
Cumul emploi-retraite, intérim paramédical… Les pistes de la Cour des comptes pour renflouer la Sécurité sociale
La trajectoire des comptes sociaux est "hors de contrôle", alerte la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale. Si rien n'est fait, la dette sociale pourrait atteindre les 182 milliards d'euros en 2028 et engendré une crise de liquidité dès 2027.

"Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024", a déploré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. "La dette fragilise le modèle social, il faut arrêter de prendre ces sujets comme si c'étaient des questions annexes", a-t-il lancé devant la presse, ce lundi 26 mai. Alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 22.1 milliards d'euros en 2025 et 24.1 milliards en 2028, la Cour pointe dans son rapport une "trajectoire des comptes sociaux hors de contrôle".
Elle alerte en particulier sur la "croissance continue de l'endettement". Depuis 2024, en effet, la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale), qui a la possibilité d'emprunter à moyen et long terme dans des conditions plus favorables, est arrivée au maximum de la dette qu'elle peut prendre en charge. Les déséquilibres actuels entre recettes et dépenses doivent être comblés par l'Acoss, l'agence de trésorerie de la Sécurité sociale, qui ne peut qu'emprunter à court terme.
"En l'absence de réformes, cette dette augmentera rapidement et pourrait atteindre près de 115 milliards d'euros en 2028", prédisent les Sages. "La progression de cet endettement conduit à un risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité : la taille du marché des capitaux à court terme sur lequel l'Acoss se finance pourrait ne pas être suffisante pour absorber un volume d'emprunt aussi important. Ce risque pourrait se matérialiser dès 2027."
Pour la Cour, des réformes s'imposent pour redresser durablement les finances. Elle estime ainsi que 3 à 5 milliards d'euros pourraient être économisés sur les allègements de cotisations patronales.
Alors que "la branche maladie porte à elle seule 90%" du déficit de la Sécu, la Cour appelle à réguler davantage le recours à l'intérim paramédical. "Cette modalité de remplacement, normalement exceptionnelle, tend à se développer rapidement, ce qui est coûteux, soulève des difficultés de gestion des ressources humaines et peut dégrader la qualité des soins", pointe-t-elle. Ainsi, 60 000 professionnels (dont 45% d'infirmières et 45% d'aides-soignantes) ont effectué au moins une mission en 2023.
Plafonner les rémunérations de l'intérim paramédical
Or, le coût horaire -qui intègre la marge de l'entreprise de travail et la TVA- dépasse de 50 à 130% celui du personnel de l'établissement. Les dépenses totales d'intérim paramédical ont été multipliées par plus de trois dans les hôpitaux publics entre 2019 et 2023, pour atteindre 472 millions d'euros. Pour limiter les dérives, l'exercice de l'intérim a été récemment interdit aux jeunes diplômés de moins de deux ans mais des "stratégies de contournement ont été observées", notamment via les contrats de vacataires, dont le régime juridique doit être clarifié "sans délai" selon la Cour. La juridiction financière recommande, par ailleurs, de plafonner les rémunérations des intérimaires paramédicaux et de contrôler les situations de cumul d'emplois.
Le rapport s'intéresse également au cumul emploi-retraite, qui concernait plus de 700 000 personnes en 2020 (hors militaires et régimes spéciaux). Le dispositif est massivement utilisé par les médecins libéraux, qui étaient 13 000 en 2023 à exercer en cumul. Mais pour les Sages, du fait de réformes successives, il manque de cohérence. "Permettre à des retraités modestes de compléter leur pension grâce à une activité rémunérée ou à des retraités âgés à travailler s’ils le souhaitent présente un intérêt social", mais "celui-ci apparaît moins évident pour les personnes les mieux insérées dans la vie active, d’autres dispositifs leur permettant de prolonger leur activité sans liquider leur pension" (telles la retraite progressive et la surcote).
Renforcer les contrôles pour certaines retraites
Les personnes liquidant leur pension avant l’âge d’ouverture des droits dans le cadre des régimes de droit commun (62 ans en 2023, 64 ans en 2030) pourraient voir leur pension écrêtée à hauteur de leurs revenus d’activité, suggère ainsi la Cour des comptes. Au-delà, seule la fraction des revenus d’activité supérieure à un certain montant, qui pourrait être compris entre 7 000 et 10 000 € par an, donnerait lieu à un écrêtement de la pension à hauteur de 50%. Aucun écrêtement ne serait appliqué pour les personnes qui continueraient de travailler au-delà de 67 ans ou, avant cet âge, pour des métiers jugés en tension. Cette "remise en ordre" pourrait permettre d'économiser 500 millions d'euros par an.
Le rapport recommande, par ailleurs, d'intensifier le contrôle des retraites versées aux personnes vivant à l’étranger, qui présentent des risques spécifiques de fraude, notamment la non-déclaration du décès du pensionné. Le coût annuel de la fraude atteindrait 40 et 80 millions d'euros pour l'Algérie et 12 millions pour le Maroc, chiffre la Cour.
Enfin, les Sages jugent encore insuffisants les efforts faits pour la détection et le recouvrement des indus, toutes caisses confondues. Un meilleur recouvrement des franchises et participations rapporterait ainsi entre 500 millions et 1 milliard d'euros à la branche maladie.
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