Après le coronavirus, quels virus sont les plus à risque de pandémie ?
Egora : Même si prévoir l’émergence d’une maladie infectieuse s’avère particulièrement difficile, les expériences antérieures permettent-elles d’extrapoler un éventuel risque futur ? Dr Sylvie Briand : Il est essentiel de bien comprendre qu’il y a plusieurs niveaux de risque. La plupart des maladies émergentes proviennent d’un virus animal qui saute la barrière des espèces. L’introduction de ces pathogènes dans la population humaine suppose donc une interaction entre l’Homme et l’animal. Ensuite, on fait face à plusieurs scénarios possibles qui dépendent des caractéristiques de l’agent infectieux et des capacités de résistance de l’hôte: soit le virus se diffuse largement entre les hommes, soit il n’est pas de nature à se diffuser, auquel cas seulement quelques personnes pourraient être infectées. Au début de l’apparition de ces maladies, on ne peut pas réellement prévoir lequel de ces cas de figure va se présenter. Par exemple, le Sras et le Mers qui sont eux aussi dus à des coronavirus n’ont jamais été distribués très loin finalement. Pour le Sars-CoV-2, on a donc d’abord pensé à un virus qui allait en rester là ou qui allait peut-être se diffuser, mais très localement. Est-il possible d’identifier à l’avance le potentiel de diffusion de ces maladies infectieuses ? Les épidémies suivent une route en 3 étapes : l’introduction, la transmission localisée et l’amplification. Les facteurs qui génèrent l’introduction ne sont pas les mêmes qui ceux qui vont influencer la transmission localisée et diffèrent également de ceux qui vont favoriser l’amplification. C’est pour cette raison que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) essaie d’agir sur les facteurs de ces 3 étapes par le biais d’actions différentes. Mais ce n’est pas une équation simple. Beaucoup d’inconnues demeurent, surtout au début de l’épidémie. Au fur et à mesure du temps, on comprend de plus en plus de choses mais il reste cependant des paramètres sur lesquels nous n’avons pas de prise. Par exemple, la grande problématique du Covid a été la transmission par des personnes asymptomatiques.
Certains pathogènes font ils l’objet d’une surveillance étroite ? Oui, pour certains virus dont on connaît le fort potentiel épidémique. L’OMS suit de près les arboviroses comme...
Zika, le chikungunya, la dengue et la fièvre jaune, ainsi que les filovirus comme Ébola. Il y a encore quelques années, Ébola était une maladie qui ne concernait que de toutes petites communautés villageoises vivant en forêt. En 2014, on a vu que le déplacement des populations vers les grandes villes a entraîné un potentiel de transmission beaucoup plus important. Tout l’enjeu reste d’éviter la phase d’amplification en limitant la transmission localisée. On dispose pour cela de protocoles de « containment » pour tenter d’endiguer l’épidémie. Quel est le rôle des modifications climatiques et des animaux dans l’émergence de ces maladies infectieuses ? Globalement, l’environnement est un facteur d’émergence important. Nous vivons dans un écosystème complexe avec l’ensemble de ces pathogènes qui répond à de nombreux facteurs en interrelation permanente. Il suffit de modifier un de ces facteurs pour voir le risque épidémique augmenter.
Peut-on d’ores et déjà affirmer que la coopération mondiale permet de faire face à l’émergence de nouvelles maladies ou une collaboration étroite entre des spécialistes de différentes disciplines doit-elle être encouragée ? La solution à ces maladies émergentes ou ré-émergentes est pluridisciplinaire et si possible transdisciplinaire. Le seul moyen d’améliorer nos connaissances mais aussi de développer des outils de prévention est une collaboration entre plusieurs disciplines. Mais ce n’est finalement pas évident puisque travailler à l’interface entre toutes ces disciplines demande un financement particulier qui n’est pas toujours disponible. Par exemple, l’OMS a beaucoup travaillé sur « One Health »* au moment de la grippe. Nous avons développé....
des plateformes communes mais le financement restait propre à chaque spécialité. Sur quelles questions l’OMS travaille-t-elle aujourd’hui ? L’OMS travaille en étroite collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) afin de promouvoir des réponses multisectorielles sur la question des marchés notamment. Savoir comment les rendre plus sûrs, développer des standards d’hygiène et de vente d’animaux sauvages est devenu une priorité car ces lieux constituent un foyer particulièrement sensible dans le départ des épidémies.
Et enfin, quel est l'avenir du Sars-CoV-2 ? A-t-on décodé sa saisonnalité ? Des mutations ont-elles été enregistrées ? Il est encore trop tôt pour savoir si ce virus est saisonnier ou non. En effet, la diminution du nombre de cas peut être liée aux caractéristiques du virus face aux températures mais aussi à certains comportements humains. Lorsqu’il fait froid, les gens sont plus souvent confinés en intérieur par exemple. Quant à la mutation, le Sars-CoV-2 appartient à une famille de virus plutôt stable. Des modifications ont été observées certes, mais elles n’auraient pas ou peu d’impact. *« One Health » s’applique à la conception et la mise en œuvre de programmes, politiques, législations et travaux de recherche de nouvelles approches santé intégrées et collaboratives à l’échelle mondiale qui permettrait d’être capable de se préparer et d’agir face à de nouvelles maladies émergentes.
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