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Au procès Péchier, les victimes des empoisonnements racontent leur "calvaire"

Ils ont survécu à un arrêt cardiaque au bloc opératoire, dû à un empoisonnement. Huit ans après, deux des victimes présumées de l'anesthésiste Frédéric Péchier ont témoigné jeudi devant la cour d'assises du Doubs de leurs séquelles, de leurs questionnements, et de leur refus de s'apitoyer.

19/09/2025 Par Angela Schnaebele, AFP
Faits divers / Justice
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Sandra Simard, qui avait 36 ans le jour du drame - survenu alors qu'elle avait été hospitalisée pour une simple opération du dos - affirme aujourd'hui vivre "comme dans le corps d'une vieille personne". "Je me suis endormie le 11 janvier (2017) au matin et je me suis réveillée le 16, intubée, attachée et perdue", a raconté avec douceur cette femme discrète aux longs cheveux auburn. Les jours suivants sont "très traumatisants", "personne ne peut donner d'explication à mon arrêt cardiaque", se souvient-elle. Ses trois enfants viennent la voir à l'hôpital. "Dans mon délire paranoïaque, je leur ai dit au revoir comme si je ne les reverrais jamais. Ca a été la chose la plus difficile que j'aie eue à vivre", ajoute la témoin, dans le silence ému de la salle d'audience.

Finalement, un enquêteur annonce l'impensable: "un produit toxique est passé dans mes veines". Le Dr Frédéric Péchier, qui n'était pas chargé de son anesthésie mais qui a participé à sa réanimation, sera interpellé pour ces faits en mars 2017. Il comparaît aujourd'hui devant les assises à Besançon pour 30 empoisonnements de patients, dont 12 mortels, entre 2008 et 2017, des faits dont il se dit innocent. 

"les hallucinations, la paranoïa, la peur, un sternum fracturé par un massage cardiaque..."

Plus de huit ans après, "je n'ai rien oublié de ces moments", affirme Sandra Simard, évoquant "les hallucinations, la paranoïa, la peur, un sternum fracturé par un massage cardiaque..." En arrêt maladie pendant deux ans et demi, cette victime présumée garde des "séquelles neurologiques", "d'importants problèmes de mémoire, de fatigue, d'intolérance au bruit". "Toute ma vie a été remise en cause. Malgré tout, j'estime ne pas avoir le droit de me plaindre, parce que je suis en vie, contrairement à beaucoup d'autres personnes."

Ouverture du procès de l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier : les chiffres clés sur cette affaire

La quadragénaire, qui dit avoir respecté "la présomption d'innocence" pendant toute la procédure, ressent un "mépris" de l'accusé pour les victimes présumées. Et "le mépris blesse autant que la seringue qui vous empoisonne"

Lui succède à la barre celui qui se définit comme "le dernier de la liste" des 30 victimes présumées. Jean-Claude Gandon, 78 ans, grand-père aux cheveux blancs coupés courts, refuse également de se "plaindre". Le 20 janvier, soit neuf jours après l'arrêt cardiaque de Sandra Simard, il est victime d'un empoisonnement aux anesthésiques locaux pendant une opération de la prostate. Il sera réanimé à la clinique. C'est la seule victime présumée dont l'anesthésie est prise en charge directement par le docteur Péchier.

Un "cas alibi", selon les enquêteurs, qui soupçonnent l'accusé d'avoir empoisonné son propre patient, pour ne pas apparaître comme le seul anesthésiste à ne pas avoir été visé par un acte malveillant, alors qu'une enquête pour empoisonnement avait été ouverte concernant Sandra Simard. "Tout ce qui m'intéresse maintenant, c'est de savoir ce qui s'est passé", souligne le retraité.

L'accusé comparaît libre, mais risque la réclusion criminelle à perpétuité. Verdict attendu le 19 décembre.

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Claire FAUCHERY

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322 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 2 mois
J'avais essayé de parler de cette affaire sur le divan des médecins (groupe Facebook) mais mon post a été censuré d'emblée par le modérateur, la loi du silence (l'omerta) étant une variable consubstantielle de la profession médicale. Les médecins devant rester des oies blanches, qu'on puisse continuer de les investir d'un pouvoir "druidique" sur la vie (la parole) et la mort (le silence) sans doute? Etant par ailleurs eux-mêmes souvent assez peu capables de casser les codes pour dire qui ils sont en vérité, ou dire simplement qu'ils traversent également des crises d'identités comme tout un chacun. C'est navrant. Ce mutisme qui tend à nous rendre fous expliquant (de mon point de vue) l'excès de suicides dans notre profession, voire de règlements de compte hospitaliers (dans ces milieux fermés propices aux macérations acides). Règlements de comptes dont nous avons tous été les témoins à des degrés divers durant notre vie professionnelle, directement ou indirectement, en étant soulagés quand l'orage passait loin de nous et que la foudre tombait ailleurs que sur nos têtes! Mais de tout cela, personne ne dira un seul mot car officiellement dans la profession, le ciel est toujours bleu. Artifice que l'ordre contribue grandement à nourrir de par son attitude clivante, freinant l'expression des émotions et/ou des craintes des confrères. La déontologie comme la météo pouvant s'entendre à des degrés différents selon le sens du vent professionnel. L'ordre voulant surtout continuer de penser la vérité de façon binaire comme au 19eme siècle entre blanc et noir, souvent incapable d'entendre les doutes des confrères, comme par exemple de ceux ayant signés une tribune remettant en cause l'intérêt médical de l'homéopathie. Rarement à la hauteur des enjeux éthiques comme on l'a vu particulièrement dans la crise Covid, avec un appétit féroce pour désigner des cibles plutôt que d'être capable de toucher la réalité du terrain dans l'authenticité humaine qui devrait être sa marque. De mon point de vue cette affaire d'empoisonnements est une autre illustration indirecte de l'omerta des druides, tels que les anesthésistes peut-être plus particulièrement puisqu'ils endorment? Frédéric Péchier est certainement innocent mais il a le profil qui convient, ayant heurté les susceptibilités locales de ses confrères par son professionnalisme bousculant des vanités anciennes ? Devenant le bouc émissaire idéal, comme Alfred Dreyfus dans un contexte similaire de jalousies rances, ne pouvant se dire autrement que par leurs lâchetés. Et comme dans le film "sept morts sur ordonnance" de J. Rouffio (1975), en ayant raté sa première tentative de suicide (défenestration) notre confrère mérite certainement maintenant de réussir la seconde? Et ce sont des confrères qui vont lui enfoncer la tête sous l'eau, au nom de la sauvegarde des bonnes mœurs et de la déontologie !! C'est absolument dégueulasse de mon point de vue.
 
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