Nage des truites mortes, respiration rectale… Le palmarès 2024 des études scientifiques les plus improbables
La 34e cérémonie des Ig Nobel a récompensé, ce jeudi 12 septembre, des chercheurs du monde entier pour leurs études complètement loufoques de prime abord, mais qui finalement nous poussent à réfléchir. Au menu de cette édition qui a repris sa forme originelle : implantation des cheveux, respiration via l’anus chez les mammifères, pigeons guideurs de missiles…
C’est avec une émotion particulière que s’est ouverte la 34e cérémonie des Ig Nobel, ce jeudi 12 septembre. Après avoir été contraint par l’épidémie de Covid de se tenir en visioconférence, l’événement scientifique le plus barré de la rentrée a renoué avec le présentiel. Pas dans son temple historique – le Sanders theatre – mais à deux pas de là, au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge. Ainsi, on a pu assister au grand retour du jet collectif d’avions en papier sur la scène et autres mini sketchs fantasques pour notre plus grand plaisir.
Pour l’occasion, Marc Abrahams, rédacteur en chef des Annals of Improbable Research, qui organise l’événement, a revêtu son traditionnel costume queue de pie et son chapeau haut de forme, bien connu de tous les adeptes des Ig Nobel. Après une courte introduction, le maître de cérémonie a invité les lauréats à entrer dans l’amphithéâtre bondé. Sans se prendre au sérieux, ces (véritables) chercheurs du monde entier ont fait leur apparition à la queue leu-leu, provoquant un fou-rire général. Preuve que recherche et science peut aussi rimer avec humour.
Cette 34e édition était placée sur le thème de la loi de Murphy, d’après laquelle "tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal". Dix prix dans autant de catégories (issues des sciences dures et molles) ont été décernés aux lauréats 2024 par d’anciens prix Nobel – dont la cérémonie doit se tenir en octobre – qui ont tenu à faire le déplacement, à l’instar de la Française Esther Duflo (Economie, 2019). Les chercheurs mis à l’honneur se sont vu remettre une boîte en plastique impossible à ouvrir et 10 000 milliards de dollars zimbabwéens. Une monnaie qui ne vaut plus rien à cause de l’hyperinflation.
Effets secondaires
Le prix de l’anatomie a été décerné à une équipe franco-chilienne qui a étudié l’implantation en spirale des cheveux. Celle-ci a cherché à savoir si les cheveux des habitants de l’hémisphère nord tourbillonnent dans le même sens que les cheveux des personnes habitant l’hémisphère sud. C’est la Dre Marjolaine Willems, généticienne au CHU de Montpellier, qui a eu l’idée de cette étude en observant les cheveux de sa propre fille, a-t-elle expliqué à l’auditoire. Un exposé interrompu par une fillette faisant partie du show et visiblement ennuyée.
Dans la catégorie médecine, l’Ig Nobel a été remis à Lieven A. Schenk, Tahmine Fadai et Christian Büche (Suisse, Allemagne, Belgique). Ces derniers ont mené une étude pour savoir si et comment les effets secondaires peuvent avoir un impact sur les résultats d’un traitement. Pour cela, ils ont réalisé un essai randomisé auquel ont participé 77 personnes en bonne santé, à qui on a fait croire qu’il leur serait administré du fentanyl par voie nasale. En réalité, les sprays nasaux contenaient soit de la capsaïcine, qui provoque une légère sensation de brûlure, ou une solution saline (inerte).
Après une première administration, les participants ont été répartis en deux groupes et ont subi une IRM fonctionnelle. Les patients du 1er groupe ont continué de croire que les sprays nasaux pouvaient contenir du fentanyl tandis que ceux de l'autre groupe ont été informés qu'aucun fentanyl n'était inclus dans la solution nasale. Les résultats ont révélé que les sprays nasaux induisant des effets secondaires légers ont entraîné moins de douleur que les placebos "inertes", peut-on lire dans l’étude publiée dans la revue scientifique britannique Brain. Les analyses des images d'IRM fonctionnelle ont montré une implication du système modulateur descendant de la douleur pour les patients à qui on a administré un spray nasal induisant des effets secondaires.
Ces effets secondaires légers peuvent "servir de signal pour un traitement efficace, influençant ainsi les attentes et les résultats du traitement", via le système de modulation descendant de la douleur. Cette découverte pourrait "fournir un moyen efficace d’optimiser les résultats [d’un] traitement", soulignent les auteurs.
Anus respirus
En physique, l’Américain James C. Liao a été récompensé pour avoir démontré et expliqué les capacités de nage d'une truite morte. Le prix de physiologie a été remis à une équipe américano-japonaise pour avoir découvert que de nombreux mammifères sont capables de respirer par leur anus - le cochon, le rat ou encore la loche, petit poisson de rivière – ce qui leur permet de survivre en cas d’insuffisance pulmonaire. Des travaux qui pourraient être utiles un jour aux patients humains, qui sait ?
Pile ou face ? Dans la catégorie probabilité, une étude européenne a été mise à l’honneur. Elle montre que quand une personne joue à pile ou face, sa pièce a un petit peu plus de chance de retomber du côté où elle a été lancée. Sur 350 757 tirages à pile ou face étudiés, la pièce retombait du côté où elle avait été lancée dans 51% des cas.
L’Ig Nobel de chimie a ensuite été décerné à une équipe franco-néerlandaise qui est parvenue à séparer des vers de terre sobres et ivres grâce à la chromatographie. Une étude a priori complètement loufoque mais pas tant quand on entre dans le détail (voir ici). En biologie, c’est une étude qui s’est intéressée au mécanisme d'éjection du lait chez la vache laitière lorsque cette dernière est apeurée qui a été primée. Pour mener à bien cette étude, datant de 1941, les chercheurs ont placé un chat sur le dos d’une vache et explosé un sac en papier près de la tête de chat pour le faire sursauter…
Des pigeons guideurs de missiles ?
L’Ig Nobel de la Paix est allé à un psychologue et penseur du comportementalisme américain, Burrhus Frederic Skinner, décédé en 1990, pour avoir mis au point en 1930 un projet expérimental visant à créer des missiles guidés par des pigeons. C’est sa fille qui est venue sur scène récupérer le trophée. "Au nom de mon père, je voudrais vous remercier de lui avoir enfin attribué ce Ig Nobel pour sa plus importante contribution", a-t-elle déclaré au pupitre, se prêtant magnifiquement au jeu du second degré, de mise durant cette cérémonie.
Le prix de botanique – une nouveauté – a été remis à Jacob White and Felipe Yamashita, pour avoir prouvé que certaines vraies plantes (la Boquila trifoliolata) imitent l’aspect des plantes artificielles en plastique, en l’occurrence des fausses feuilles de vigne, lorsqu’elles sont placées à proximité. Les chercheurs n’ont toutefois pas su montrer comment ces plantes ont développé ces capacités de mimétisme… mais ont soulevé la question qui, bien qu’absurde à première lecture, paraît tout à fait fascinante lorsque l’on s’y penche de plus près.
Enfin, le prix de la démographie a été attribué à des chercheurs anglais et australien. Ces derniers ont mené une enquête et montré que bon nombre des personnes célèbres pour avoir vécu longtemps vivaient dans des endroits où la tenue des registres des naissances et des décès était en fait médiocre…
Retrouvez tous les lauréats et leurs études ici. Ainsi que notre article sur l’édition précédente.
La sélection de la rédaction
Remboursement des consultations : la baisse de la part de l'Assurance maladie vous inquiète-t-elle ?
Michel Rivoal
Oui
Bien sûr cela m’inquiète. C’est juste un problème de modèle social vieux de presque 80 ans et issu du Conseil National de la Résis... Lire plus