"C'est la collectivité qui a financé leurs études" : les accidentés de la vie appellent à interdire l'installation en secteur 2 des jeunes médecins
Suite à la parution, hier, d'un rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam) montrant l'accélération des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes, l'association des accidentés de la vie (FNATH) appelle "au courage des politiques" afin de mettre fin à cette pratique. Et elle n'est pas la seule…
C'est un rapport qui a fait grand bruit. Dans un document de 106 pages faisant office d'état des lieux, le Hcaam alerte sur la hausse des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes, dont le montant total a atteint 4,3 milliards d'euros en 2024, "en forte augmentation depuis 2019 (+5 % par an en valeur réelle). Une "dynamique" qui s'explique d'abord par l'explosion des effectifs de médecins en secteur 2 : 56 % des spécialistes exercent en secteur 2 contre 37 % en 2000, et les trois quarts des jeunes médecins choisissent le secteur 2. Mais aussi par la hausse des taux de dépassements et la baisse de la part d'activité à tarifs opposables des professionnels en secteur 2.
Cet état des lieux "révèle la situation d'abandon des malades, des assurés sociaux et des victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles", pointe l'association des accidentés de la vie (FNATH), dans un communiqué diffusé ce vendredi 3 octobre, au lendemain de la parution dudit rapport. "C'est d'abord un sport national qui s'est imposé partout et qui est pratiqué sans aucune réaction notable des pouvoirs publics", dénonce l'organisation. Et de questionner : "Comment admettre qu'un chirurgien puisse pratiquer trois fois le tarif Sécurité sociale sans autre réaction ?"
Le Hcaam note en effet des "situations très contrastées" au sein de chaque spécialité. 10 %, voire parfois 20 %, de spécialistes appliquant les dépassements les plus élevés dépassent souvent le double des dépassements moyens de leur spécialité. Ainsi, pour les 6 700 chirurgiens exerçant en secteur 2, les dépassements sont en moyenne de 58 % des tarifs de la Sécurité sociale. "Mais pour 10 % d'entre eux, le dépassement est de 184 %", trois fois, donc, le tarif Sécu, pointe le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Pour la FNATH, "c'est le constat que le système mis en place par l'Assurance maladie […] ne fonctionne pas ou, a minima, ne protège pas les malades des dépassements d'honoraires". Le Hcaam souligne en effet que ces dépassements peuvent induire "un reste à charge élevé" pour les patients. Si les "dépassements progressent avec le niveau de vie", les patients des communes modestes sont aussi exposés à ce phénomène, "du fait d'une insuffisance d'offre à tarif opposable.
Si les plus modestes sont couverts par la C2S – les praticiens ont interdiction de leur facturer des dépassements d'honoraires, "beaucoup d'assurés ne font pas valoir leur droit", indique le Hcaam. Et pour les autres patients – y compris ceux en ALD – "la prise en charge par les complémentaires est variable selon le type de contrat et rarement intégrale". Les dépassements sont pris en charge environ à 40 % par les complémentaires.
"Des populations entières se trouvent confrontées à des factures qui les plongent dans une précarité sociale et se retrouvent devant les commissions de l'aide sociale des caisses primaires d'assurance maladie pour essayer de financer leurs soins", s'insurge la FNATH. Et de poursuivre : "Pour ceux qui ont la 'chance' d'être informés avant les soins du coût de la facture, c'est le renoncement à se faire soigner qui domine." Un risque également identifié par le Hcaam.
Un débat national sur le revenu des spécialistes
Dans ce contexte, la FNATH appelle "au courage politique" afin "d'interdire l'installation des trois quarts des jeunes spécialistes en secteur 2 alors que c'est la collectivité – et donc les assurés sociaux – qui ont financé leurs études". Elle attend par ailleurs que le prochain budget de la Sécurité sociale pour 2026 limite les dépassements "excessifs". Et soutient, enfin, l'ouverture d'un "débat national sur le revenu des spécialistes".
Estimant que "l'accès à des soins de qualité ne doit pas être conditionné par la capacité financières des assurés sociaux", l'Unsa, cinquième syndicat de France, plaide, de son côté, pour la "suppression progressive des dépassements d'honoraires en commençant par une interdiction immédiate pour les actes de prévention (coloscopie, mammographie, etc.)". "Cette première étape devrait se poursuivre rapidement par la suppression de tous les dépassements d'honoraires", défend l'Unsa dans un communiqué de presse.
Dans l'immédiat, le syndicat exige "la transparence systématique des tarifs avec obligation d'affichage des dépassements dans tous les lieux de consultation". Le Hcaam relève en effet que les dépassements sont "variables, non prévisibles et suscitent chez beaucoup de patients une incompréhension face à un système difficilement lisible". L'Unsa appelle, enfin, au "renforcement des contrôles et des sanctions" en cas 'd'abus" des professionnels de santé "faisant preuve de pratiques tarifaires excessives".
Les travaux du Hcaam doivent se poursuivre dès le mois d'octobre en vue d'établir, dans un second volet du rapport, plusieurs scénarios de réforme. En outre, la mission parlementaire, confiée aux députés Jean-François Rousset et Yannick Monnet par l'ancien Premier ministre François Bayrou, sur les dépassements d'honoraires suit son cours.
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