Aide médicale d'urgence : médecins et hôpitaux vent debout contre un rapport qui veut donner la main aux pompiers
Des sociétés savantes à l'Ordre des médecins, en passant par la Fédération hospitalière de France... Les acteurs de l'aide médicale d'urgence s'opposent aux propositions issues du Beauvau de la sécurité civile consistant notamment à transférer aux SDIS la gestion des vecteurs de secours.
Plus de 80% des interventions des pompiers sont aujourd'hui consacrées au secours et au transport de personnes. "Cette particularité, qui est progressivement devenue l'un des principaux enjeux pour la sécurité civile, impacte fortement le sens de l'engagement des sapeurs-pompiers, la disponibilité opérationnelle, le coût et la qualité des services", constate le rapport issu du Beauvau de la sécurité civile, rendu public début septembre. Pour ne plus "subir" cette mission de secours et de soins d'urgence aux personnes, les services d'incendie et de secours (SIS) doivent pleinement "l'investir" et se "donner les moyens", concluent ses auteurs. Cela passe par "une véritable remise à plat des procédures et des dispositifs existants", pose ce rapport.
Il s'agit notamment de généraliser "les plateformes communes de traitement de l'alerte (15-18-112)". Ces "centres uniques de réception et de traitement des appels" sont "en service" dans 21 départements seulement. Ailleurs, même s'ils sont "interconnectés", les centres 15 et 18 séparés ne permettent pas aux SIS "une maîtrise suffisante de leur activité principale", un "service extérieur" pouvant "décider unilatéralement de leur engagement, mais également du financement ou non de la mission" (système de la "carence"), pointe le rapport. C'est pourquoi, "sans remettre en cause la régulation médicale", le Beauvau de la sécurité civile veut "confier aux SIS la gestion des vecteurs de secours et d'évacuation des personnes dans le cadre de l'urgence préhospitalière". En complément, il propose de "renforcer les compétences des sapeurs-pompiers en secourisme et en paramédicalisation".
La gestion des moyens de transport ne peut être dissociée du diagnostic médical
Mais pour les "blancs", il n'est pas question de laisser la main aux "rouges". Dans une lettre adressée le 21 octobre au Premier ministre, Sébastien Lecornu, au ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, et à la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, les représentants des professionnels de l'aide médicale d'urgence et des hôpitaux publics expriment leur "vive inquiétude" face aux orientations de ce rapport, "qui n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les acteurs du système de santé, au premier rang desquels les Samu-Smur qui ont pourtant un rôle central et quotidien dans la régulation et la prise en charge des urgences médicales sur l'ensemble du territoire". "En fragilisant le rôle de la médecine d’urgence dans la chaîne de soins, ces propositions compromettent à la fois la qualité et la sécurité de la prise en charge de nos concitoyens, qu’il s’agisse d’urgences vitales ou relatives, et affaiblissent l’efficacité d’un système de santé déjà sous tension", alertent 31 organisations professionnelles, syndicales et associatives parmi lesquelles les sociétés savantes de médecine d'urgence, le syndicat Samu-Urgences de France, la Fédération hospitalière de France, le Conseil national de l'Ordre des médecins ou encore les conférences de présidents de CME.
Tous réaffirment "le rôle central et incontournable de la régulation médicale, assurée exclusivement par les Samu-SAS". "La gestion des moyens de transport ne peut être dissociée du diagnostic médical", rappellent les organisations. "C'est bien le médecin régulateur, fort de son expertise clinique, qui est à même de décider d'une part du moyen le plus adapté ; qu'il s'agisse d'une ambulance, d'un hélicoptère médicalisé ou d'une simple orientation vers un médecin de ville ; et d'autre part de son orientation optimisée pour proposer le meilleur parcours de soins adapté à chaque patient". "La régulation médicale n'est pas un simple maillon de la chaîne des secours, martèlent-ils. Elle en est le cœur. La confier à un acteur non médical reviendrait à fragiliser l'ensemble du système, au risque de mettre en péril la qualité des soins d'urgence pour des millions de patients."
Par ailleurs, "renforcer davantage les compétences paramédicales des sapeurs-pompiers sans garantir la présence d'un médecin lorsque la situation l'exige pose un problème majeur", pointent les organisations, pour qui il ne s'agit pas de "médicaliser moins", mais de "médicaliser juste".
"Préserver le 15"
Quant aux plateformes communes, elles n'ont pas encore fait leurs preuves, soulignent les représentants des professionnels et des établissements de santé. Réunir en un même lieu SIS, Samu et SAS coûtera cher, préviennent-ils encore. "L'extension des locaux existants afin d'accueillir les nouveaux professionnels de santé du SAS pose déjà un défi important aux établissements, et la seule solution serait une reconstruction", chiffrée à 5-10 millions d'euros. Pour les organisations, il est en effet "inenvisageable de délocaliser les professionnels de santé de leur établissement support au regard des tensions en ressources humaines et des logiques de transversalité et de polyvalence d'exercice entre Samu, Smur et services d'urgence".
Les "blancs" rejettent, enfin, la perspective d'un "numéro unique d'urgence", qui serait "inefficace, coûteux et ralentirait la prise en charge des patients", et appellent à "préserver le 15", "seul accès téléphonique direct pour les patients". "Tout intermédiaire entre les patients et les professionnels de santé entraine une perte de chance et une perte d'information", alertent-ils.
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