Dépassements d'honoraires : les députés rejettent la surcotisation
Dans l'hémicycle, ce dimanche, les députés ont supprimé l'article 26 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 qui prévoyait d'assujettir les dépassements d'honoraires à une surcotisation.
Plusieurs amendements de suppression de l'article 26 du budget de la Sécurité sociale ont été adoptés, hier, à l'Assemblée nationale. Cet article, décrié par les syndicats de médecins spécialistes, prévoyait d'assujettir les dépassements d'honoraires et les revenus tirés d'une activité non conventionnée à une "surcotisation". L'affiliation au régime d'assurance maternité – décès devait devenir obligatoire, et l'actuelle contribution, dont le taux est égal à 3,25 %, devait être remplacée par une cotisation dont le montant devait être fixé par décret. Le Gouvernement espérait, par cette mesure, "désinciter" les médecins à la pratique des dépassements d'honoraires, qui ont progressé de 5 % par an depuis 2019, pour atteindre plus de 4 milliards d'euros l'an dernier.
La mesure avait été validée en commission des Affaires sociales avant que celle-ci ne rejette finalement le budget de la Sécurité sociale. Et ce, malgré l'avis défavorable de son rapporteur général Thibault Bazin (LR). Dans l'hémicycle, le député a réaffirmé son opposition à ce dispositif : "L'objectif affiché est juste, mais les moyens sont inadaptés, le dispositif étant indiscriminé", a-t-il déclaré. "Vous ciblez […] indistinctement l'ensemble des médecins du secteur 2, quelle que soit l'ampleur des dépassements, qu'ils soient ou non adhérents à l'Optam, qu'ils participent ou non à la permanence des soins, et quelle que soit leur spécialité, alors que certaines sont mal rémunérées faute de réévaluation de la part de la Sécurité sociale", a-t-il lancé à la ministre de la Santé, présente dans l'hémicycle.
"Par ailleurs, l'activité non conventionnée des médecins en secteur 2 sera taxée, mais les médecins entièrement déconventionnés, eux, ne seront pas inquiétés, puisqu'ils se situent en dehors du champ de l'article 26", a pointé le député de la Droite républicaine dans son amendement de suppression, qui a donc été adopté. "La rédaction actuelle risque de pénaliser ceux qui sont conventionnés" et qui "jouent le jeu de la modération tarifaire", a mis en garde l'élu. Ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'accès aux soins. "Je crains que cela ne décourage les médecins d'adhérer à l'Optam" voire, "dans le pire des cas", que ça "ne les incite à se déconventionner".
Éric Ciotti a, lui aussi, dit redouter une fermeture des cabinets : "20 % des spécialistes manquent déjà dans nos campagnes, cette surcotisation va les pousser à fermer leur cabinet secondaire, à se replier sur Paris ou à fuir vers la médecine esthétique." Ce dispositif entrainerait, par ailleurs, "une augmentation des dépassements d'honoraires" alors même que l'exécutif veut les réduire. Le député UDR a dit refuser "cette logique confiscatoire" qui "condamne des millions de Français à une médecine au rabais".
"Si l'on fait ça, les médecins vont augmenter leurs dépassements et les mutuelles vont, à la sortie, augmenter les tarifs de leurs contrats et, à la fin, c'est les usagers qui vont être pénalisés", a également prédit Jean-François Rousset (Ensemble pour la République), auteur d'un récent rapport parlementaire sur le sujet qui a fait couler beaucoup d'encre. Une surcotisation "retomberait nécessairement sur les patients", s'est accordé Yannick Monnet (Gauche Démocrate et Républicaine), coauteur de ce document.
Jérôme Guedj, en revanche, a défendu cet article, "qui vient pointer un des maux qui frappent notre système de Sécurité sociale". "On pourrait ne pas en parler si le principe fondateur des dépassements d'honoraires qui était celui de les appliquer avec tact et mesure continuait à être respecté par ceux qui en ont la responsabilité. Mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Dans certaines spécialités, les dépassements d'honoraires représentent un tiers des revenus des praticiens", a-t-il déclaré. "Ces médecins ne sont pas des rentiers, ce sont des praticiens écrasés par des charges explosives et vous voulez les asphyxier davantage", a, au contraire, jugé Éric Ciotti.
"Pour de nombreux praticiens, ces compléments d'honoraires constituent un élément essentiel de l'équilibre économique de leur activité", a également soutenu Josiane Corneloup, auteure d'un amendement de suppression de l'article 26, dénonçant une "approche punitive qui aggravera la pénurie". "Certains tarifs n'ont pas été augmentés depuis 1999 : qui accepterait qu'un salarié, qu'un agent de la fonction publique, qu'un retraité, n'ait pas vu sa rémunération, sa retraite, son salaire, augmenter depuis 1999 ?", a interrogé Romain Daubié (Les Démocrates), lui aussi auteur d'un amendement de suppression, affirmant ne pas être "là pour défendre les médecins mais plutôt les patients". "Ces compléments sont indispensables pour financier la technologie […], les primes d'assurance qui ne cessent d'augmenter et payer décemment les aides opératoires."
Le "gros problème, c'est la nomenclature", a rappelé le député Cyrille Isaac-Sibille (Les Démocrates), médecin de profession. "Sans revoir cette nomenclature qui date de 2005, la mesure ne fonctionnera pas", a également estimé Paul-André Colombani (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), également médecin et auteur d'un amendement de suppression, appelant à s'appuyer plutôt sur les recommandations du rapport Rousset-Monnet.
Haro sur l'indépendance des médecins
Certains députés ont pointé une forme de coercition déguisée. "Cette mesure traduit une forme de coercition économique à l'encontre de ceux qui ont choisi l'exercice libre", a dénoncé Thierry Frappé, du Rassemblement national. "En conditionnant le niveau de cotisation à l'adhésion au cadre fixé par l'Assurance maladie, le Gouvernement franchit une dangereuse : celle d'un conventionnement contraint, où l'indépendance professionnelle devient une variable d'ajustement budgétaire […] Nous refusons cette approche punitive qui confond incitation et sanction", a déclaré l'élu, appelant à "soutenir les professionnels de santé" en "leur donnant les moyens d'exercer librement dans des conditions dignes".
"Le secteur 2 n'est pas un privilège, c'est le dernier pilier de la liberté médicale […] Détruire cette liberté, c'est détruire le système de santé", a insisté Éric Ciotti.
S'exprimant après les députés, la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a assuré que "[son] intention n'est pas de pénaliser le secteur 2", mais a toutefois rappelé l'existence de "dérives chez certains professionnels" ayant poussé l'exécutif à proposer cette mesure. Rhumatologue de profession, la ministre a dit souhaiter que l'ensemble des acteurs – médecins, associations de patients, organismes complémentaires, Assurance maladie, ministère – se réunissent pour "remettre à plat l'ensemble du système. "Je propose que ces discussions soient ouvertes dans les prochaines semaines sous la responsabilité de la Caisse d'Assurance maladie."
Alors que le Haut Conseil à la nomenclature travaille sur la nouvelle nomenclature des actes techniques, Stéphanie Rist a émis le vœu de "modifier ce système pour que ça ne prenne pas autant d'années pour revoir la nomenclature des actes". "Il faudra s'accorder sur les conditions d'accès au secteur 2, définir un nouveau contrat de maîtrise des honoraires, repenser l'engagement des organismes complémentaires", a expliqué la ministre. "Je ne souhaite pas passer en force sur ce sujet, mais il y a un sujet, mettons donc autour de la table pour avancer."
Dans l'attente de ces discussions, la ministre s'est montrée défavorable à une suppression pure et simple de l'article 26, et dit souhaiter "qu'il puisse évoluer dans le cadre de la navette". Les amendements supprimant l'article du projet de budget ont toutefois été adoptés avec les voix des députés Renaissance, Horizons, LR, RN et leurs alliés ciottistes, ainsi que les communistes et indépendants Liot. Le PS, LFI et les Ecologistes ont voté contre. Les députés MoDem se sont eux divisés, indique l'AFP. L'examen du PLFSS doit s'achever mercredi à l'Assemblée. Le texte sera ensuite transmis au Sénat.
La sélection de la rédaction
Etes-vous prêt à stocker des vaccins au cabinet?
Fabien BRAY
Non
Je tiens à rappeler aux collègues que logiquement tout produit de santé destiné au public stocké dans un frigo, implique une traça... Lire plus