Prescriptions d’arrêts de travail : près de 1000 médecins concernés par une mise sous objectif

13/06/2023 Par Louise Claereboudt
Assurance maladie / Mutuelles
[EXCLUSIF] "Ce nombre est deux fois plus élevé qu’en 2022 compte-tenu de l’évolution importante des dépenses en matière d’indemnités journalières liées aux arrêts de travail", indique la Caisse nationale de l’Assurance maladie à Egora. 
 
 

Depuis quelques jours, trois petites lettres ont fait leur retour dans les échanges entre les médecins sur les réseaux sociaux : MSO, pour mise sous objectif. Il s’agit d’une procédure de l’Assurance maladie, mise en place à l’issue de contrôles des prescriptions d’arrêts de travail. Dans le cas où l’Assurance maladie constate des atypies, un médecin est contacté par sa CPAM et peut être mis sous objectif, c’est-à-dire qu’il doit s’engager à "un objectif de réduction des prescriptions dans un certain délai", explique l’Assurance maladie sur son site

Plusieurs syndicats de médecins libéraux (MG France, la CSMF et la FMF) ont dénoncé la reprise de ce "flicage statistique" qui "commence très fort et très tôt cette année" - "habituellement c’est à l’automne", souligne le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France, sur le site du syndicat.  

Contactée par Egora, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) indique que "près de 1 000 médecins ont été retenus" pour une mise sous objectif de leurs prescriptions d’arrêts de travail, "soit près de 2% des médecins généralistes". C’est deux fois plus qu’en 2022, ajoute la Cnam, qui explique cette hausse par une "évolution importante des dépenses en matière d’indemnités journalières liées aux arrêts de travail". "Seuls sont retenus les médecins qui présentent un niveau très atypique de prescriptions d’arrêts de travail par patient actif, c’est-à-dire en âge de travailler", précise-t-elle. 

Accusée par les syndicats de vouloir "taper" sur les médecins – déjà en proie à d’importantes pressions (PPL coercitives, tentatives de régulation de l’installation…), la Cnam explique au contraire n’avoir pas retenu "le critère du nombre total d’IJ indemnisées", alors que "c’est possible en vertu du code de la Sécurité sociale", ne souhaitant "pas pénaliser des médecins qui ont une activité importante du fait d’une forte patientèle". La FMF, elle, juge son attitude "schizophrène" : "suppliant" les généralistes "d’augmenter la file active de patients pris en charge" et les "harcelant" pour les prescriptions d’IJ. 

Les syndicats de médecins dénoncent par ailleurs la méthode employée. D’abord, la prise de contact – qui "se présente sous la forme de coups de téléphone ou de convocations à un ‘entretien confraternel’", écrit MG France, sur son site

"On y supprime la procédure d’alerte préalable y préférant d’emblée la MSO (mise sous objectif) et en cas de refus ou d’échec, la MSAP (mise sous accord préalable)", dénonce aussi le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, dans un communiqué. Introduit "à partir de 2016 dans le dispositif de MSO/MSAP", l’entretien préalable n’est pas "prévu dans le code de la Sécurité sociale", précise la Cnam à Egora. Ajoutant : "Au vu de l’évolution très forte des indemnités journalières (hors IJ Covid) actuellement constatée, l’Assurance Maladie souhaite pouvoir agir plus rapidement sur les dépenses en lançant directement les procédures de mise sous objectif." 

Elle rappelle néanmoins qu’une procédure contradictoire est dans tous les cas mise en place. "Avant l’envoi du courrier de lancement de la procédure de mise sous objectif, les caisses informent au préalable chaque médecin concerné par téléphone. A réception du courrier, une phase contradictoire permet au médecin d’adresser des explications écrites ou de demander un entretien avec sa caisse. Si le médecin présente des raisons qui peuvent justifier son niveau de prescription, alors la CPAM peut suspendre la procédure de MSO. Ce n’est qu’à l’issue de cette phase contradictoire que la poursuite de la procédure sera décidée", précise la Cnam, indiquant que les mises sous objectif ne seront effectives qu’"à compter du 1er septembre prochain et sur une période de six mois". 

Enfin, MG France pointe du doigt la méthode de contrôle de l’activité. Si, explique la Cnam, "l’activité de chacun des médecins retenus a été comparée avec l’activité moyenne de ses confrères de la même région, à patientèle et zone d’exercice comparable (standardisation des patientèles selon l’ALD, le sexe, l’âge et prise en compte de l’indice de défavorisation du territoire)", selon le syndicat de généralistes, "cette moyenne peut cacher des hétérogénéités majeures". "Nous pensons qu'il serait plus pertinent de cibler les contrôles non pas au volume (délit statistique) mais en ciblant certaines pratiques, IJ suivant les jours fériés, IJ avec des traitements fantoches", écrit-il. 

Les syndicats appellent les médecins concernés à refuser la procédure MSO – qui revient à reconnaître des prescriptions abusives d’arrêt de travail, indique le Dr Franck Devulder. "A ce stade", la Cnam indique ne pas avoir reçu de notifications de refus, "la campagne" venant "tout juste d’être lancée".  

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