Santé mentale

Adressage par les généralistes, rémunération des psychologues… Ce que préconise le rapport sur la santé mentale

À la veille de la Journée mondiale de la santé mentale, le Haut-commissaire au Plan, François Bayrou, a présenté à la ministre de la Santé ses préconisations pour aider le secteur, à bout de souffle, à se redresser et à répondre aux défis de demain. Meilleure formation des généralistes, dispositif Mon soutien psy, prévention… Egora fait le point sur ce que contient ce rapport. 

10/10/2024 Par Louise Claereboudt
Santé mentale

Les chiffres témoignent de l’urgence de la situation  : en France, 1 personne sur 3 souffre d’un trouble psychique à un moment de sa vie ; 2 millions de personnes sont prises en charge chaque année en psychiatrie , et 25% de la population consomme des anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères et autres psychotropes… Des tendances qui se sont accentuées depuis l’épidémie de Covid-19, qui a eu un impact dévastateur sur la santé mentale des Français. Ainsi, avant la crise sanitaire, 13,5% des Français présentaient des états anxieux. En novembre 2021, ils étaient 23%.

Les adolescents et jeunes adultes semblent particulièrement touchés par cette dégradation du bien-être psychique : un jeune de 10 à 19 ans sur sept souffre d’un trouble psychique. Le suicide est la 4e cause de mortalité chez les 15-19 ans. Aujourd’hui, "on estime que 3% des enfants de 3 à 17 ans sont touchés" par la dépression, qui est le trouble psychiatrique le plus fréquent en France, ajoute le Haut-commissariat au Plan (HCP) dans une analyse stratégique consacrée à la prise en charge des troubles psychiques et psychologiques, qui a été présentée ce mercredi 9 octobre à la ministre de la Santé. "Cette prévalence augmente de 10% à 15% chez l’adolescent."

Des coûts considérables 

D’autres populations sont également concernées. Ainsi, le suicide est la première cause de décès maternels entre la conception et un an après l’accouchement. "Les personnes âgées constituent elles aussi un public aux réalités complexes et aux fragilités souvent négligées", pointe le rapport. Environ "14%" des 60 ans et plus vivent avec un trouble psychique, selon l’Organisation mondiale de la santé, qui estime que d’ici 2030, une personne sur six dans le monde fera partie de cette tranche d’âge. Il conviendra de répondre à leurs besoins.   

Cette dégradation de la santé mentale des Français se traduit par "des coûts considérables" pour la collectivité, souligne le Haut-commissariat. Avec un coût "global" de "plus de 25 milliards d’euros" en 2021, les "maladies psychiatriques" et "l’ensemble des traitements psychotropes" constituent le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie, devant les cancers (22,6 milliards d’euros) et les maladies cardiovasculaires (19,4 milliards d’euros). Le coût moyen de prise en charge des maladies psychiatriques s’élève à plus de 6300 euros par personne. Et les coûts "ne cessent d’augmenter" depuis la crise sanitaire.

Si le secteur public de la santé mentale a considérablement évolué et innové depuis la mise en place des asiles au début du 19e siècle, force est de constater qu’il est aujourd’hui "à bout de souffle", observe le Haut-commissariat au Plan. Et ce, notamment, à cause du "déficit" de soignants qui sont mal répartis sur le territoire (le nombre de psychiatres par habitant varie en France de 1 à 40), et du "manque de coordination entre les multiples acteurs de la santé mentale", qui "empêchent trop souvent l’entrée des personnes atteintes de troubles psychiques dans un parcours de soins". La situation devrait devenir plus compliquée encore "en raison du manque d’attractivité de la profession et de la baisse du temps médical". 

Pour répondre aux défis de demain, un "plan d’action ambitieux" doit être mis en œuvre, plaide le HPC. Le but : permettre une "entrée plus précoce" dans les parcours de soins des patients. Ce plan repose sur quatre axes : la prévention, la formation des acteurs, l’intervention précoce, et la reconstruction du parcours de soin. Le Haut-commissariat, qui a salué la décision de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, appelle dans un premier temps à mener des campagnes étendues de sensibilisation pour "éduquer les citoyens sur la variété des troubles et des pathologies" en ciblant les lieux dédiés à la famille et à l’enfance.

Il souhaite aussi que soient intégrés des modules de sensibilisation à la santé mentale dans les programmes scolaires. Mais aussi déployer des outils de repérage des fragilités. 

Un pan important de ce rapport repose sur la formation des soignants. Il apparaît nécessaire, pour le HCP, de "former l’ensemble des médecins au paradigme du rétablissement" et au "système médico-social", et d’"offrir un tronc commun plus ambitieux de psychiatrie pour tous les étudiants en médecine". Les modalités de cette formation doivent être débattues. En outre, le Haut-commissariat soutient le renforcement de la formation des généralistes sur les questions ayant trait à la santé mentale. "Cela pourrait s’inscrire dans la nouvelle 4e année de spécialité", peut-on lire.  

"Parcours du combattant"

Plusieurs chiffres dévoilés dans ce rapport témoignent en effet d’un déficit de la prise en charge en médecine générale. Ainsi, seul 1 médecin généraliste sur 3 connaît les guides de bonnes pratiques cliniques pour la prise en charge de la dépression. Et deux épisodes dépressifs sur dix seulement sont correctement traités. Pourtant, les MG traitent aujourd’hui "plus de 60% des premières consultations liées à la santé mentale". Huit généralistes sur dix prennent en charge des troubles dépressifs chaque semaine. 

"Avec une consultation d’une durée moyenne de 16 minutes, une formation dédiée aux troubles psychiques quasi-inexistante et une absence de liens directs avec les psychiatres, l’intégration des médecins généralistes au sein de la chaîne de soins est encore insuffisante, déplore le HCP. Pour autant, le généraliste jouit d’un capital de confiance important auprès de ses patients qui auront tendance à préférer que ce soit lui qui prenne en charge leurs troubles psychiques, ce qui peut s’avérer à la fois moins stigmatisant et beaucoup plus rapide que de se diriger vers un spécialiste."

Le rapport déplore également "l’image imprécise" que les généralistes ont de la psychiatrie, ce qui "ne simplifie pas l’adressage des patients". Le parcours des patients s’apparente bien souvent à "un parcours du combattant". "L’effet collatéral de cette prise en charge, compte tenu notamment de l’insuffisante connaissance des outils courants de diagnostic et du défaut d’adressage à un spécialiste, est la prescription de psychotropes comme seul traitement, avec 40% de délivrances uniques et un traitement d’une durée inférieure à six mois pour près de 80% des patients, ce qui tend à montrer que la réponse n’était pas adaptée", estime le HPC. 

L'accent sur "l'intervention précoce"

Le Haut-commissariat préconise donc de mettre à disposition des généralistes des outils de communication régulière avec des psychiatres et des psychologues comme "un numéro de téléphone dédié au contact direct du généraliste avec un psychiatre référent". Les consultations menées par les MG en vue de prodiguer des soins psychiques de premier recours pourraient également être intégrées aux consultations complexes, et bénéficier ainsi d’un tarif plus incitatif. Les psychiatres, eux, devraient être formés "au rôle de coordination qui les attend".

Les parcours doivent, en outre, être bâtis selon une échelle distinguant de manière individualisée les troubles légers, modérés et sévères, afin de limiter l’engorgement des Centres médico-psychologiques (CMP), "qui jouent trop souvent une fonction de tri et d’accueil de première instance". 

Le Haut-commissariat appelle par ailleurs à mettre l’accent "sur l’intervention précoce", en consolidant par exemple la détection périnatale par la formation des sages-femmes et gynécologues dans le cadre des 1000 premiers jours. Il s’agira aussi de s’assurer que les trois consultations obligatoires à 3, 6 et 12 ans aient bien lieu. Le repérage des troubles psychiques pourrait être intégré aux visites à 3 et 6 ans. Une 4e visite médicale et de dépistage pourrait être créée à destination des élèves de CE2. 

Le rapport propose par ailleurs d’étudier l’opportunité de revaloriser la consultation remboursée par l’Assurance maladie dans le cadre du dispositif Mon Soutien psy, auquel, à ce jour, "peu" de psychologues adhèrent "compte tenu des conditions de tarification jugées trop désavantageuses pour eux et d’un suivi trop court pour le patient qui en bénéficie". Tel qu’il existe actuellement, le dispositif prévoit 8 séances rémunérées 40 euros pour la première, 30 euros pour les suivantes. Le Haut-commissariat au Plan suggère également que les psychologues soient reconnus comme professionnels de santé. 

Parmi les autres propositions : celle de mettre en place des guichets uniques dédiés à la santé mentale, développer des services dédiés à la prise en charge des ados et jeunes adultes... 

"Mes priorités sont en accord avec celles détaillées dans le rapport présenté aujourd’hui, a déclaré la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, lors d’une conférence de presse mercredi 9 octobre. La prévention bien sûr, qu’il faut sans cesse renforcer pour renforcer la sensibilisation du grand-public et lever définitivement les tabous. La formation de tous les acteurs et professionnels, à tous les niveaux, car ils ont tous leur rôle à jouer. L’accentuation du repérage précoce, dès le plus jeune âge, pour éviter l’aggravation des troubles. La nécessité, enfin, de continuer à repenser le parcours de soins pour établir une prise en charge graduée des troubles de santé mentale."

"Les avancées sont déjà nombreuses mais nous devons collectivement faire de la santé mentale une préoccupation incontournable pour tous", a-t-elle appelé, soulignant que le sujet de la santé mentale "resté un tabou pendant beaucoup trop longtemps" ne pouvait "plus l’être aujourd’hui".  

Les psychologues devraient-ils être reconnus en tant que professionnels de santé?

François Pl

François Pl

Oui

MAIS il serait urgent d'interdire les activités de tous ceux qui proposent des "psychothérapies" ou des synonymes (pour être en or... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Jean-Stéphane HOUOT
503 points
Débatteur Passionné
Psychiatrie
il y a 1 an
Coucou, je suis psy de campagne (et pas de grands boulevards urbains ; je suis en secteur I)  Voyons, voyons, "l'image imprécise de la psychiatrie " : ''on" adresse chez le psychiatre quand "c'est dans la tête" ! tout comme si vous avez du poids "c'est dans votre tête" mais Ozempic est quand même passé par là... Il existe des demandes lunaires j'en ai une à deux par semaine ou quinzaine (traiter - guérir " me somme-t-on !!- illico un pédophile (jamais pratiqué cela) sinon il retourne en prison ou vérifier l'aptitude à la détention d'armes.... (Je n’ai jamais étudié les critères de dangerosité et la grille de décision à ce titre : existe-elle même ?) et sans dossier judiciaire ou administratif préalable qui objective le discours du sujet demandeur. Je suis objet de contrôle social a moi seul dans mon cabinet à 4 murs et derrière l'air pur ... On demande aussi (moins souvent qu'avant) de la psychanalyse, hum, hum, c'est vrai…C’est merveilleux de soigner en 27 ans de divan hebdomadaire Depardieu et voir le carnage actuel ; cf "En thérapie" sur Arte et puis aussi le matraquage de Goldmann (la fille, pas le père) sur France-Inter pendant l'été 2023 grâce à la psychanalyse (réussie ?) de sa DG. la Justice ou la fonction Publique me demandent régulièrement d'être expert...--> je ris (jaune) car je serais alors compétent "parce que psychiatre" pour comprendre les impulsions délictuelles ou criminelles d'autrui ou les congés longue durée de la FP, je préfère être mauvais avocat que bon procureur. On me demande de remplacer le CMP quand celui-ci ne répond plus ... "On" me demande de tout savoir du champ (devenu très vaste) de la psychiatrie à moi seul alors que la prise en charge est devenue pluriprofessionnelle avec infirmiers, psychologues, ergothérapeutes, patients pairs-aidants, assistante sociale ce qui semble plus efficace On n'est plus au temps d’Henri Ey avec psychose et névrose (les deux mamelles de la psy que certains enseignent cela encore aux étudiants infirmiers et sage-femme : même cours depuis le XX° siècle ...) Je reçois la demande pressante d'assurer un suivi chronique d'une personne avec chorée de Huntington , les neuro ont trouvé le diagnostic et c'est aux psy de gérer l'après (oui, comment et quoi faire hein ?) l’euthanasie ou le suicide assisté ou à lancienne est souvent l’issue. On me demande vivement de reprendre "mon" patient en sortie de SSR chir'ortho car il n’est pas content de sa PTH, or je ne l'ai vu qu’un seule et unique fois en 2010... Je reçois la demande de prendre en charge un patient avec RCUH, ACFA et obésité, bref quelle est la demande ?? Je serais plutôt interniste et in fine, le rédacteur de nombreux certificats pour dire que le patient est bien fatigué et peut-être déprimé, de tout façon le médecin-conseil s'en fout et n'écoutera surement pas, ni ne veut comprendre (elle a ses objectifs qu'elle applique avec sadisme) et mettre ce gars en arrêt d'IJ après la durée "standard de 3 à 6 mois" d'Arrêt-maladie pour une reprise de travail " adaptée" --> ouais ... ( j'ai la langue qui tourne en rond dans la joue droite, vous voyez ? non, bon tant pis !!)  Ce n’est pas que du renouvellement d’ordonnances et le secteur 1 CPAM ne paie pas bézef pour des consultation complexes avec plusieurs entrées et sorties accompagné de plusieurs heures de remue-méninges. Une partie de psychiatres sont de fait nécessairement incompétents : ce que j'ai appris entre 1992 et 2000 est équivalent à zéro pertinence scientifique, tout juste écouter un suicidant ou faire l'inventaire d'une BDA aux urgences ou écouter perplexe le discours du psychologue ou du chef de service sur les "cinq psychanalyses" au staff du mardi, ou bien gérer les psychotiques chroniques asilaires et faire semblant, surtout d'être un « vrai » docteur ou un vrai flagorneur qui sait « cadrer » les patients agités ou bien traiter les familles psychogènes, dysfonctionnelles bon à rendre le gosse autiste( surtout la mère) ou schizo, voire homosexuel (Mon Dieu, comment l'avez-vous élevé ?!!). Bref, les psy récoltent aussi la somme de leur orgueil passé : "avec Freud, Lacan et Dolto, on sait tout faire, un vrai couteau suisse à une lame et en plus y’a l'asile derrière..." (oui mais, plus vraiment maintenant) J'ai aujourd'hui l'impression de faire de la clinique pour patients "dépassés" comme on dit un "coma dépassé", juste un assemblage d'organes pour une greffe éventuelle, ceux qui ne rentre pas dans le tamis des diagnostics, je traite les apories... Je suis donc aporiologue, je crois... Je fais la recollation des symptômes somatique et psychiques sur la qualité de vie et en plus je ne suis pas vraiment crédible dans l'autre sens : j'ai pas fait rhumato, cardio, neuro et autres cancérologies mais j'ai quand même une compétence bien étendue pour nombreux adresseurs pour les cassos, les fous, les dingues, les complexes, les fibromyalgiques, les fatigués chroniques, les chiants, les errances diagnostiques ; en somme dès qu'un patient essuie une larme ou dit "j'en ai marre", vite le SAMU psy, c'est "dépressif" et le psy va s'en occuper, ouf, sauvé, on passe à la prochaine PTH, ça c'est sérieux et ça se soigne selon le manuel. Une patiente a un trouble neurologique mais le psy non seulement s'occupera de lui faire une TCC, soigner l'anxiété et l’insomnie, mais aussi les troubles alimentaires au passage et la gestion de son traitement normothymique le tout dans la même lettre : je suis psychiatre donc je suis super fort ! Je dois envoyer des patients en MPR pour avoir un bilan fonctionnel et faire attester leur vulnérabilité du quotidien ce que les médecins n’ont pas fait auparavant … La « dépression » est un concept bien éventé désormais mais il n’appartient pas qu’aux psys mais à la médecine entière, je veux croire Ah oui la psychiatrie est mathématique !  C'est une fonction dans l’espace R non bijective mais bien injective (niveau collège) : pour f (xyz,abc …) il existe une seule fonction (Zombie) Bon, en d’autres termes : on y entre mais on n’en sort plus pris dans le vortex du continuum espace-temps ; dépression un jour à dépression toujours ! = pour tout patient complexe de définition n = a + bi…  Réel et… imaginaire ; quelle part d’imaginaire dans un patient réel ?  Bien, je résume : Médecin des troubles fonctionnels, médecin balai ? Médecin ultra-compétent ou totalement insignifiant selon le contexte Charlatan ou merveilleux ? Idoine et ad hoc (chanoine et shadok aussi) ! Qualifié d’indispensable et bon pour les déchets ultimes, non recyclables, radioactifs… Spécialiste des « méditerranéens » : les italiens (à lier), des Portugais (pas gais) ou des Turcs (forcément). Médecin des fonctionnels, des simulateurs, des assistés et d’autres parasites sociaux qui coûtent chers… Super interniste et Mère Térésa des déshérités. Non, ceci n'est pas un sketch.
 
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