Ajouter des huiles essentielles aux antibiotiques, l'idée de génie d'un chercheur

20/07/2017 Par Marielle Ammouche
Infectiologie

Un chercheur marocain a eu l'idée d'ajouter aux antibiotiques des molécules provenant d'huiles essentielles de plantes aromatiques réputées efficaces contre les micro-organismes. Une idée qui permettrait de lutter contre les bactéries résistantes aux antibiotiques. Le mois dernier, ce biologiste, Adnane Remmal, a reçu le prix du public de l'Office européen des brevets.

Origan, thym et romarin. Ce bouquet garni de plantes aromatiques pourrait représenter le nouvel espoir de la lutte contre l'antibiorésistance, l'une des "plus graves menaces pesant sur la santé mondiale" selon l'OMS. Le défi est de taille : les résistances bactériennes seraient responsables de 700 000 morts par an actuellement à l’échelle mondiale ; un chiffre qui pourrait atteindre 10 millions d’ici 2050, faute d’une nouvelle génération d’antibiotique (Review on Antimicrobial Resistance. Jim O'Neill. Mai 2016).   Contourner l'antibiorésistance   Ces plantes, qui prospèrent sous le climat méditerranéen du Maroc, contiennent les composants les plus efficaces contre les microbes, selon Adnane Remmal, chef du laboratoire de biotechnologie de l'Université Sidi Mohamed Ben Abdallah, de Fès. S'inspirant de la tradition marocaine d'utilisation médicinale des plantes, ce chercheur, titulaire d'un doctorat en biologie moléculaire obtenu à Paris, a eu l'idée d'ajouter aux antibiotiques des "molécules naturelles provenant d'huiles essentielles", créant ainsi un nouveau complexe moléculaire visant à contourner l'antibiorésistance. Les propriétés antimicrobiennes, mais aussi antiparasitaires et antifongiques de nombreuses plantes sont, en effet, bien connues. Cependant, à fortes doses elles sont souvent inutilisables du fait des effets secondaires qu’elles entrainent. Remmal a donc associé ces propriétés des huiles essentielles à celles des antibiotiques, afin d’obtenir un effet synergique tout en évitant les effets indésirables. À l'échelle moléculaire, Remmal compare le fonctionnement d'un antibiotique à une clef servant à ouvrir une porte : "Dès que la clef ouvre la porte, la bactérie meurt, mais si une mutation modifie un tant soit peu la géométrie de la serrure, la clef n'entre plus et la bactérie devient résistante", explique-t-il dans un article de l’Office européen des brevets. En "dopant" l'antibiotique aux huiles naturelles, Remmal a inventé une clef qui ne se contente pas d'ouvrir la porte, mais qui la démolit. La clef spéciale de Remmal associe aux propriétés antimicrobiennes naturelles de certaines plantes locales, les antibiotiques connus tels que les pénicillines, les céphalosporines et même les antibiotiques utilisés contre le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM).   Camoufler l'antibiotique   L'interaction entre les molécules naturelles "dopantes" et les antibiotiques crée des "complexes moléculaires" que les mécanismes de résistance mis en œuvre par les bactéries ont de la peine à reconnaître. Les bactéries peuvent alors très difficilement développer des résistances efficaces contre le traitement anti-infectieux. C'est "comme si on camouflait l'antibiotique" avec les molécules d'huiles essentielles, ajoute le biologiste de 55 ans. La bactérie peine à le reconnaître et donc à développer un mécanisme résistant. La bactérie "redevient sensible à cet antibiotique boosté". Et "grâce à ce nouveau médicament, on peut traiter un patient qui a un germe résistant", explique-t-il. Ces "antibiotiques dopés" ont ,de plus, l’avantage d’être caractérisés par un faible coût de production du fait qu’ils utilisent des molécules naturelles déjà testées et approuvées dans l’industrie pharmaceutique.   Essais cliniques   La découverte d'Adnane Remmal a été brevetée en 2014 par l'Office européen des brevets. Les essais cliniques ont débuté en 2016 et des tests complémentaires sont en cours. Le biologiste, qui a signé un contrat avec un laboratoire pharmaceutique marocain, espère obtenir fin 2017 l'autorisation de mise sur le marché dans le royaume. Dans son laboratoire de Fès, où il supervise les travaux d'une vingtaine d'étudiants, le Dr Adnane Remmal a également mis au point des suppléments alimentaires pour bétail à base d'huiles essentielles. Objectif : réduire le recours aux antibiotiques dans l'élevage intensif, principale cause de l'antibiorésistance. Des brevets sont en attente de publication pour d'autres produits à destination agricole : biopesticides, antifongiques, antiparasitaires. Les recherches continuent aussi pour la santé humaine.

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