Santé périnatale en France : des "résultats sanitaires médiocres", selon la Cour de comptes
C’est un tableau assez dramatique que dresse la Cour de comptes concernant l’état de la périnatalité en France. Dans son rapport sur ce sujet, rendu public le 6 mai, elle dénonce "des résultats sanitaires médiocres", des inégalités importantes, et une offre de soins inadaptée.
Les Sages de la rue Cambon soulignent, tout d’abord, la performance "très médiocre" de la France en matière de santé périnatale, avec une place de 22 sur 34 pays européens pour la mortalité néonatale. Selon le rapport, près de 40% des décès enregistrés en France entre 2015 et 2017 auraient pu être évités, ce qui représente 2 079 enfants. La France est, par ailleurs, l’un des seuls pays dans lesquels le taux de mortinatalité ne s’est pas amélioré depuis 2000. Et concernant la mortalité maternelle, 60% des décès sont considérés comme potentiellement évitables : dans les deux tiers des cas, ils sont intervenus après des soins non-optimaux, considère la Cour des comptes.
En outre, cette contre-performance sur le plan sanitaire est observée alors que les moyens alloués sont en hausse ces dernières années (9,3 Md€ en 2021, soit + 9% par rapport à 2016) et que la natalité recule (- 5,3% sur la même période). De nombreux facteurs de risque contribuent à cette évolution : l’obésité et le surpoids des mamans, et les consommations de drogues, d’alcool ou de tabac "qui demeurent à des niveaux élevés", souligne la Cour des comptes. En outre, "la part des grossesses tardives progresse et représente désormais près du quart des naissances en France", et sont à l’origine de possibles complications obstétricales.
Par ailleurs, la santé périnatale est caractérisée par "de fortes inégalités sociales et territoriales", constate l’institution française. Le faible niveau de revenus, de diplôme ou le manque d’accès à une couverture sociale sont associés à une morbidité maternelle et infantile plus importante et à des complications. Les mères nées à l’étranger, ou ayant des situations sociales difficiles, sont d’autant plus touchées, "alors même que près du quart des naissances est issu de mères étrangères", précise la Cour des comptes. En outre, les territoires outre-mer "concentrent des difficultés particulières".
Renforcer et améliorer l’offre de soins
La situation n’est pas bonne non plus concernant l'organisation des soins et la qualité des prises en charge. "La situation actuelle ne répond ni aux normes de sécurité ni à l'efficience attendue dans la mise en place des services de santé", dénoncent les Sages. Des problèmes résident dans les conditions de fonctionnement des maternités qui apparaissent inadaptées aux évolutions, insuffisamment encadrées par les autorités sanitaires, et pâtissent des fortes tensions sur les ressources humaines. Dans ce contexte, "une vingtaine de maternités déroge toujours au seuil minimal de 300 accouchements annuels, fixé en 1998 au regard d’exigences de qualité et de sécurité des soins", dénonce le rapport.
Concernant les services de néonatologie, il existe de "fortes disparités constatées entre les régions" et il apparait nécessaire de les développer dans certains territoires. Il en est de même pour les femmes ayant des grossesses à risque qui devraient toujours pouvoir être suivies dans des établissements en mesure de prendre en charge leurs possibles complications. "Ces constats plaident pour une révision de l’organisation du soin périnatal, afin d’améliorer la sécurité des prises en charge" associé à une meilleures répartition des professionnels de la périnatalité, et un renforcement des formations des professionnels de la naissance.
Des politiques publiques à revoir
La Cour des comptes reconnait les bienfaits de certaines politiques publiques comme l’élargissement du dépistage néonatal. Cependant, "des insuffisances perdurent". C’est le cas, en particulier des actions de dépistage ou de vaccination qui "ont une portée limitée vis-à-vis des publics les plus à risque qui devraient pourtant être ciblés en priorité". De même pour la stratégie des "1000 premiers jours", surtout orientée vers les risques psychiques et de développement, et dont l’efficacité est limitée du fait de la crise de la psychiatrie. Les auteurs du rapport regrettent que cette stratégie ne comporte aucune mesure relative à la qualité et la sécurité des soins de périnatalité.
Ils préconisent, en outre, "un recours plus systématique aux entretiens prénatal et postnatal précoces" et de "surseoir au démantèlement en cours du service d’accompagnement du retour à domicile 'Prado maternité', qui a démontré son efficacité et mériterait d’être maintenu jusqu’à ce que d’autres leviers de coordination des parcours de soins périnatals aient démontré une égale pertinence". Enfin, le soutien à la parentalité doit être plus cohérent et plus lisible.
Références :
Rapport de la Cour des Comptes (6 mai)
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