Valvulopathies tricuspides : des pathologies largement sous-diagnostiquées
Pathologies silencieuses et principalement liées à l’âge, les valvulopathies – et en particulier celles de la tricuspide - sont encore dépistées et traitées à un stade tardif. Aujourd’hui, les techniques percutanées ont transformé la prise en charge des patients. Mais des recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les différences liées au sexe et adapter les traitements.
Estimée à 2,5% en population générale, la prévalence des valvulopathies augmente très fortement après 65 ans et dépasse 10% chez les + de 75 ans. "Il est important de noter que la cohorte Ox Valve, lors d’un dépistage échocardiographique à large échelle réalisé chez les + de 65 ans, a montré que plus de la moitié des valvulopathies identifiées, ne leur était pas connue (T. Cahill et al. Heart 2021) », alerte le Pr Bernard Iung (Hôpital Bichat), président de la Société française de cardiologie.
Il ajoute : « Ces travaux ont également révélé qu'après 75 ans, la prévalence de l'insuffisance tricuspide est au moins égale à celle de l'insuffisance mitrale, voire supérieure ». Pourtant, un registre de 7247 patients, référés en milieu hospitalier pour valvulopathie, avait signalé que « les valvulopathies isolées du cœur droit, dont la tricuspide, malgré une prévalence équivalente à celle de l'insuffisance mitrale, ne représentaient que 3% des patients référés (vs 41% pour le rétrécissement aortique et 21% pour l’insuffisance mitrale) (Lung et al. Circulation 2019). Ceci illustre le fait que ces patients étaient rarement adressés à l’hôpital ! », souligne le spécialiste.
Selon lui, « l'autre point extrêmement préoccupant est le fait que les patients sont référés à un stade tardif de leur pathologie (Nyha III ou IV pour 40% en moyenne) et certains (de 11% à 27%) avaient déjà été hospitalisés dans l'année précédente pour une décompensation cardiaque. Or, le passage à ce stade est un tournant évolutif se traduisant par un pronostic altéré notamment en cas d’intervention par voie percutanée ou chirurgicale. Le diagnostic devrait être réalisé plus précocement, dès le bilan ».
La valvulopathie tricuspide : un arsenal thérapeutique élargi
Les valvulopathies secondaires ou fonctionnelles représentent 85% des valvulopathies tricuspides. Pendant longtemps, les patients souffrant d’une pathologie tricuspide isolée étaient peu référés en milieu hospitalier, notamment en raison d’une mortalité périopératoire, lors d’une chirurgie à cœur ouvert, estimée à 10% (J. Dreyfus et al. Eur Heart 2020). « Aujourd’hui, l’arsenal thérapeutique a considérablement évolué avec le développement d’approches percutanées. La technique de réparation transcathéter bord-à-bord (T-TEER) est de loin la plus utilisée. L’annuloplastie, malgré une approche assez intéressante et complémentaire est, pour l'instant, peu pratiquée en France. L'implantation de prothèses par voie transcathéter est aujourd’hui vraiment validée, mais elle n’a malheureusement pas le remboursement », informe le cardiologue.
Valvulopathies : des différences selon le genre
« Dans le vasculaire, l’incidence, la physiopathologie mais aussi la prise en charge varient selon le sexe », prévient la Pre Martine Gilard, professeure de cardiologie (CHU Brest), ancienne présidente de la SFC, membre de l’Académie nationale de médecine. Les insuffisances tricuspides et mitrales sont ainsi plus fréquentes chez les femmes. Pour une pathologie valvulaire égale, leur taux de mortalité est aussi plus élevé. Du point de vue anatomique, l’aorte féminine a des structures plus petites et avec l’âge, la valve aortique évolue différemment. « Elle est moins calcifiée et présente davantage de fibrose que l’homme. Cela a une incidence sur la détection car les outils de repérage ne sont pas aussi pertinents en cas de fibrose qu’en cas de calcium », alerte la spécialiste.
Par ailleurs, « l’impact du rétrécissement aortique sur le ventricule gauche se fait plus souvent sur un mode d’hypertrophie concentrique tandis qu’elle est plutôt excentrique chez l’homme », explique-t-elle. Les femmes sont également diagnostiquées plus tardivement et, à sévérité similaire, présentent une symptomatologie plus avancée. « Les femmes étant beaucoup plus sensibles à la chirurgie (complications, saignements, …), il est recommandé d’effectuer une intervention percutanée », conseille Martine Gilard.
Concernant la valve mitrale, la fuite est plus souvent causée par le prolapsus. Elle comporte plus de calcifications (à l’inverse de l’aorte). Enfin, l’insuffisance tricuspidienne féminine est de progression plus rapide. La femme étant très sensible à l'hypertension et à la fibrillation atriale, ces deux affections ont des retentissements sur l'oreillette (dilatation) et l’anneau, faisant fuir la valve. « Ainsi, les causes, les répercussions, les évolutions des valvulopathies étant différentes chez les femmes, nous avons besoin d’études dédiées afin d’avoir assez d'éléments pour adapter les traitements comme dans le rétrécissement aortique, où les seuils à partir desquels il faut opérer devraient être abaissés », conclut la Pre Gilard.
Références :
Sources : D’après la conférence « Pathologies cardiaques structurelles : relever le défi d’une société vieillissante », organisée à l’Académie nationale de Médecine, avec le soutien institutionnel de Edwards Lifesciences (22 septembre)
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