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"Je devenais un médecin que je n’avais pas envie d’être" : cette généraliste est désormais coach en reconversion

Marion Laffaye, ancienne médecin généraliste, a co-crée la plateforme de coaching, Med Reconversion, pour accompagner les médecins et les professionnels de santé à changer de métier. 

24/06/2024 Par Isabelle Veloso Vieira
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“J’avais tout le temps l’impression de faire une médecine de l’à peu près.” Marion Laffaye, ancienne médecin généraliste de 31 ans, a cessé son activité en 2023 après trois ans d’exercice. Aujourd’hui, elle consacre la majorité de son temps à accompagner ses confrères qui souhaitent, comme elle, changer de métier.

Devenue coach professionnelle certifiée, la jeune médecin a co-crée Med Reconversion, une plateforme de coaching et d’accompagnement spécialisée dans la reconversion professionnelle des médecins et professionnels de santé, lancée en 2023. Une même structure existait déjà pour les infirmières. Elle a été créée par Anne-Sophie, elle-même ancienne infirmière de 37 ans, qui a accepté de collaborer avec Marion Laffaye pour étendre le projet à d’autres professionnels de santé.

Manque de moyens, de structures, augmentation du nombre de patients et des tâches administratives, les conditions de travail dans le médical amènent de nombreux professionnels à se reconvertir. “Beaucoup ne se retrouvent plus dans la façon dont ils exercent le métier car leur pratique ne répond plus à leur vision du soin”, explique Marion.

“Je me voyais devenir un médecin que je n’avais pas envie d’être”

Un sentiment partagé par l’ancienne médecin durant ses trois ans d’exercice : “Je me voyais devenir un médecin que je n’avais pas envie d’être”, avoue-t-elle. Faute au “travail à la chaine” et à la perte de relationnel avec les patients, son métier passion s’est révélé difficile à exercer.

Elle a pourtant essayé différents modes d’exercices : libéral en milieu rural, semi-rural, urbain et structure hospitalière. “A chaque fois, je ne m’y sentais pas bien”, regrette l’ancienne médecin. Actuellement, elle effectue encore quelques remplacements ou des missions avec la réserve sanitaire. Mais son activité médicale s’arrête là.

Au-delà des conditions de travail, la rémunération est aussi l’une des “préoccupations” des professionnels, notamment, des kinésithérapeutes. Le prix des consultations ne suit pas l’augmentation des charges alors les kinés ne s’y “retrouvent pas financièrement”. Pour que ça soit le cas, il faudrait prendre “plus de personnes en même temps” mais “ça n’a pas de sens”, rapporte Marion Laffaye. “Ils ont l’impression de faire tourner une usine au lieu de s’occuper des patients”. La reconversion apparait donc comme une solution.

“Les informer sur leurs possibilités”

“Le but [de Med Reconversion, NDLR] n’est pas de faire partir tout le monde de la profession”, tempère l’ancienne médecin. “Mais de les informer sur leurs possibilités”. Car lorsque Marion a décidé de se reconvertir, elle a passé des heures à chercher sa voie de réorientation. “Sur internet, on trouve pleins d’informations sur les façons de devenir médecin mais pas sur comment on peut utiliser notre diplôme pour faire autre chose”.

Cette difficulté est à l’origine de Med Reconversion. “Je trouvais ça dommage qu’il n’y ait pas d’organisme de formation spécifique aux médecins comme j’en avais besoin”. D’autant plus que certains peuvent ressentir de la “honte” à l’idée de vouloir quitter le métier et de l’annoncer à l’entourage et aux collègues. “Avoir en face de soi un ancien médecin peut aider à ouvrir la parole sur le sujet”, assure Marion.

Med Reconversion propose des programmes spécifiques aux médecins, infirmières, sage-femmes et kinésithérapeutes. Au cours des trois mois de formation, les médecins et professionnels de santé sont accompagnés pour faire le bilan de leurs compétences. Des informations sur les autres façons d’exercer leur métier, la reprise d’étude en masters de santé ou encore les passerelles possibles leur sont présentés.

Une fois que les envies et les possibilités sont identifiées, le coach et le médecin structurent ensemble le projet professionnel. “On leur fourni des outils pour aboutir à leur plan d’action afin d’atteindre leur objectif de reconversion professionnelle ou d’évolution du projet professionnel, selon le cas de figure.”, détaille la coach.

80% de médecins libéraux

Tous n’envisagent pas une reconversion professionnelle radicale, 95% des professionnels de santé restent dans le secteur du soin, dont 80% en médecine. “En grande souffrance”, les médecins libéraux représentent 80% de la clientèle de Med Reconversion.

Pour certains, il leur suffit de “quitter le monde libéral” pour une structure hospitalière ou clinique. Ce nouveau mode d’exercice leur permet de “retrouver du plaisir au travail”, explique Marion.

D’autres se dirigent vers des structures de prévention comme les services de santé universitaires ou les dispositifs de bilan de santé organisés par la sécurité sociale. Certains préfèrent garder leur activité principale tout en se libérant du temps pour développer une activité créative ou manuelle. Une minorité, elle, préfère changer totalement de vie. C’est le cas d’une médecin anesthésiste qui a intégré le conservatoire pour devenir auteur compositeur interprète.

Sur le site de Med Reconversion, les témoignages défilent. Gilles, allergologue de formation, a “tout plaqué” pour devenir professeur de surf à Anglet (Nouvelle-Aquitaine). Médecin généraliste, Colin a rejoint une maison de santé et a réduit son activité à 75% pour “passer du temps avec sa famille”. En un an et demi, Med Reconversion a accompagné 130 personnes dont 20 qui sont encore en cours de formation.

Pour éviter un maximum de cas de reconversions professionnelles radicales - en dehors du secteur de la santé -, Med Reconversion aimerait rendre “accessible” dès l’université les informations sur les différentes façons d’exercer en tant que médecin. Cela éviterait que certains restent à leur poste “trop longtemps” et s’”épuisent” au risque de vouloir changer “radicalement” de métier par la suite. “Alors qu’ils auraient pu rester dans le champ de la santé”. 

Faut-il prévoir deux stages en libéral pour tous les internes de spécialité ?

Michel Pailleux

Michel Pailleux

Oui

Ma collègue qui vient d'obtenir sa spécialité de MPR , et qui a pratiqué pendant plusieurs années la M.G. à la campagne, a suivi ... Lire plus

4 commentaires
1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Petit Bobo
2,3 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 5 mois
Au risque de heurter la bien-pensance des dégonflés (sans e) que nous sommes devenus, je fais remarquer que cet article (et les liens) évoquent l'es expériences mal vécues de jeunes consoeurs. Durant
Photo de profil de Marie Claude Milhau
730 points
Débatteur Renommé
Infirmiers
il y a 5 mois
Idem 62 ans et 6 mois retraite mais si j’avais été plus jeune j’aurais simplement augmenté le nombre d’heures de travail pour prendre correctement plus de patients en charge ! ( on ne peu pas travaill
Photo de profil de Eric Bernard
1,7 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 5 mois
Quel gâchis. Tant de vocations de soignant "détruites" par nos conditions de travail. Perso, j'ai déplaqué à 62 ans pour prendre ma retraite, mais je me demande qu'est ce que j'aurais fait si j'avais
 
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