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"C'est la collectivité qui a financé leurs études" : les accidentés de la vie appellent à interdire l'installation en secteur 2 des jeunes médecins

Suite à la parution, hier, d'un rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam) montrant l'accélération des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes, l'association des accidentés de la vie (FNATH) appelle "au courage des politiques" afin de mettre fin à cette pratique. Et elle n'est pas la seule…
 

03/10/2025 Par Louise Claereboudt
Patients
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C'est un rapport qui a fait grand bruit. Dans un document de 106 pages faisant office d'état des lieux, le Hcaam alerte sur la hausse des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes, dont le montant total a atteint 4,3 milliards d'euros en 2024, "en forte augmentation depuis 2019 (+5 % par an en valeur réelle). Une "dynamique" qui s'explique d'abord par l'explosion des effectifs de médecins en secteur 2 : 56 % des spécialistes exercent en secteur 2 contre 37 % en 2000, et les trois quarts des jeunes médecins choisissent le secteur 2. Mais aussi par la hausse des taux de dépassements et la baisse de la part d'activité à tarifs opposables des professionnels en secteur 2. 

Cet état des lieux "révèle la situation d'abandon des malades, des assurés sociaux et des victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles", pointe l'association des accidentés de la vie (FNATH), dans un communiqué diffusé ce vendredi 3 octobre, au lendemain de la parution dudit rapport. "C'est d'abord un sport national qui s'est imposé partout et qui est pratiqué sans aucune réaction notable des pouvoirs publics", dénonce l'organisation. Et de questionner : "Comment admettre qu'un chirurgien puisse pratiquer trois fois le tarif Sécurité sociale sans autre réaction ?"

Le Hcaam note en effet des "situations très contrastées" au sein de chaque spécialité. 10 %, voire parfois 20 %, de spécialistes appliquant les dépassements les plus élevés dépassent souvent le double des dépassements moyens de leur spécialité. Ainsi, pour les 6 700 chirurgiens exerçant en secteur 2, les dépassements sont en moyenne de 58 % des tarifs de la Sécurité sociale. "Mais pour 10 % d'entre eux, le dépassement est de 184 %", trois fois, donc, le tarif Sécu, pointe le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Pour la FNATH, "c'est le constat que le système mis en place par l'Assurance maladie […] ne fonctionne pas ou, a minima, ne protège pas les malades des dépassements d'honoraires". Le Hcaam souligne en effet que ces dépassements peuvent induire "un reste à charge élevé" pour les patients. Si les "dépassements progressent avec le niveau de vie", les patients des communes modestes sont aussi exposés à ce phénomène, "du fait d'une insuffisance d'offre à tarif opposable.

Si les plus modestes sont couverts par la C2S – les praticiens ont interdiction de leur facturer des dépassements d'honoraires, "beaucoup d'assurés ne font pas valoir leur droit", indique le Hcaam. Et pour les autres patients – y compris ceux en ALD – "la prise en charge par les complémentaires est variable selon le type de contrat et rarement intégrale". Les dépassements sont pris en charge environ à 40 % par les complémentaires.

"Des populations entières se trouvent confrontées à des factures qui les plongent dans une précarité sociale et se retrouvent devant les commissions de l'aide sociale des caisses primaires d'assurance maladie pour essayer de financer leurs soins", s'insurge la FNATH. Et de poursuivre : "Pour ceux qui ont la 'chance' d'être informés avant les soins du coût de la facture, c'est le renoncement à se faire soigner qui domine." Un risque également identifié par le Hcaam.  

Un débat national sur le revenu des spécialistes

Dans ce contexte, la FNATH appelle "au courage politique" afin "d'interdire l'installation des trois quarts des jeunes spécialistes en secteur 2 alors que c'est la collectivité – et donc les assurés sociaux – qui ont financé leurs études". Elle attend par ailleurs que le prochain budget de la Sécurité sociale pour 2026 limite les dépassements "excessifs". Et soutient, enfin, l'ouverture d'un "débat national sur le revenu des spécialistes".

Estimant que "l'accès à des soins de qualité ne doit pas être conditionné par la capacité financières des assurés sociaux", l'Unsa, cinquième syndicat de France, plaide, de son côté, pour la "suppression progressive des dépassements d'honoraires en commençant par une interdiction immédiate pour les actes de prévention (coloscopie, mammographie, etc.)". "Cette première étape devrait se poursuivre rapidement par la suppression de tous les dépassements d'honoraires", défend l'Unsa dans un communiqué de presse.

Dans l'immédiat, le syndicat exige "la transparence systématique des tarifs avec obligation d'affichage des dépassements dans tous les lieux de consultation". Le Hcaam relève en effet que les dépassements sont "variables, non prévisibles et suscitent chez beaucoup de patients une incompréhension face à un système difficilement lisible". L'Unsa appelle, enfin, au "renforcement des contrôles et des sanctions" en cas 'd'abus" des professionnels de santé "faisant preuve de pratiques tarifaires excessives".

Les travaux du Hcaam doivent se poursuivre dès le mois d'octobre en vue d'établir, dans un second volet du rapport, plusieurs scénarios de réforme. En outre, la mission parlementaire, confiée aux députés Jean-François Rousset et Yannick Monnet par l'ancien Premier ministre François Bayrou, sur les dépassements d'honoraires suit son cours.

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Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de Georges FICHET
6,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Tout est bon pour culpabiliser les médecins, dont cet éternel refrain des études de médecines qui nous auraient été payées par l'Etat ! Lorsque je fais construire ma maison, je fais appel à des artisans dont les études et les CAP ont été aussi payés en partie par nos impôts. Et si je veux de la qualité, je suis prêtt à payer plus cher pour avoir les meilleurs. Je me vois mal leur demander une ristourne sur leur facture au prétexte que leurs études auraient été payées par mes impôts. Ne pourrions-nous pas demander à nos élus de diminuer sur leur taux d'imbécillité habituelle au motif qu'ils son payés par nos impôts ?
Photo de profil de Voltaire MCDD
712 points
Débatteur Passionné
Chirurgie orthopédique et traumatologie
il y a 2 mois
La prise en charge des accidentés pudiquement appelé de la vie lorsque l'on mélange allègrement imprudence prise de risque et réel accident se fait par définition en heures supplémentaires. Jamais dans ma carrière à 2h du matin pendant que d'autres fêtaient le nouvel an ou le dimanche l'on m'a demandé si mon instrumentiste bossait pour des prunes. Au tarif que cet assos payée sur mes impôts ( dont la mission devrait être là qualité du soins) veut que je soigne est indécent. Le tarif de l'acte chirurgical permet tout juste de payer son aide opératoire et encore si les charges ne sont pas pris en compte ainsi que la RCP (Nos assureurs disent clairement que la traumatologie prise en charge dans l'urgence, en accident du travail est FORTEMENT exposée à une plainte aussi prévisible qu'injustifiée). Après+45h/semaine rajouter une charge de travail qui peut vous coûter de l'argent et de toute façon sera imposée dans la tranche finale de 40% il faut y réfléchir et probablement adopter la mentalité des membres de ces associations dont les valeurs sont j'y ai droit , gratis, sans me faire suer. La vraie question est pourquoi le système s'effondre et non comment faire pour le rendre invivable pour ceux qui travaillent au prix d'une juste rémunération.. J'attendais un slogan du type #les politiques, footballeurs, chanteurs, payent pour nos soignants #.
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4,8 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas entendu le petit refrain des études payées ... Je ne répondrais même pas à ça. En revanche, je souhaiterais informer ces personnes bien pensantes que les tarifs des actes n'ont quasiment pas été ré évalués depuis une trentaine d'années, contrairement à toutes les charges des cabinets... Mais ça, ils ne vont pas s'en vanter! Alors si vous voulez parler sous, ne montrez pas qu'un bout de la lorgnette !
 
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