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Les annonces de Gabriel Attal, samedi 6 avril, ont fait vivement réagir les syndicat.

"Bricolage", "mesures hallucinantes" voire "dangereuses"… Les syndicats de médecins disent non au plan de bataille du Gouvernement

Accès direct aux spécialistes, augmentation du numerus apertus, taxe lapin… Ce samedi, le Premier ministre a présenté des mesures pour améliorer l'accès aux soins en ville. Les syndicats de médecins libéraux, qui ont entamé un bras de fer avec les pouvoirs publics en suspendant leur participation aux négociations conventionnelles, se sont unanimement montrés peu convaincus.

08/04/2024 Par L. C. 5 à 10 min
Syndicalisme
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Les annonces de Gabriel Attal, samedi 6 avril, ont fait vivement réagir les syndicat.

"Un éléphant dans un magasin de porcelaine". C'est ainsi que la Fédération des médecins de France (FMF) décrit l'attitude du Gouvernement, dont le chef de file a fait plusieurs annonces concernant les soins de ville samedi 6 avril dans la presse régionale. Une "intrusion du politique dans le dialogue conventionnel" que le syndicat ne voit pas d'un bon œil, écrit le Dr Richard Talbot dans un communiqué. Les discussions entre les six syndicats représentatifs des médecins libéraux et la Caisse nationale de l'Assurance (Cnam) sont déjà à l'arrêt – la dernière séance multilatérale ayant été suspendue.  

"Au moment précis où les syndicats médicaux représentatifs et l'Assurance maladie cherchent désespérément par la négociation les moyens de sauver un système de santé en grand danger, dans un contexte économique qui ne permet pas l'erreur, le contournement de leurs efforts par le Gouvernement compromet gravement l'édifice conventionnel", fustige le premier syndicat de généralistes MG France, qui annonce par voie de communiqué suspendre à son tour sa participation aux négociations, "dans l'attente de clarifications et d'engagements forts sur le médecin traitant, le parcours de soins et le devenir du système conventionnel".

 

"Le Gouvernement fait le choix d’en finir avec le médecin traitant"

Pour MG France, les mesures avancées par l'exécutif pour garantir un meilleur accès aux soins sont "le plus souvent illusoires, souvent démagogiques et parfois dangereuses". "Qui peut croire que les patients résidant dans des déserts médicaux trouveront plus facilement un endocrinologue ou un chirurgien qu'un médecin généraliste ? Qui peut penser que l'accès direct au kinésithérapeute va faciliter la prise en charge des patients âgés, peu mobiles, polypathologiques qui en ont pourtant le plus besoin ?", interroge-t-il, alors que le Gabriel Attal a dit vouloir s'appuyer sur les spécialistes et paramédicaux pour libérer du temps aux généralistes.

L'accès direct aux spécialistes "nie l'existence même du rôle du médecin généraliste, médecin de premier recours, de son expertise et de son rôle d'orientation des patients vers les autres spécialités si leur examen médical le justifie. C'est un retour à des années en arrière…", a commenté l'UFML du Dr Marty, qui souligne que certains spécialistes "ont des délais d'attente de six mois et parfois d'un an". "Permettre des entrées directes auprès des spécialistes aggraverait l'accès aux soins par l'augmentation de ce délai", juge le syndicat, qui oscille "entre surprise, étonnement et colère"

"En annonçant la destruction du parcours de soins et le transfert de compétences à d’autres professions de santé au mépris de la qualité et de la pertinence des soins des Français, le Gouvernement fait le choix d’en finir avec le médecin traitant et avec toutes les autres spécialités médicales libérales", dénonce pour sa part la CSMF. Le Gouvernement, qui a par ailleurs accordé une hausse quasi nulle des tarifs aux hôpitaux privés, "a fait le choix de saboter" les négociations conventionnelles, estime la Confédération, qui soutient les cliniques dans leur mouvement de grève. "La santé des Français ne peut pas pâtir de calculs politiciens sous tendus par un contexte économique difficile", juge-t-il dans un communiqué, appelant les décideurs à la responsabilité.

Réagissant à l'ouverture de la possibilité pour les pharmaciens de délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour les angines et les cystites, l'UFML estime que la réforme présentée par le Gouvernement "tient plus du bricolage que d'une amélioration de la qualité des soins". "Ils veulent faire croire à la population que la médecine générale c'est une succession de petits actes qui peuvent être faits par les pharmaciens, les kinés, les infirmières ou les cabines de téléconsultation", accuse le Dr Jean-Paul Hamon, président d'honneur de la FMF, interrogé par BFMTV. "Le Premier ministre fait une opération de communication, mais il ne règle absolument pas le problème gravissime qui est la désertification [médicale]."

"Les mesures présentées par Gabriel Attal relèvent davantage de l’affichage politique que de solutions réelles, notamment car elles ne répondent en rien aux besoins formulés par les médecins généralistes en termes de soutien et de simplification de l’exercice", regrette de son côté le Dr Raphaël Dachicourt, président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir), qui indique que les mesures présentées n'ont pas fait l'objet de concertations avec les professionnels.  

 

"Former pour former ne peut servir de politique"

Outre l'accès direct aux spécialistes et l'élargissement des compétences aux paramédicaux (kinés, pharmaciens, et infirmières), le Gouvernement entend augmenter le nombre de places dans les facultés de médecine. "Il y avait 8 150 places de médecine à l’université en 2017, on est monté à 10 000 en 2023. On va augmenter encore ces chiffres pour les porter à 12 000 par an en 2025 et jusqu’à 16 000 par an en 2027", a dit Gabriel Attal à la presse régionale. Mais pour l'UFML, cette annonce ne rimera à rien si l'on n'augmente pas aussi le nombre d'enseignants ou de chefs de clinique. "Former pour former ne peut servir de politique", juge-t-il sévèrement, pressant l'Etat de "rendre attractive la médecine libérale et de favoriser les installations des jeunes médecins" plutôt que "d’aller envoyer des émissaires à l’étranger pour piller les capacités médicales de pays fragilisés".

"Vous avez beau augmenter le nombre de médecins, s'ils ne deviennent pas médecins traitants, la situation va continuer à s'aggraver", a estimé le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, interrogé par franceinfo. "La seule mesure immédiatement efficace serait un véritable investissement sur les consultations médicales ! Au lieu de cela, augmentation des étudiants en médecine, mais 20% abandonnent en cours de cursus !", a réagi la Dre Sophie Bauer, présidente du SML, sur X. Celle-ci voit en la hausse du prix de la consultation de psychologie dans le cadre du dispositif Mon Soutien Psy à 50 euros un "gag ou un mépris", alors que les médecins libéraux voient leurs tarifs toujours régis par le règlement arbitral.  

 

La taxe lapin, seule bonne idée ?  

Si MG France s'inquiète de l'instauration d'une taxe lapin pour les patients qui n'honoreraient pas leur rendez-vous, la présidente du SML juge qu'il s'agit de la "seule bonne nouvelle" des annonces du Premier ministre. "Mais est ce que 5 euros seront assez dissuasifs pour éviter de retarder l'accès aux soins d'autres patients ?", s'interroge-t-elle. "Nous relevons qu’il aura fallu 5 ans pour que la problématique des rendez-vous non honorés 'les lapins' que nous avons portés depuis 2018 soit prise en compte par le gouvernement…", souligne l'UFML dans son communiqué, se disant satisfait de la mise en place de cette pénalisation. "Nous nous étonnons cependant de la méthode qui consisterait à ce que les sommes soient prélevées par les plates-formes de rendez-vous dans un système équivalent à celui des 'no-show' pratiqué par les hôtels. La médecine n’est pas un commerce et les patients ne doivent pas faire une avance de frais aux plates-forme de rendez-vous", lance-t-il.

Le Dr Marty se montre toutefois globalement déçu des annonces de Gabriel Attal : "Jamais nous n’avons vu de Gouvernement plus mauvais en matière sanitaire, vous êtes en dessous de tout !", a écrit le président de l'UFML, qui porte l'action de déconventionnement collectif, sur le réseau social X. "Cette action sera mise en œuvre sans état d’âme si le Gouvernement persiste dans sa volonté de ne rien n’est faire pour rendre attractive la médecine libérale, favoriser les installations des médecins libéraux et reconnaitre leur rôle et responsabilité dans notre système de soin", prévient le syndicat. 

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Les négociations conventionnelles entre les médecins et l'Assurance maladie doivent-elles reprendre?

Jerry Tulassan

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La négociation est une série d'entretiens, de démarches entreprises pour parvenir à un accord, pour conclure une affaire ou mettre... Lire plus

9 commentaires
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Médecins (CNOM)
il y a 21 jours
Le politique ne raisonne que par le patient, tout tourne autour de lui et il a surtout droit à tout, tout le temps et tout de suite. C'est la même logique depuis des années et ça aboutit à la situatio...Lire plus
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 21 jours
Redonner du temps aux médecins , c'est peut être réaménager en réduisant de 3/4 la part du temps passé à l'administratif , à la gestion du cabinet , à la manipulation de logiciels touffus et dépourvus...Lire plus
Photo de profil de Olivier Perrin
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 21 jours
Ce qui arrive était déjà prévisible il y a un an : les syndicats se fond balader et on se fait entuber en beauté : en l’absence de convention , il ne reste plus que l’option du déconventionnent massi...Lire plus

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