). D’après les recommandations françaises émises par le Groupe de recherche sur la dermatite atopique de la SFD et le Centre de preuves en dermatologie*, et les communications de la Pre Marie-Sylvie Doutre (CHU de Bordeaux) et de la Dre Nina Sigg (CHU d’Angers).

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