Télomères : l'internat de médecine fait vieillir six fois plus vite

16/05/2019 Par Yvan Pandelé
Pas une sinécure, l'internat. Une étude publiée dans Biological Psychiatry vient de montrer que les internes de médecine américains connaissaient un raccourcissement des télomères, ce marqueur du stress et du vieillissement cellulaire, bien supérieur à la population générale…

Les portraits de militaires avant et après la guerre fascinent. L'expérience du combat s'inscrit dans les traits du visage ; le regard change, s'affermit, s'illumine parfois. Suggestion aux photographes : faire de même avec des internes en médecine. Eux aussi se confrontent à la vie et à la mort, dorment peu, stressent beaucoup – autant d'expériences qui les marquent dans leur chair. Et pas seulement de façon figurée, comme vient de le montrer une équipe de psychiatres américains. L'étude, récemment parue dans Biological Psychiatry, s'est penchée sur le sort de 250 étudiants en médecine américains. Avant et après leur première année d'internat ("first-year residents"), les chercheurs ont mesuré la longueur de leurs télomères – l'extrémité des chromosomes – dans les cellules de leur salive. Comme les télomères raccourcissent à chaque mitose, leur taille est considérée comme un bon marqueur biologique du vieillissement cellulaire.

Il s'avère que l'hôpital n'est pas tendre avec ses jeunes recrues (27-28 ans). Les carabins parvenaient déjà à l'internat avec des chromosomes un peu plus courts que la moyenne. Mais en seulement un an de service, ils ont sutout vu leurs télomères raccourcir d'environ 150 paires de base, sur une longueur moyenne de 6500 pb. La comparaison ne vaut que pour l'ordre de grandeur, mais c'est six fois plus que le taux typique en population générale ! Quand le temps passe plus vite Les auteurs ont aussi montré l'existence d'une corrélation entre le temps passé à l'hôpital et le raccourcissement des télomères. Plus les internes faisaient de longues heures, plus la trotteuse de leur "horloge cellulaire" avançait vite. Il faut dire que les sujets – issus d'un grand nombre de facs de médecine américaines – travaillaient en moyenne 64,5 heures par semaine, et que certains déclaraient plus de 80 heures hebdomadaires au compteur. "La première année d'internat (dédiée notamment à l'obtention de la licence médicale, ndlr) accroît le stress des étudiants, ce qui influe sur leur santé mentale et leur bien-être", en conclut le Dr Kathryn Ridout, premier auteur de l'étude, dans un communiqué. La jeune psychiatre en sait quelque chose : elle-même a réalisé cette recherche lors de son internat. "J'étais particulièrement surprise de voir la relation entre le nombre d'heures travaillées et le raccourcissement des télomères", a-t-elle ajouté. Stress, dépression, et cheveux blancs "Ces résultats suggèrent que la taille des télomères peut être employée comme un biomarqueur du stress, de façon à mieux comprendre comment le stress s'insinue en nous et accentue le risque de maladies", précise le Dr Srijan Sen, professeur de neuropsychiatrie à l'université du Michigan et auteur sénior. Car les télomères ne sont pas qu'un indicateur de vieillissement : les recherches ont montré un lien solide entre leur taille et l'exposition au stress. (De même, les personnes dépressives ou atteintes de la maladie d'Alzheimer ont des télomères plus courts.)

Une explication subalterne, évoquée dans l'article, est de nature immunologique : l'exposition des internes à de nouveaux agents infectieux stimulerait la réplication de leurs leucocytes, d'où un raccourcissement des télomères. Pour renforcer leurs résultats, les auteurs ont étudié un groupe contrôle de 84 étudiants fraîchement débarqués à l'université du Michigan. Ces étudiants, âgés de 18 ans en moyenne, n'avaient aucun raccourcissement des télomères détectable à l'issue de leur freshman year – une année souvent dévolue, dans les universités américaines, à socialiser et s'adonner aux joies de la débauche estudiantine. Pas vraiment l'ambiance en internat…   Physician Training Stress and Accelerated Cellular Aging, Biological Psychiatry, 2019.

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Claire FAUCHERY

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