
Santé mentale : un plan pour "reconstruire" la psychiatrie
Améliorer le repérage des troubles psychiques, rendre la psychiatrie plus lisible et accessible, améliorer la formation et l'attractivité de la profession... Telles sont les grandes ambitions du plan santé mentale et psychiatrie qui vient d’être rendu public par le ministère de la Santé. Le milieu scolaire est particulièrement mis en avant, avec la volonté de mettre tout en œuvre pour améliorer la santé mentale des jeunes. Problème : le plan ne fait l'objet, pour le moment, d'aucune annonce financière.

Si, jusqu’à présent, les actions gouvernementales concernant la santé mentale – grande cause nationale, cette année - étaient principalement axées sur des aspects sociétaux, tels que la lutte contre la stigmatisation, les discriminations ou le harcèlement, le ministère de la Santé souhaite maintenant diriger les efforts vers la psychiatrie. Manque de moyens et d’attractivité, épuisement des soignants... La psychiatrie est en effet parfois traitée comme le parent pauvre de la médecine, et reléguée au second plan des politiques de santé. Pour le ministère, il faut que cela change.
En effet, l’enjeu est majeur. L’incidence des pathologies psychiatriques augmentent ; les jeunes, les femmes et les personnes âgées sont particulièrement touchés. Et il y a urgence, comme cela a été dramatiquement souligné par des faits récents ayant marqué l’actualité notamment dans les écoles. C’est donc tout l’objet du plan santé mentale et psychiatrie, qui a été présenté par le ministère de la Santé et de l'Accès aux soins, le 11 juin.
Ce plan se veut ambitieux : "Ce plan psychiatrie est un plan de sursaut et de refondation. Il n’ajoute pas quelques mesures à une liste déjà longue. Il change de logique. Il part de la crise de sens et de moyens que connaît la psychiatrie. Il l’écoute, il la regarde en face, et il répond. Il choisit de la reconstruire non pas autour de la seule urgence ou de l’hôpital, mais depuis la base : l’école, les médecins généralistes, les CMP, les soignants du quotidien", affirme ainsi le ministre Yannick Neuder, dans un éditorial accompagnant la publication du plan.
Cependant, gros point noir, le ministère de la Santé a précisé qu’aucune annonce financière ne serait associée pour le moment à ce plan.
Améliorer le dépistage et la prise en charge précoce du patient
Le plan santé mentale et psychiatrie comprend 26 mesures, qui s’articulent autour de 3 grands axes : repérer, soigner, et reconstruire.
Le 1er axe, "Repérer", vise à améliorer la détection précoce des troubles, en particulier chez les jeunes et les adolescents de 12 à 25 ans, car il s’agit d’une période de vulnérabilité charnière. Le Gouvernement souhaite favoriser la "vigilance collective" en mobilisant surtout le personnel de terrain. Et cela se passe à l’école en premier lieu. Ainsi, une des mesures phares du plan est la formation de deux "personnels-repères" dans chaque établissement scolaire et chaque circonscription du 1er degré.
Un modèle national de repérage et d’intervention précoce sera déployé sur tout le territoire. Un kit de repérage et d'intervention précoce sera aussi créé. Et l'objectif est de former 100% du personnel de santé scolaire (infirmières, médecins, psychologues et assistants de services sociaux) au repérage des troubles en santé mentale.
Le Gouvernement souhaite aussi massifier la formation au secourisme en santé mentale, avec l'objectif de former 300 000 secouristes en santé mentale d’ici 2027, contre 165 000 aujourd'hui.
Enfin, les étudiants en santé, via le service sanitaire, seront mis à contribution pour des actions de sensibilisation.
Dans le 2ème axe, "Soigner", le Gouvernement souhaite "reconstruire une offre de soins lisible et graduée". Il est basé sur l'idée que les structures existent ; cependant, elles ne sont pas assez connues, et parfois mal définies. Il s"agit de mettre en place une psychiatrie de proximité capable d'agir avant, au moment et après la crise. La médecine de ville, les équipes mobiles, les centres médico-psychologiques (CMP), les psychologues libéraux et les acteurs du premier recours sont ainsi particulièrement concernés. Le Gouvernement souhaite, en particulier, doubler le nombre de psychologues conventionnés dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, pour attendre un objectif de12 000 d'ici 2027 (contre 6 000 actuellement).
Des filières psychiatriques du service d'accès aux soins seront déployées sur 30 territoires dès 2025. Les équipes mobiles de crise et centres d'accueil en amont des urgences seront cartographiés pour identifier les besoins ; et les agences régionales de santé seront incitées à financer les dispositifs manquants. Une mission sera mise en place pour structurer les parcours en urgences psychiatriques. Et un socle national d'outils pratiques (guides…) sera dédié aux médecins généralistes.
Par ailleurs, une infirmière référente en santé mentale devra être désignée dans chaque maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) et service d’urgences générales sans équipe psychiatrique. Aux urgences encore, le Gouvernement souhaite diversifier les équipes en encourageant la présence de pairs-aidants et travailleurs sociaux. Les personnels doivent être mieux formés aux alternatives à l'isolement et à la contention.
Enfin, des dispositifs post-suivi seront développés dans chaque région, et une solution d’aval devra être intégrée dans chaque projet territorial de santé mentale (PTSM).
600 internes en psychiatrie par an d'ici 2027
Le 3ème axe du plan, "Reconstruire", vise à répondre durablement aux difficultés de la profession, qui fait face à un accès dégradé, une pénurie de moyens et des inégalités territoriales majeure. Pour le Gouvernement, cela passe par un renforcement de la formation et de la coordination. Ainsi, tout d'abord, le plan prévoit d’atteindre l’objectif de 600 internes en psychiatrie par an d’ici 2027 (contre 500 actuellement). Ils doivent être aussi mieux formés avec l’exigence d’un module optionnel en psychiatrie avancée dans toutes les universités, couplé à un stage pratique. Les postes universitaires devraient aussi être renforcés sur l’ensemble du territoire. Autre mesure phare, le lancement d’une mission nationale sur les conditions de travail en psychiatrie.
Pour améliorer la coordination des soins, la création d'équipes de soins spécialisés en santé mentale par région sera encouragée. Le Gouvernement souhaite aussi l'élaboration d’un guide national pratique à destination des collectivités pour la gestion des situations complexes.
Enfin, concernant le problème majeur des pénuries de médicaments psychiatriques, une task force dédiée sera créée au sein de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), visant à mieux communiquer sur l’état des stocks et mettre en place les mesures nécessaires.
Ça ne va pas résoudre quoi que ce soit
Les professionnels du secteur ont rapidement réagi. Globalement, "on ne peut pas rattraper 10 ans d'atermoiements et d'attente en deux coups de cuillère à pot. On prend ces mesurettes, mais ça ne va pas résoudre quoi que ce soit", a ainsi déclaré à l'AFP le Dr Jean-Pierre Salvarelli, du Syndicat des psychiatres hospitaliers.
Les syndicats critiquent principalement l’absence de financements spécifiques. "Sans moyens financiers on ne voit pas bien comment ça peut fonctionner", a déclaré à l'AFP Catherine Nave-Bekhti (CFDT Education), alors qu' "on manque cruellement d'infirmières, de médecins et de psychologues scolaires, d'assistantes sociales".
"On ne peut pas faire peser le poids de ce défi uniquement sur les personnels déjà en place", a estimé Sophie Vénétitay (Snes-FSU).
"Il y a des grandes lignes, mais il manque des éléments financiers majeurs, un échéancier et quantité de mesures: il n'y a rien sur la prévention, le repérage précoce, la recherche et la question des jeunes qui revient régulièrement", a ajouté pour sa part la psychiatre Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
Références :
D’après un brief presse du ministère de la Santé et de l'Accès aux soins (11 juin). Avec AFP
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