"Une déclaration de guerre" : les médecins libéraux vent debout contre l’accès direct aux paramédicaux

10/01/2023 Par L. C.
Examinée en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale ce mardi 10 janvier, la proposition de loi Rist visant à instituer un accès direct aux IPA, aux kinés et aux orthophonistes indigne les syndicats de médecins libéraux, qui appellent les parlementaires à s’y opposer.

  "Chère consœur, Votre projet de loi, nous l’avons tous compris, vous tient très à cœur. Avez-vous aussi bien compris que pour TOUS les médecins libéraux, il s’agit d’une déclaration de guerre ?" interroge le Syndicat de médecins libéraux (SML) dans une lettre adressée à la députée de la majorité Stéphanie Rist, et transmise aux médias. L’élue, rhumatologue, doit défendre aujourd’hui devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sa proposition de loi qui vise à instituer un accès direct aux infirmières en pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes pour améliorer l’accès aux soins sur les territoires. Ceux-ci pourraient "exercer leur art sans prescription médicale" dans le cadre d’un exercice coordonné. "L’offre de soins médicaux étant insuffisante par rapport aux besoins de la population, il est indispensable de trouver des solutions à très court terme", justifie la députée dans son texte. Or pour les syndicats de médecins libéraux, ce texte fait fausse route. "Cette ‘fausse bonne idée’ entraînerait un désengagement des médecins, en particulier de la jeune génération, et une incompréhension de la population qui ne souhaite pas voir le système de santé français tomber au plus bas de l’échelle européenne…", alerte le SML, qui décrit "une loi qui sonne le glas". "L’accès direct à des non-médecins pour établir un diagnostic médical et prescrire un traitement médical est une insulte pour notre profession qui nécessite 9 à 15 ans d’études et un danger pour les patients." De son côté, la CSMF a interpellé fin décembre la députée sur le risque de l’émergence d’une médecine à deux vitesses : "celle de ceux de nos concitoyens qui auront un médecin, celle de ceux qui auront un officier de santé". Le syndicat polycatégoriel juge que l’examen d’une telle proposition de loi en pleine négociations conventionnelles est une "provocation" envers les médecins libéraux. "La démographie des médecins généralistes traitants à la baisse, leurs difficultés d’exercice négligées par les pouvoirs publics, ne peuvent ni justifier ni excuser toutes les dérives !" lançait également fin novembre le syndicat MG France, dénonçant entre autres l’absence de "collaboration formalisée avec un médecin", et appelant les parlementaires à rejeter en bloc le texte.

Pour MG France, en effet, "l’objectif non dissimulé de ce texte est la remise en cause totale du rôle du médecin traitant et du parcours de soin coordonné autour du patient. "Ce parcours de soins serait remplacé par la juxtaposition des diverses ‘offres’, avec des risques évidents de dérives en termes d’orientation du patient, de coordination et de pertinence". De leurs côtés, les jeunes médecins réclament des garde-fous. ReAGJIR, aux côtés de l’Anemf et de l’Isnar-IMG, a ainsi déposé plusieurs amendements. "Si la mesure peut permettre de dégager du précieux temps de soins aux médecins, cet accès direct doit néanmoins rester le fruit d’une concertation entre les soignants d’une même équipe de proximité, formalisé dans leur projet de santé", estime le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants, qui appelle à ne pas déstructurer le parcours de soins.  

  "Ego" et "corporatisme" A contrario, les fédérations représentant les étudiants en kinésithérapie, en orthophonie et sciences infirmières ont défendu cette PPL. "Il est temps que l’égo et le corporatisme des professions de santé soient mis de côté", écrivent-ils dans un communiqué commun. "Pour répondre à un système de santé engorgé, libérons du temps médical. Travaillons en collaboration dans le cadre d’un exercice coordonné pluridisciplinaire. Cet exercice est le garant du bon fonctionnement de l’accès direct et de la primo-prescription. Il doit permettre un accès à un professionnel de santé dès que nécessaire."

Les organisations représentant les professionnels concernés par cette mesure ont-elles aussi soutenu la proposition de loi, faisant valoir leurs compétences pour répondre aux besoins de santé des Français.

A l’issue de l’examen en commission, le texte sera discuté en séance publique de l’Assemblée nationale la semaine prochaine.

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