"Les MSU peuvent vraiment y perdre" : l'inquiétude monte chez les futurs docteurs juniors à moins d'un an de leur rentrée
Le congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) organisé du 3 au 5 décembre à Toulouse n’aura, cette année encore, pas pu échapper au débat sur la mise en place de la quatrième année d’internat en médecine générale. Si la DGOS a tenté des explications, dans la salle, l’optimisme a laissé place à l’exaspération.
" On adorerait [proposer une mise en place de la réforme] simple et consensuelle, mais c’est plus compliqué que ça en a l’air. On travaille pour que la mise en œuvre puisse être respectée, [qu’elle se déroule] dans de bonnes conditions pour les internes et les patients", affirme d’emblée Julie Pougheon, cheffe de service et adjointe à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Mais dans l’assemblée, les mines sont fermées. Comme l’a résumé le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), dans son discours d’ouverture le 3 décembre, "les étudiants ont besoin de clarté, d’un modèle stable. La première promotion entrera en novembre 2026, l’heure est à l’action". Car, exactement 333 jours avant la rentrée des docteurs juniors (DJ) de médecine générale, plusieurs points restent flous (recrutement des MSU, montage financier, participation à la PDSA…). Dans un contexte politique instable, le doute semble d’autant plus permis.
"A partir du moment où l'on veut salarier des gens en libéral, c’est compliqué parce qu’on ne sait pas quoi faire de la part AMC", souffle Atika Bokhari, présidente de l’Isnar-IMG*. L’interne en médecine générale s’exaspère : la rémunération des docteurs juniors et des maîtres de stage universitaires (MSU) est enfin actée mais le montage financier lui, reste sujet à débat.
La faute au contexte politique, estime Julie Pougheon. "La rémunération du MSU ne doit pas dépendre de l’activité du docteur junior et le DJ ne doit pas avoir de contrainte administrative trop forte. Sur la base de ces paramètres, et dans un contexte politique qui nous oblige tous, on a fini par obtenir un arbitrage à l’été. Pour le DJ, l’arbitrage repose sur l’équité et la simplicité du modèle avec une rémunération basée sur le salariat, ainsi que des composantes forfaitaires. Le DJ va exercer en cabinet, il facture son activité, ça génère un revenu : on a convenu avec la CPAM que l’argent collecté le sera pour le compte du PAMSU."
Mais les enjeux vont au-delà des montants financiers. "On a proposé un modèle alternatif où l’AMC revient au MSU, explique Atika Bokhari. Mais on a demandé deux garde-fous : le plafond des actes et un plancher minimal pour que le MSU puisse rentrer dans ses frais. Parce que c’est une réalité bien plus proche qu’on ne le croit : les MSU peuvent vraiment y perdre." A l’heure actuelle, c’est bien le nouveau montage financier qui figure dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, mais les "garde-fous" eux, n’apparaissent pas.
On ne balance pas les internes !
D’autant que le recrutement des MSU patine toujours. "Aujourd’hui, on a 58 % des effectifs nécessaires, alors qu’il manque encore des textes", se félicite la Pre Aurélie Janczewski, membre du collège académique du CNGE. "C’est un optimisme profond, on a déjà 58 % de MSU d’accord et ce, quel que soit le modèle choisi." Avant d’indiquer que parmi ceux-là, 76 % restent gênés par le manque d’informations. "Au mieux, ce sont des promesses d’engagement. Le projet pédagogique de la quatrième année est ambitieux mais sans moyens dédiés et sans enseignants, ce projet reste théorique et les conséquences sont là, prévisibles", rétorque ainsi Atika Bokhari, devant une salle convaincue. La présidente de l’Isnar-IMG l’assure, le nombre idéal de MSU ne sera pas atteint, "et même si on les a, les MSU risquent d’arrêter au bout de six mois parce qu’ils ne rentreront pas dans leurs frais".
Une congressiste pointe notamment les "promesses non-tenues pour les MSU en Île-de-France" : "Que doit-on répondre aux internes qui ne pourront pas faire leur stage en ville, faute de MSU ?" "On n’aura peut-être pas 100 % de MSU mais il faut rester optimiste", répond la Pre Laurence Compagnon, coordinatrice des programmes du DES de médecine générale à l’université Paris Est Créteil (UPEC). "La quatrième année va exister et ça reste une année de formation supplémentaire : vous serez encadrés, supervisés, vous ne serez pas perdus et ça sera mieux que d’être seul comme remplaçant. On ne balance pas les internes !" "Bah si", s’indigne la salle qui commence également à huer les commentaires optimistes.
A l’UPEC, la Pre Compagnon a réalisé une enquête sur la supervision idéale des docteurs juniors. Avoir davantage de temps d’échange avec le MSU pour parler des dossiers des patients, du cabinet, du territoire, pouvoir contacter le MSU à n’importe quel moment, organiser des debriefs en fin de journée, faire en sorte que le DJ choisisse lui-même les dossiers à superviser. "Le MSU doit faire confiance aux prises en charge du DJ, lui laisser l’autonomie sur sa façon de pratiquer", avise Laurence Compagnon. La professeure des universités devrait publier prochainement une série de recommandations en se basant sur cette enquête.
Mais pour les internes, l’heure n’est pas aux idéaux. "Tout le monde fait l’autruche. C’est alarmant cette plénière de la part de nos enseignants, et c’est ambitieux de chercher à tenir leurs promesses", ironise la présidente de l'Isnar-IMG.
Big matching
Le sujet qui risque aussi de faire grand bruit dans les prochains mois n’est autre que le big matching. La procédure d’appariement des terrains de stage des docteurs juniors reste floue sur sa faisabilité et son calendrier. "On appelle ça le Tinder des docteurs juniors : ils mettent des cœurs sur les terrains de stage qu’ils souhaitent et les terrains de stage choisissent le meilleur candidat. On sélectionne le meilleur couple possible", présente le Pr François Carbonnel, coordonnateur du DES de médecine générale à Montpellier. A l’heure actuelle, ce matching se base sur celui utilisé dans les autres spécialités, au risque de voir apparaître de nouvelles contraintes, notamment une procédure plus longue.
En attendant, la DGOS assure poursuivre le dialogue sur différents sujets (permanence des soins notamment) grâce à des groupes de travail. "On a encore des discussions pour ne pas que l’on nous reproche de faire passer la réforme en force. Après le PLFSS, on pourra finaliser les textes réglementaires. On entend la frustration, elle est liée à un contexte du pays qui connaît une instabilité mais le travail technique, lui, avance. On croit qu’il est encore possible de mettre en œuvre cette quatrième année dans de bonnes conditions", soutient Julie Pougheon. Mais pour Atika Bokhari, "l'heure n’est plus aux groupes de travail successifs. L’optimisme de façade n’est plus possible, nous avons besoin de cohérence, de respect, que les engagements soient à la hauteur. Non, nous n’accepterons pas tout au nom de la précipitation".
Selon la présidente de l’Isnar-IMG, la transparence et l’honnêteté deviennent nécessaires. "Qu’on nous envoie à l’hôpital l’année prochaine, au moins on sera fixés. En tout cas, on n’en voudra pas aux internes qui privilégient l’hôpital plutôt que la ville pour leur dernière année : pendant un an, on est prêts à serrer les fesses mais ça va impacter la ville et ça, on l’avait dit."
*Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale
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