Comment, à partir de l'observation des symptômes, les médecins du XVIIIe siècle trouvaient-ils la cause du mal et les traitements ? Des extraits de Consultations de médecins célèbres de l'Université de Montpellier, dont les volumes ont été publiés entre 1748 et 1751, nous en disent davantage sur les errements à cette époque. Cet article est rédigé par le Pr Jean-Claude Nouët, ancien PU-PH et vice-doyen de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
L'extrait :
«Vol.4, n°24-18 juin 1740. Le crachement de sang auquel Madame est sujette depuis cinq ou six ans doit être rapporté à la sécheresse & l’acrimonie de son sang, & en même temps à la ou des vésicules du poulmon, & au désordre général des parties composantes du sang, ainsi que des digestions fougueuses, qui augmentent les dispositions vicieuses de la masse du sang par le mélange continuel d’un chyle mal travaillé. Les redoublements fébriles qui arrivent sur le soir avec de médiocres sueurs, la diminution de l’embonpoint peuvent faire soupçonner quelque tubercule dans la poitrine. »
«Vol.5, n°17. Non daté. La difficulté de respirer, la toux fréquente, une petite fièvre continue qui augmente le soir, quelques sueurs vers le matin, la diminution d’embonpoint, tous ces symptomes ne nous permettent pas de douter de la présence de plusieurs tubercules au poumon. Le crachement d’humeurs purulentes et l’hémoptysie qui a précédé en sont des preuves certaines. La cause de cette maladie se rapporte à l’épaississement des humeurs qui engorge les vaisseaux jusqu’à les rompre. »
«Vol.8, n° 48-3 novembre 1733. Le crachement de sang auquel Mademoiselle est sujette par périodes depuis quatre années, dépend selon toute apparence des tubercules formés dans les vaisseaux lymphatiques du poulmon, qui gênant la circulation du sang, produisent la crevasse de quelques vaisseaux sanguins. Les tubercules, ou durillons lymphatiques sont l’effet de l’épaississement général de la lymphe et de la masse du sang, vice prouvé par la petite quantité des menstrues et les coliques digestives, tous symptomes qui supposent la trop grande consistance des sucs utérin, gastrique, et intestinal, leur âcreté et leur salure. »
*Extraits tirés de Consultations de médecins célèbres de l’université de Montpellier, en 10 volumes, 1748 à 1751, Paris.
Le décryptage : Sur le millier de ces consultations accordées à des praticiens par des médecins de l’université, une quarantaine concerne des crachements de sang, la toux, la fièvre, l’amaigrissement, déjà reconnus être évocateurs d’une phtisie......
Connaissant son issue, les praticiens cherchaient le soutien d’une confirmation diagnostique et de conseils de traitement. Mais l’université restait accrochée aux dogmes de la quantité, de la qualité et de l’équilibre des humeurs, chyle, lymphe et sang, l’ensemble étant géré par une digestion bien réglée. Dans toutes leurs réponses, les "savants" recommandent avec autorité et certitude les purgations, le petit-lait, les bouillons de verdure et de viande d’animaux divers, dont tortue, écrevisse ou cloporte. Parfois, ils avancent des concepts physiologiques farfelus, tel un équilibre entre le flux menstruel et l’hémoptysie, l’insuffisance de l’un entraînant la survenue de l’autre (vol. 3, n°77).
Et la contagiosité ? Une seule consultation l’évoque : "On voit depuis quelques mois la maladie devenir populaire et épidémique [et l’on pense à] une cause générale et répandue dans l’air qui agit en épaississant le sang et la lymphe bronchiale "(vol. 4, n°27-19 mars 1743). Rappelons qu’alors le scorbut (dit "peste de mer") était affirmé contagieux.Arriveront bientôt (enfin !) des progrès majeurs : découverte de la percussion thoracique (Auenbrugger, 1761) et celle du stéthoscope (Laennec, 1818). Pour autant, la vraie "guérison" de la tuberculose pulmonaire humaine attendra la streptomycine de Waksman en 1942.
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