Un plafonnement et des sanctions en cas de pratique excessive : ce que préconise le rapport parlementaire sur les dépassements d'honoraires
Dans un rapport rendu jeudi 23 octobre au Premier ministre, les députés Jean-François Rousset et Yannick Monnet formulent 10 propositions pour "sortir" des dépassements d'honoraires. Parmi elles : plafonner ces dépassements, rendre obligatoire l'Optam pour toute nouvelle inscription en secteur 2, ou encore instaurer des sanctions pour les médecins qui factureraient des compléments excessifs.
Missionnés par François Bayrou au printemps dernier, les députés Jean-François Rousset (Ensemble pour la République) et Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) ont rendu ce jeudi 23 octobre leur rapport sur les dépassements d'honoraires. Un document qui promet de faire l'effet d'une bombe, alors que s'apprête à démarrer l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Ce budget prévoit déjà d'assujettir les dépassements d'honoraires à une "sur-cotisation".
L'ancien Premier ministre leur avait confié la tâche de formuler des recommandations pour "repositionner" la pratique des dépassements d'honoraires "dans le cadre actuel de notre système de santé". C'est chose faite. En préambule de ce document de 92 pages, qu'Egora a pu se procurer, les deux parlementaires listent leurs 10 recommandations pour "sortir" de cette pratique.
Si ces dépassements ont permis "d'alléger les dépenses de l'Assurance maladie tout en revalorisant la rémunération des médecins", leur "généralisation progressive" a engendré "des effets délétères sur l'accès aux soins", soulignent les députés de l'Aveyron et de l'Allier. Pour une "partie de la population", ces dépassements sont devenus "difficilement supportables". Ils agissent "comme un frein voire un facteur de renoncement aux soins, en accentuant les inégalités sociales et territoriales".
Ils creusent, en outre, "les écarts de revenus entre les spécialités et entre praticiens d'une même spécialité", observent les auteurs du rapport.
Un constat également fait par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), dans un rapport publié au début du mois. "La progression du secteur 2 est arrivée à un point où la généralisation des dépassements et leur niveau génèrent des effets systémiques et [des] déséquilibres sur le système de santé qui deviennent majeurs, jusqu'à remettre en cause les principes fondamentaux qui le sous-tendent", écrivait l'instance, appelant les pouvoirs publics à agir "avec urgence".
En 2024, les dépassements d'honoraires des médecins spécialistes ont atteint 4,3 milliards d'euros, en hausse de 5% par an depuis 2019. Une dynamique qui devrait se poursuivre à l'avenir compte tenu de l'attrait des nouveaux installés pour le secteur 2, selon le HCAAM. Aujourd'hui, plus des trois quarts des jeunes spécialistes choisissent en effet le secteur 2 à leur installation. "À ce rythme, nous pouvons craindre la disparition à terme du secteur 1, et la réduction très forte de l'offre de soins à tarif opposable", s'alarment Jean-François Rousset et Yannick Monnet, dans leur rapport.
Un plafonnement de ces dépassements
Les députés jugent, de fait, "urgent d'enrayer cette dégradation". Ils s'opposent toutefois à "la suppression pure et simple des dépassements d’honoraires". "Cette décision se traduirait par une dégradation forte de la rémunération des médecins", soulignent les députés, qui mettent en garde contre une "fuite vers le secteur 3". Les auteurs conseillent d'ailleurs de ne plus rembourser les prescriptions des médecins déconventionnés.
"En outre, cela reviendrait à supprimer le principe de liberté tarifaire, principe auquel sont attachés les médecins libéraux et sur lequel il apparaît difficile de revenir", reconnaissent les auteurs. "Après avoir examiné plusieurs scénarios, […] nous privilégions in fine une approche pragmatique et centrée sur les difficultés rencontrées par les Français", expliquent-ils, dont l'objectif est clair : réduire ces dépassements d'honoraires. Comment ? En les plafonnant "fermement", avancent Jean-François Rousset et Yannick Monnet.
Les deux députés appellent également à réduire, voire supprimer, les dépassements "sur les actes importants pour la santé des Français". Ils préconisent de conclure des accords avec les quatre spécialités (chirurgie, anesthésie, ophtalmologie et radiologie) qui représentent "plus des deux tiers" des dépassements d'honoraires "afin de [les] supprimer" pour les actes "les plus importants", "notamment dans la prise en charge des cancers".
Réformer l'Optam
Jean-François Rousset et Yannick Monnet plaident, par ailleurs, pour l'application de sanctions en cas de dépassements excessifs. Car les procédures existantes ne sont, pour l'heure, "pas effectives". "La complexité de la procédure portée par la Cnam, l'irrégularité de l'action de cette dernière, la faiblesse juridique du principe de tact et mesure comme l'absence de plainte déposée auprès de l'Ordre à l'encontre des médecins dont les pratiques seraient excessives, privent les autorités d'un levier de régulation pourtant essentiel", notent les auteurs du rapport. Ces derniers proposent de mettre en place une campagne annuelle visant à contrôler chaque médecin exerçant en secteur 2.
Ces députés recommandent également de rendre obligatoire l'Optam "pour toute nouvelle inscription en secteur 2". Ce dispositif doit toutefois être réformé "pour le rendre plus efficace". Les auteurs du rapport préconisent la mise en place d'un "parcours" pour les jeunes médecins "qui devront, les cinq premières années, réaliser a minima 50% de leur activité à tarif opposable, et souscrire un engagement plus fort de modération des dépassements d'honoraires". "L'Optam doit devenir un engagement pris par contrat, renouvelable tous les cinq ans sur décision du directeur général de l'ARS", estiment les auteurs.
Le non-renouvellement se traduit par une "inscription immédiate" en secteur 1. "Un professionnel de santé non renouvelé peut de nouveau demander le bénéfice du secteur 2 Optam dans un délai à fixer", suggère le rapport. Outre la suppression du partage de gains, les auteurs préconisent également d'intégrer, dans le calcul de la prime, le taux de dépassements d'honoraires.
"Nous considérons que l'avantage accordé d'exercer dans le secteur 2, d'y pratiquer des dépassements d'honoraires, doit être assorti de contreparties plus exigeantes pour répondre aux besoins de la population", poursuivent les députés. Parmi lesquelles : participer à une démarche qualité, réaliser des consultations avancées, ou encore participer à la permanence des soins "en cohérence avec leur spécialité". "Tous les professionnels doivent y participer", insistent les auteurs.
En outre, le rapport appelle à finaliser la révision de la CCAM, "puis la traduire dans la négociation conventionnelle". "En cas d’échec de la négociation dans un délai de 6 mois", les auteurs appellent à "fixer les tarifs par la voie réglementaire". Ils préconisent également de simplifier la procédure d'adaptation de la CCAM "pour inscrire un nouvel acte, supprimer un acte devenu caduque, ou réviser le tarif d'un acte ou d'un groupe d'actes dès lors que les conditions de production auraient changé" et de "prévoir un avenant annuel à la convention pour faire traduire ces évolutions dans les tarifs".
Enfin, les auteurs recommandent le relèvement des seuils de l'accès à la C2S.
Autre préconisation : imposer aux complémentaires santé de proposer deux options à leurs assurés, une sans prise en charge des dépassements d’honoraires, l'autre permettant à l'inverse de les prendre en charge complètement.
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