Transition de genre : les premières recommandations de la HAS sont parues… mais uniquement pour les personnes majeures
Les premières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la transition de genre des personnes trans ne concernent finalement – pour le moment – que les sujets majeurs, du fait d’une absence de consensus chez les mineurs. Le texte place le médecin généraliste au centre de la démarche, qui doit être globale, pluridisciplinaire, et surtout bienveillante et adaptée à la personne.
La Haute Autorité de santé (HAS) vient de rendre ses recommandations concernant la prise en charge des personnes désirant effectuer une transition de genre. Cependant, contrairement à ce qui était prévu, le texte ne concerne pour l’instant que les personnes majeures, du fait d’une absence de consensus chez les mineurs. "En l’absence de données suffisamment robustes et de consensus, la HAS fait le choix d’aborder séparément la question des moins de 18 ans", explique l’agence sanitaire dans un communiqué accompagnant la parution des recommandations.
L’objectif du texte est d’"homogénéiser les pratiques et garantir une prise en charge sécurisée et de qualité". Force est de constater que les personnes trans - c’est-à-dire "vivant ou s’identifiant dans un genre différent de celui qui a été constaté à la naissance", rappelle la HAS – font face à de nombreuses difficultés. Elles seraient actuellement 22 000 personnes en France suivies en ALD pour "troubles de l’identité sexuelle", un chiffre en augmentation ces dernières années.
Mais bien que l'"incongruence de genre" ne soit plus classée dans les troubles mentaux, mais dans les "affections liées à la santé sexuelle" depuis 2018, les personnes trans sont particulièrement exposées à "un risque de renoncement aux soins, d’automédication, de dépression ou encore de troubles anxieux pouvant aller jusqu’au suicide", souligne la HAS. Ainsi, selon une étude récente, une personne trans sur cinq souffrirait de dépression. S’y ajoutent des difficultés dans la vie quotidienne, des discriminations dans tous les domaines, de la violence, et souvent une précarisation.
En outre, pour les personnes souhaitant effectuer une transition de genre, le parcours est souvent difficile, très inégal sur le territoire, entrainant une errance médicale importante, les médecins ayant peu de repères dans ce domaine.
D’où la volonté de la HAS d’améliorer la situation. Pour rédiger ses recommandations, elle a auditionné pas moins de 128 experts. Le texte propose des "repères précis sur les pratiques médicales à mettre en œuvre, tout en respectant la diversité des parcours individuels". La HAS insiste, en effet, sur la multiplicité des possibilités thérapeutiques : prescription d’hormones, prise en charge chirurgicale, accompagnement psychologique et autres soins.
L’importance du médecin généraliste
Le texte met tout d’abord l’accent sur l’importance de l’accueil et de l’écoute de la personnes trans, "sans jugement ou idée préconçue". La prise en charge doit être personnalisée et adaptée, en particulier au niveau d’information et de réflexion dans la démarche de la personne trans. L’accompagnement psychosocial est fondamental tout au long du parcours. "L’enjeu est de favoriser l’autonomie de la personne afin de l’aider à identifier et formuler des choix éclairés, dans le respect du principe d’autodétermination", précise la HAS. L’utilisation du prénom et du pronom demandés est un préalable. Et la démarche ne nécessite aucune évaluation psychiatrique spécifique.
"Le fil rouge de ces recommandations, c'est écouter, respecter et éclairer la décision", a déclaré Claire Compagnon, présidente de la commission des recommandations de la HAS, appelant à ne pas voir le souhait de transition comme "un confort mais un enjeu vital".
La prise en charge doit être globale, pluriprofessionnelle (endocrinologues, psychiatres, psychologues, médecins de la fertilité et de la reproduction, gynécologues-obstétriciens, urologues, chirurgiens plasticiens, médecins du travail, travailleurs sociaux…), mais coordonnée par le médecin généraliste. Ce dernier "peut assurer le suivi d'une prescription et, s'il est formé, la primo-prescription des traitements hormonaux d'affirmation de genre", précise la HAS. En tout état de cause, il peut mener l’entretien initial.
Hormones et chirurgie aux personnes qui le demandent
Parmi les possibilités thérapeutiques, la prescription d’hormones peut être proposée aux personnes qui la demandent, après évaluation du rapport bénéfice / risque, car elle "peut contribuer à améliorer leur qualité de vie", souligne la HAS. L’instance sanitaire recommande aussi " de répondre aux demandes de chirurgie des personnes trans", qui doivent recevoir une "information préopératoire claire, loyale et adaptée sur les modalités chirurgicales, les risques (à court ou moyen terme) et le caractère irréversible de certains actes". Un délai de réflexion est prévu, afin de permettre à la personne de donner son consentement éclairé.
Enfin, sur un plan plus général, la HAS recommande aux pouvoirs publics de renforcer la formation initiale et continue des professionnels dans ce domaine, d’améliorer et structurer l’offre de soins.
Elle ne donne, en revanche, pas d'avis sur le bien-fondé du remboursement intégral des parcours de transition par l'Assurance maladie, prenant acte que cela existe déjà dans les faits via la procédure d'ALD.
Le texte des recommandations s’accompagne d’une synthèse spécifiquement destinée aux des médecins généralistes, et une fiche décrivant la mise en œuvre du parcours de soins.
Le volet "mineurs" à partir de 2026
Concernant le deuxième volet sur les mineurs, son élaboration débutera en 2026, après avoir " avoir défini le cadrage du sujet".
Les mineurs concentrent en effet les controverses les plus vives, en particulier quant à l'opportunité de traitement hormonaux destinés à retarder la puberté. Certains médecins, rejoints par des organisations conservatrices, y voient une impossibilité absolue à une période cruciale pour la constitution mentale et physique de l'adulte en devenir. D'autres, aux côtés d'associations LGBTQ, mettent au contraire en avant le risque de contribuer à un mal-être potentiellement suicidaire, en refusant de tels traitements.
C'est sur ce fond de controverse que les travaux de la HAS ont été perturbés par plusieurs procédures en justice. Celle-ci a notamment exigé de divulguer la composition de la commission chargée du sujet, normalement vouée à rester anonyme pendant ses travaux. Elle avait été saisie par une association, Juristes pour l'enfance, qui accusait la commission de pencher en faveur de "l'activisme" trans. Le sujet "a entrainé des réactions au-delà de ce que nous avons connu ces 20 dernières années", a admis Lionel Collet, président de la HAS, en conférence de presse. Mais, au final, cette dernière "manque de courage devant des pressions sociétales", regrette auprès de l'AFP Maryse Rizza, présidente de Grandir Trans qui regroupe quelque 1 300 familles souhaitant accompagner leur enfant dans leur transition. Pour elle, "l'absence de consensus c'est une excuse".
Références :
D’après un communiqué de la Haut Autorité de santé (HAS, 18 juillet). Avec AFP
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