Gestion du Covid, médecins dans les médias, Raoult… Le président de l'Ordre remet les pendules à l'heure
Egora.fr : Comment jugez-vous la réponse du Gouvernement face à l'épidémie de Covid ?
Dr Patrick Bouet : Nous avons un double sentiment. Il nous semble que nous n'avons probablement pas tiré assez vite les conclusions de la première vague. Il n'y a pas eu d'évaluation partagée par l'ensemble des acteurs, mais la poursuite d'une gestion au niveau de la Direction générale de la santé (DGS). Cela nous met en situation d'être en recherche permanente de nouvelles options.
Le deuxième sentiment est que malgré tout, dans l'ensemble de ces dispositifs, nous voyons que nous allons progressivement vers des mesures de plus en plus restrictives. Le profil épidémique correspond à ce que nous attendions au niveau ordinal, avec les informations qui nous remontaient, c’est-à-dire celui d'une épidémie qui se généralise sur l'ensemble du territoire.
Il y a eu un manque de préparation de la deuxième vague dans la période où nous étions dans une relative accalmie, notamment par ce manque de concertation avec les acteurs. Nous avions demandé qu'il y ait des comités de suivi territoriaux et je l'avais rappelé lors de ma rencontre la semaine dernière avec le ministre de la Santé.
Il y a désormais une concertation qui va s'organiser. Nous voyons que la DGS a donné des instructions aux ARS pour que justement, sur le plan territorial, l'ensemble des acteurs soient concertés. C'est une avancée par rapport à ce que nous pouvions attendre.
Cette épidémie court et se développe très vite. D'autres éléments vont devoir être mis en place de façon urgente.
Lesquels ?
Il nous semble aujourd'hui que la vision de ce qui se passe n'est pas totale. Quand on nous dit qu'il faut protéger l'hôpital dans le cadre de la deuxième vague, nous répondons qu'il faut protéger la population. Bien sûr que l'hôpital est un sujet de préoccupation, mais ce qui compte aujourd'hui, c'est la filière de prise en charge. La capacité de bien prioriser les patients, qui devront aller à l'hôpital ou qui devront aller en réanimation, et ceux qui pourront être traités en ambulatoire ou en établissement de soins privés, est essentielle aujourd'hui. Il faut que les ARS, avec les comités d'évaluation qu'elles mettent en place dans les territoires, travaillent à organiser cette filière. Nous allons avoir un grand nombre de malades qui, fort heureusement, ne seront pas tous à hospitaliser en réanimation, et pour qui il va falloir s'organiser. Tout cela doit être formalisé de façon urgente.
Lors de la première vague, des soignants ont été contraints de sélectionner les patients admissibles en réanimation. Quelle est la position de l'Ordre sur ce sujet ?
Cela doit être une décision médicale. Toute décision qui consiste à mettre en route des soins doit répondre à un impératif : ces soins apportent-ils une amélioration dans l'état de santé actuel du patient ? Il ne faut pas répondre à autre chose. C'est un traumatisme pour tout professionnel de santé de s'interroger à un moment sur la pertinence des soins. Mais c'est la seule question qui compte.
Nous n'obéirons pas à des consignes administratives. Il faut que ce soit une décision entre professionnels de santé qui évaluent le bien fondé et la pertinence des soins à mettre en œuvre. Cela ne peut pas être un critère d'âge, de sexe, ni aucun autre. Le seul critère est : y a-t-il un bénéfice risque positif à mettre en route un certain nombre de soins. Si ce n'est pas le cas, il faut en parallèle organiser la prise en charge des patients qui doivent recevoir les soins d'accompagnement nécessaires, dans les meilleures conditions possibles.
Nous nous battrons contre des orientations ou des mesures d'ordre administratives ou politiques, mais je ne pense pas que cela soit dans l'esprit du Gouvernement aujourd'hui.
Quelle est votre position sur le report de soins liés à l'épidémie de Covid qui aboutissent à des pertes de chance pour les patients ?
C'est une de nos grosses inquiétudes aujourd'hui. Nous voyons que nous sommes, à nouveau, en train de courir après le développement de cette épidémie. Les mesures qui se mettent en place sont le développement de plans blancs, généralisés sur l'ensemble des territoires… Nous constatons que nous allons nous retrouver dans la même situation que lors de la première vague, à savoir créer des lits de réanimation ex nihilo. Pour autant, aucun plan précis n'a été mis en place pendant la période d'accalmie.
Ces lits de réanimation sont créés au détriment d'autres services et des prises en charge hors Covid. Nous savons aujourd’hui que la première partie de cette épidémie a malheureusement...
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