Déserts médicaux : la nouvelle idée du Gouvernement suscite déjà la polémique
Alors que le nombre de médecins va continuer à baisser dans les prochaines années, le Gouvernement voudrait aller plus loin dans les transferts de compétences, en autorisant une procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE) en tant que médecin. Une proposition qui fait débat.
"On dirait dès molluscum, mais on dirait aussi un début de varicelle… si d’ici quelques heures, bébé a de nouveaux boutons qui sortent, c’est que c’est la varicelle", avertit Enora Scasse, en réponse à cette jeune maman inquiète, qui a posté la photo de son bébé sur le groupe Facebook "Parents épuisés – on va tout partager". Elle-même mère d'une petite fille de 7 ans, Enora a acquis une véritable expérience des microbes en tous genres. "Entre ce que la petite me ramenait de la crèche et de l'école, j'en ai vu tellement… Jusqu'à ses 4-5 ans, on avait presque un abonnement chez le médecin !", plaisante la jeune trentenaire. "Mais comme c'est devenu difficile d'avoir un rendez-vous, on voit de plus en plus de parents demander conseil sur les réseaux sociaux... Je les aide comme je peux."
Des compétences que la jeune maman pourrait bientôt faire valoir. Alors que le relèvement puis la suppression du numérus clausus ne produira pleinement ses effets que dans dix ans, le Gouvernement envisage une solution radicale pour pallier des difficultés d'accès aux soins grandissantes : mettre en place une validation des acquis de l'expérience (VAE) en tant que médecin.
Un titre de "médecin de réseaux sociaux"
Toute personne justifiant d'au moins d'un an d'activité sur les réseaux sociaux (en particulier X et Facebook) orientée sur des sujets santé pourrait obtenir le titre de "médecin de réseaux sociaux". Il ne pourrait en revanche ni prescrire, ni facturer des consultations à proprement parler, ces actes étant réservés aux docteurs en médecine. Leur champ d'activité serait réduit aux "avis diagnostiques" et aux conseils de thérapeutiques sans risques d'effets secondaires telles que l'homéopathie. Ils devront également obligatoirement signaler à leurs "patients" qu'ils sont "médecins de réseaux sociaux", et les orienter vers de vrais médecins en cas de besoin. Ces pseudo-consultations ne ferait pas l'objet d'une prise en charge par l'Assurance maladie mais pourraient éventuellement trouver leur place dans l'enveloppe "bien-être" des complémentaires santé.
"Avec la crise du Covid, on a vu de nombreux Français se passionner pour des sujets de santé publique ou d'infectiologie. Certains sont même devenus des spécialistes du vaccin à ARM, observe George Sandre, expert au BAR (Bureau d'accréditation des réseaux). Ils revendiquent la possibilité de participer au débat scientifique."
Ce sont donc des centaines, voire des milliers de médecins qui pourraient venir prêter main forte à la profession, en les soulageant de quelques consultations ou en facilitant leur diagnostic, car les patients viendront déjà avec des hypothèses.
"On voit bien que les mesures d'accès direct aux IPA ou aux kinés et que les transferts de compétence en direction des infirmiers ou des pharmaciens que nous avons mis en place ces dernières années ne suffisent pas à dégager du temps médical, explique Gaétan Guille, conseiller ministériel. En partie parce que ces professions souffrent également d'un manque d'attractivité… mais surtout à cause du corporatisme des médecins."
Corporatisme ou ultracrepidarianisme?
Ces derniers ne voient en effet pas d'un très bon œil la mise en place d'une VAE. "Ce n'est pas une question de corporatisme, mais d'ultracrepidarianisme! s'insurge le Dr Roman Chois, très actif sur X. On ne peut pas reconnaître comme médecin des gens qui ont lu quelques articles sur un sujet ou ont déjà eu telle maladie… et s'imaginent tout maitriser ! Les médecins, eux, ont fait 10 à 15 ans d'études : à quoi bon ?"
Sollicités pour avis, l'Académie de médecine et le Conseil national de l'Ordre des médecins se sont engagés à rendre leurs conclusions d'ici au 1er avril 2025.
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