Des chauves-souris ivres et des lézards accros à la pizza : le meilleur des Ig Nobel 2025
La 35e cérémonie des Ig Nobel a récompensé, jeudi 18 septembre, dix études scientifiques complètement loufoques mais loin d'être futiles. Au menu de cette édition : des chauves-souris pas tout à fait sobres, des lézards fous de pizzas aux quatre fromages, et du lait maternel à l'ail.
C'est à la faculté de communication de l'université de Boston que s'est déroulée, jeudi 18 septembre, la 35e cérémonie des Ig Nobel, l'événement scientifique le plus loufoque de la rentrée. L'an dernier, la remise des Ig Nobel avait renoué avec la scène – du MIT et non de son temple historique, le Sanders theater à Harvard – après avoir été contrainte par l'épidémie de Covid de se dérouler en visioconférence. C'est, cette fois, de l'autre côté de la rivière Charles, à Boston, que l'événement a eu lieu. Une fois n'est pas coutume, il s'est ouvert sous une pluie d'avions en papier fonçant droit sur la cible – humaine – plantée au milieu de l'estrade.
Dix catégories ont été mises à l'honneur au cours de cette 35e édition. Certaines incontournables, comme la littérature, la chimie ou la physique, et d'autres plus originales, comme l'aviation ou l'ingénierie. Toutes les recherches primées ont pour point commun de provoquer le rire, mais aussi de faire réfléchir, a rappelé l'iconique maître de cérémonie Marc Abrahams, rédacteur en chef des Annals of Improbable Research, qui organise l'événement, dans son traditionnel costume queue de pie.
Au risque de décevoir les adeptes de l'humour potache propre à la cérémonie des Ig Nobel, les lauréats n'ont pas eu le plaisir, cette année, de recevoir un billet de 10 000 milliards de dollars zimbabwéens. La faute à "l'inflation", a déploré Karen Hopkin, rédactrice scientifique indépendante et créatrice du calendrier "Studmuffins of Science". En compensation, les lauréats se sont vu offrir une… lingette, ainsi qu'un Ig Nobel prize représentant un estomac – cette 35e édition étant placée sous le thème de la digestion.
Le prix de littérature, qui a ouvert le bal, a été attribué au Dr William B. Bean (Etats-Unis) pour avoir mesuré durant 35 ans, de ses 32 ans à ses 67 ans, la vitesse de croissance de son ongle du pouce gauche. Un travail que le médecin et chercheur, décédé en 1989, a documenté durant cette longue période –pas moins de six articles ont été publiés sur le sujet entre 1953 et 1980 – et qui a permis de montrer un ralentissement avec l'âge.
Le prix de psychologie est revenu à Marcin Zajenkowski (Pologne) et Gilles Gignac (Australie) pour avoir analysé ce qu'il se passe lorsqu'on dit à des personnes narcissiques qu'elles sont intelligentes, et, plus globalement, pour avoir étudié la corrélation entre narcissisme et intelligence. Spoiler : "Dire aux gens qu'ils sont intelligents accroît leur narcissisme", a lancé Marcin Zajenkowski après un test grandeur nature sur l'auditoire. Et d'entonner : "Si tu es spécial et que tu le sais, tape dans tes mains. Si tu es spécial et que tu le sais, tape dans tes mains. Si tu es spécial et que tu le sais, et que tu veux le faire savoir, tape dans tes mains !"
"Les lézards se comportent comme des Italiens !"
La nutrition a également été mise à l'honneur au travers des travaux menés par une équipe internationale (Nigéria, Togo, Italie, France). Daniele Dendi, Gabriel H. Segniagbeto, Roger Meek, et Luca Luiselli ont étudié la stratégie opportuniste de recherche de nourriture des lézards arc-en-ciel (Agama agama) dans une station balnéaire du sud du Togo. Ils ont observé que, dans cette zone, les lézards ont délaissé les arthropodes au profit d'aliments "artificiels", tels que les pizzas, et ont développé une nette préférence pour… la quatre fromages. Le fait que tous les individus observés se soient nourris du même type de pizza suggère qu'ils pourraient être attirés par des signaux chimiques, avance l'étude.
"Nous nous sommes demandé : 'Qu'est-ce qui arrive quand un lézard découvre du fromage et les glucides ?' Maintenant nous savons et la réponse est : ils se comportent comme des Italiens", a rapporté la prix d'Economie (2019) Esther Duflo, lisant le discours rédigé par Luca Luiselli – l'équipe lauréate n'ayant pas pu faire le déplacement. "Ce travail montre que l'adaptation, comme la science, peut être étrange, surprenante et parfois… délicieuse." Pas certain que le gastro-entérologue mis en scène dans le mini-opéra qui a suivi, intitulé The Plight of the gastro-enterologist (la détresse du gastro-entérologue), soit d'accord avec ce postulat.
Puisque l'on parle de la gastronomie italienne, il faut noter que l'Ig Nobel de physique a été attribué à une équipe européenne (Italie, Espagne, Allemagne, Autriche), composée de Giacomo Bartolucci, Daniel Maria Busiello, Matteo Ciarchi, Alberto Corticelli, Ivan Di Terlizzi, Fabrizio Olmeda, Davide Revignas, et Vincenzo Maria Schimmenti, qui ont cherché à savoir comment réussir la sauce des pâtes Cacio e Pepe, un incontournable des trattorias. Ces derniers ont identifié la concentration en amidon comme le facteur clé de la stabilité de cette fameuse sauce. Moins de 1 % d'amidon (par rapport à la masse de fromage) entraîne la formation de grumeaux, et donc une sauce peu agréable en bouche. Si l'on dépasse 4 %, en revanche, la sauce devient compacte en refroidissant.
"Vous devez tous penser que ces travaux confirment tous les stéréotypes à propos des Italiens, comme le fait qu'on ne pense qu'à la nourriture. Mais… ce n'est pas vrai", a plaisanté l'un des auteurs, vêtu d'un tablier noir et d'une moustache à la Mario, sur la scène de la cérémonie des Ig Nobel. "Une [sauce] Cacio e Pepe parfaite se caractérise par son onctuosité, qui rend ce plat délicieux et emblématique. Mais obtenir une sauce parfaite est un défi. À haute température, les protéines du fromage forment des grumeaux et finissent par former un gros amas désagréable : on appelle ça la phase mozzarella. Je pense que nous avons découvert le seul cas où la mozzarella italienne est mauvaise !"
Le goût du lait maternel
Comme vous l'aurez remarqué, la 35e édition des Ig Nobel a été marquée par la pitance (et tout ce qui s'en suit). Le prix de pédiatrie a ainsi été attribué à Julie Mennella et Gary Beauchamp, deux Américains ayant étudié le comportement des nouveau-nés allaités par leur mère lorsque celle-ci ingère de l'ail. Ils ont montré que l'alimentation maternelle modifie sensiblement les qualités sensorielles du lait maternel. L'ingestion d'ail, par exemple, augmente l'intensité perçue de l'odeur du lait. Et les nouveau-nés semblent apprécier : dans l'étude, parue en 1991, ces derniers tétaient plus longtemps et buvaient davantage lorsque le lait maternel avait le "goût" d'ail.
Une équipe israélo-américaine, composée de Rotem Naftalovich, Daniel Naftalovich et Frank Greenway, a été récompensée pour avoir testé l'ajout de poudre de polytétrafluoroéthylène (Teflon) – oui oui vous avez bien lu – dans des aliments (en l'occurrence, des barres chocolatées) afin d'augmenter leur volume, et donc la satiété, sans pour autant augmenter l'apport calorique.
Parmi les autres études primées, nous pouvons également citer celle d'une équipe japonaise (Ig Nobel de biologie) qui a montré qu'en peignant les vaches avec des rayures zébrées, celles-ci sont moins piquées par les mouches ; ou encore celle de deux chercheurs indiens (prix de l'ingénierie) qui ont analysé l'impact des chaussures malodorantes sur le confort d'utilisation d'une armoire à chaussures du point de vue ergonomique.
Notons que l'Ig Nobel de la paix a été attribué à des chercheurs qui ont montré que la consommation d'alcool améliore parfois la capacité d'une personne à parler une langue étrangère. "Avant que quiconque ne se précipite pour déduire les cours de langue de ses factures de bar, soulignons que nous déconseillons l'alcool comme moyen d'apprendre une nouvelle langue. À forte dose, il altère gravement la mémoire, l'attention et le comportement : des compétences essentielles pour apprendre une langue…"
Dans la catégorie aviation, Francisco Sánchez, Mariana Melcón, Carmi Korine et Berry Pinshow ont été récompensés pour avoir montré que les roussettes d'Égypte qui consommaient les concentrations les plus élevées d'éthanol (présent dans des fruits fermentés par exemple) avaient des performances de vol altérée, et que la qualité de leur écholocation était également affectée. Preuve que l'alcool est dangereux pour la santé pour les chauves-souris aussi !
Retrouvez le palmarès complet ici.
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